« Or, ce n’est ni d’ordalie […] ni d’élan caritatif ou d’hyper-conscience altruiste qu’il est question dans le bouddhisme, mais d’une “combinaison” en effet, d’un équilibre on ne peut plus subtil entre deux éléments – compassion et vacuité – émergeant l’un de l’autre, sans jamais se compléter et moins encore s’opposer […]. » F. Bonardel, Philosophie et bouddhisme
Maitri, ou bienveillance, compassion, est avant tout une vertu à s’appliquer à soi-même. Ne pas se juger, pour s’éveiller au monde, à la réalité de ce qui est. Mais surtout, c’est ce qui permet, une fois l’œil de la Loi ouvert, de regarder le monde et les êtres y vivants, comme d’autres êtres en souffrance. Puisqu’il n’y a pas de moi, puisque “je” est vide de sens, de réalité, d’en-soi, alors l’autre est tout aussi vide, sans sens pratique. Si l’autre déchaîne sa colère sur “moi”, ce qui blesse c’est la colère, pas l’autre. Et de plus il n’y a de blessure que s’il reste un attachement à l’illusion de “moi”. La vue juste du monde qui passe par l’appréhension de ma propre illusion ouvre d’immenses portes, fluidifie les rapports humains, car il n’existe plus de contrastes ou de contradictions, en dehors de celle de ma peau face à cette autre peau, d’un autre corps, différent dans son existence à-part, mais tout aussi impermanent que le reste. La compassion devient alors si évidente : on ne peut faire de différence entre du rien, moi et toi sommes ce vide, nous fusionnons par le fait même de ne pas exister absolument.