Souvent, quand je fais part des mes états d’esprits quelques peu nihilistes, les gens se marrent… soit parce qu’ils ne comprennent pas ce que cela veut dire… soit parce qu’ils ne peuvent m’imaginer en train de tomber dans le néant. Je suis plutôt rigolote et sociable, et quand j’ai le malheur d’évoquer le fond de ma philosophie, je rencontre souvent incompréhension et bâillements.
Pourtant, être dans le néant peut devenir quelque chose de très réel, de très palpable. Ce que raconte Cioran n’est pas qu’un style, qu’une posture de dandy… c’est une réalité pour certains d’entre nous. Cioran vivait cela plutôt la nuit et visiblement assez fréquemment. Je suis plus sujette à des crises… comme des crises d’angoisse, sauf que ce sont des crises de nihilisme.
Quelle forme cela prend il ? C’est comme tomber dans un trou… ce n’est pas se ramasser au fond, c’est la sensation de tomber, dans le vide… dans le rien. Je me lève ce matin et je sens que toute la journée sera marquée par ce rien. Gesticuler, manger, parler, jouer, lire… rien n’y fait, aucune action ne pourra remplir le trou… ce qu’elles font d’habitude si habilement sera, aujourd’hui, dénué de tout sens. Dans ce trou il y a la lucidité lumineuse qu’aucune chose dans ma tête, dans mon corps, dans le monde n’a de sens… c’est une perte totale et puissante du sens et de la valeur des choses. Dans une crise de nihilisme j’ai l’impression constante, minute après minute, instant par instant, de brasser du vent, d’être inutile, de vivre pour rien. Le monde tourne, les gens vont et viennent, et c’est encore pire car je me sens en complète inadéquation avec tout ceci. Le manège virevolte et je me retrouve éjectée à côté … et je regarde… en rigolant parce que j’observe que tout le monde tente de s’accrocher au manège et moi je ne vois que la fin, la mort, le rien qui leur court après.
Alors s’engage une lutte : la plupart du temps… en fait tout le temps (c’est mon quotidien), je me bouge, je fais, je fabrique, je rencontre, j’exécute… j’agis quoi. La plupart du temps cela permet de cacher la misère, de ne pas trop voir le réel en pleine figure. Mais parfois, comme aujourd’hui, l’Ennui est plus tenace… sans doute le ciel gris et la pluie toute la journée sur la côte… rien n’y fait, il me colle aux basques. Alors là il vaut mieux faire la tortue, le dos rond, laisser passer non pas l’orage électrique, mais la douche froide du réel, de la lucidité. Je bouge au ralenti, je fais sans m’attacher à rien. Je sombre doucement dans le néant : cet après midi j’ai conduit sur la route Bleue où les rafales de pluies rendaient la visibilité très réduite. Je me suis vue plusieurs fois le cerveau vide, à regarder hallucinée les feux arrières rouges de la voiture devant moi… rien… il n’y avait rien… rien d’autre que mes automatismes bien ancrés de la conduite.
Les bouddhistes appellent cela l’Eveil… dans notre monde c’est un sacré handicap parce que l’on ne prend rien du tout au sérieux, ni soi-même ni le monde ni encore moins les autres. Si rien n’est sérieux, si rien n’a de sens, si rien ne vaut la peine de prendre la peine de vivre pour cela, alors quoi ? Ecrire ceci est digne d’hérésie dans notre civilisation où tout doit avoir une ligne, un code, une règle… où il faut choisir entre se résigner ou se révolter. Mais comme les sceptiques, je ne veux pas choisir, car choisir c’est déjà agir et agir ne mène à rien… je vous avais dit que j’étais en pleine crise 😉 J’ai beau écrire ce soir pour décharger mon supplice, les mots tournent en rond et reviennent inexorablement vers le même gouffre sans fond.
Bonjour,
Cela fait quelques années maintenant que je me suis rendu compte de l’absurdité de la vie, de son non-sens… Comment m’en suis-je rendu compte ? Je n’en ai aucune idée, aucun souvenir. Tout ce que je sais c’est que je veux en sortir. Je vais sur mes 18 ans et cet état d’esprit m’opresse,personne ne me comprend dans mon entourage. Je regrette le temps de ma naïveté, de mon enthousiasme, de l’émerveillement que je savais éprouver face au monde qui m’entourait… maintenant plus rien n’a de gout puisque plus rien n’a de sens. C’est d’autant plus difficile de vivre cela lorsque tous nos amis arrivent à croire qu’ils sont heureux! Moi je n’y arrive pas… je n’ai jamais manqué de rien et j’ai une famille qui m’aime mais rien n’y fait car je sais que tout ça n’a pas de sens ! Je ne dirais pas que j’éprouve l’envie de mettre fin à ma vie (cela ferait souffrir mes proches, ce serait trop égoïste) mais je ne vois pas ce que ça changerait puisque l’on naît pour mourir. Peu importe le temps que nous restons ou ce que nous faisons ici puisque ça n’a aucun sens. Travailler, souffrir, affronter la vie… Pourquoi, puisqu’on finira par mourir? Alors pourquoi s’obstiner à vivre? Pourquoi perpétuer l’Humain? Que faisons nous de bien au monde? Pas grand chose à mon avis. Alors je ne comprends pas pourquoi l’être humain s’évertue à enfanter. Cela n’a pas de sens non plus, puisque nous savons que nous mourrons! C’est purement égoïste, de vouloir des enfants… « Vouloir » cela montre bien que c’est une nécessité personnelle. Oui, il fut un temps où les conditions sociales l’exigeaient, mais ce monde est révolu. Nous vivons désormais, dans un monde qui connait la surpopulation.
Enfin soit je crois que je m’embrouille… J’espère avoir été claire, en tout cas ça fait un bien fou de voir qu’on est pas seule même si j’ai l’impression d’être légèrement plus radicale que vous…
Mais ma question finale est: Comment retrouver mon innocence, ma naïveté? Ou au moins, comment oublier, lutter contre cette pensée? Ça fait trop mal de vivre comme ça, de s’interdire tout bonheur puisque c’est illusoire. Surtout à 18ans…
J’espère que vous pourrez me conseiller, m’aider.
Merci d’avance
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Bonjour,
pour ma part, la solution que j’ai trouvé c’est d’essayer autant que je peux de vivre uniquement ici et maintenant. Le manque de sens de la vie et de l’humain est toujours présent, et malheureusement quand on eu cet éclair de lucidité, on ne peut pas retrouver « l’innocence perdue ». Il y a parfois des moment de « crise » où l’absurdité des choses vous revient en pleine figure. Alors de mon côté j’essaye de faire, des petites choses, de vivre des petits plaisirs, des petits bonheurs, et d’être autant faire ce peux dans le présent. Ne pas ressasser le passé, ne rien attendre de l’avenir, ne rien espérer et laisser aller les choses comme elles doivent arriver, sans me figer dans un « vouloir » qui est plus morbide qu’autre chose. Pour cela la philosophie est ma thérapie. Lisez donc Sénèque…
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