J’envie ceux qui savent, qui ont des idées, des certitudes, des raisons, des convictions. Depuis quelques temps déjà, ma phrase favorite est « je ne sais pas »… c’est fou comme elle sort de plus en plus facilement de ma bouche, un peu comme un gimick de langage ! Le pire c’est en cours de philo, quand les élèves du lycée XP, loin d’être des élèves modèles qui ingurgiteraient la gueule ouverte la soupe magistrale qu’on leur aurait préparé, osent (les fous) me poser des questions… et là, souvent, le « je ne sais pas », revient en force. J’ai l’impression de vivre sur des sables mouvants. Le doute est devenu ma religion ! Rien de stable, aucune idée, aucun sentiment même… alors il faut savoir se laisser aller au fil de l’eau, au fil du doute.
Je suis en train de lire les Essais Sceptiques de Bertrand Russell, philosophe anglais de la première partie du XXe siècle. Voilà un passage qui se marie bien avec mon humeur de ce soir : « Si on reconnaît le bien-fondé d’une condition de doute rationnel, il devient important de rechercher les causes de tant de certitudes irrationnelle dans le monde. En grande partie, elle est due à l’irrationalité et la crédulité inhérentes à la nature humaine moyenne. Mais ce germe du péché originel intellectuel est nourri et développé par d’autres facteurs, parmi lesquels trois jouent un rôle prépondérant, à savoir : l’éducation, la propagande et la pression économique. »
Les certitudes dont sont faites notre monde paranoïaque naissent de l’irrationalité de l’humaine condition ! Le doute serait-il alors la seule force d’une raison qui se poserait comme le seul garant du monde ? C’est parce que je doute que j’existe, que je suis lucide, que je souffre certes mais que je puis voir le monde tel qu’il est. « Je ne sais pas »… c’est frustrant mais est-ce le seul moyen de connaître vraiment ?