Le bouddhisme est-il démocratique ?

Le bouddhisme est né en Inde aux alentours du Ve siècle avant J-C. Il est né dans une civilisation déjà très ancienne, où toute la société était déjà formatée par l’organisation des castes. Ces structures hiérarchisent les relations sociales et fixent, dans un cadre extrêmement rigide, la vie collective, les coutumes, la politique, la religion. L’hindouisme est un système religieux qui favorise, qui sous-tend cette organisation. La plus haute des castes, celle des brahmanes, est celle des officiants lors des rituels védiques, celle des prêtres et des savants, ceux qui savent lire, qui connaissent la Loi sacrée. Ils sont les garants du bon déroulement des sacrifices, des rites par leurs connaissances, en particulier de la langue sacrée, le sanskrit. Les autres castes définissent des groupes humains en fonction de leur statut social ou de leurs métiers. Mais chacun est soumis à cette dure réalité qui le fait naître dans une caste et qui lui interdit d’en sortir. Selon la croyance hindoue, c’est la migration des âmes (l’atman) qui, selon le karman de chacun, définit dans quelle caste le croyant renaît selon les cycles des vies. Pour résumer, s’il on naît dans la caste des brahmanes, c’est que durant sa vie antérieure, le karman accumulé a été plutôt positif. Si on naît dans une caste inférieure, c’est que le fruit de nos actions passées était négatif : à nous de tout faire dans cette vie-ci, déjà en acceptant cette fatalité, tout pour renaître dans une caste supérieure.

Le bouddhisme remet totalement en cause cette vision du monde. Et cela pour plusieurs raison.
Tout d’abord, parce que la bodhi, la capacité d’Éveil, est présente en chacun des être vivants. Le divin n’est pas réservé à une élite qui aurait plus de contacts avec lui ou plus de connaissances DE lui. L’Éveil est une puissance, un potentiel présent chez tout le monde, à chacun de se connaître suffisamment, pour le faire fleurir. La connaissance n’est pas celle des livres, de la philosophie, des système, du monde. La seule connaissance qui vaille est celle de soi-même.
Un autre argument est que chacun est responsable de sa vie, de ses actes. Ce n’est pas parce que l’on n’aura pas fait tel rituel (pudja) ou tel prière ou tel sacrifice, qu’un Dieu immanent risque de nous punir. Il n’y a pas de Dieu créateur dans le bouddhisme, et la multitude des dieux hindous font partie du samsara, du monde des illusions. La question de l’origine du monde n’est pas une question à se poser, elle est inutile car elle ne permet pas de répondre à la seule question importante : comment faire pour ne pas souffrir ? L’individu est donc seul face à la réalité du monde, à lui de tout mettre en œuvre, que ce soit en tant que laïc ou en tant que moine, pour atteindre cette réalité.
En outre, le bouddhisme ne parle pas de réincarnation dans une autre vie, mais de renaissance. Il n’y a pas d’atman qui se réincarne dans un autre corps, il n’y a pas d’essence, de substance, d’âme. Par contre, à la question de savoir qu’est-ce qui renaît pour le croyant bouddhiste, ce n’est pas ici que j’en parlerai ! Mais cela veut dire qu’il n’y a pas de dette, pas bonne ou de mauvaise vie, il n’y a que de l’ignorance de la Réalité ultime qui fait que « quelque chose » revient vers le samsara, ce monde-ci des illusions.

Quand il est apparu en Inde, le bouddhisme est apparu presque comme une révolution politique, car il mettait au même pied d’égalité tous les individus, du roi au paysan. Nul n’est supérieur à l’autre sur le chemin de l’Eveil. Ce principe avait de quoi bouleverser les traditions. C’est pour cela que le bouddhisme indien a non seulement été vite adopté par les plus humbles, mais aussi qu’il a aussi vite disparu de la péninsule : le système des castes, plus ancien, plus ancré dans les mentalités n’ayant pas été capable d’absorber cette révolution spirituelle. On le voit encore aujourd’hui : officiellement, les castes n’existent plus en Inde, c’est un principe inscrit dans la constitution, mais pourtant elles n’ont jamais été aussi fortes dans l’Inde du XXIe siècle. A tel point que pour beaucoup d’Indiens, elles sont mêmes un des freins essentiels à la modernisation et à l’ouverture du pays.

Selon une Parole de Bouddha :
« On n’est pas un paria selon sa naissance.
On n’est pas un noble selon sa naissance.
On est un paria seulement selon ses actes.
On est un noble seulement selon ses actes. »

La noblesse (arya) est celle de celui qui suit la Voie, qui pratique la compassion, qui tente de limiter son ignorance. D’ailleurs, on peut traduire le catvāri āryasatyāni fondateur du bouddhisme, autant par les Quatre Nobles vérités que les Quatre vérités des Nobles, c’est-à-dire les vérités de ceux qui ont comprit la réalité du monde, la réalité de la souffrance, des causes de la souffrance et du chemin pour la cessation de la souffrance. Cette noblesse ne vient pas de sa naissance, de sa caste, mais bien de son propre engagement et de ses propres efforts.

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