Que faire ? Et si déjà nous survivions ?

Ils sont morts aujourd’hui. Ils sont morts parce qu’ils faisaient rire. Aujourd’hui nous, nous continuons à vivre. Vivre sans eux. Il va falloir continuer, dans ce monde qui tourne à la barbarie, dans ce monde que je ne reconnais plus et dans lequel je n’ai pas envie de vivre.
Après l’émotion de ce soir, qui va envahir la France, peut-être même le monde, il va bien falloir continuer à vivre. Il y aura bien sûr un avant et un après : le massacre qui s’est passé ce matin dans le locaux de Charlie Hebdo est notre 11 septembre à nous. Il y a quelques semaines les mêmes barbares ignorants et obscurantistes tuaient 142 enfants dans une école à Peshawar au Pakistan. Aujourd’hui se sont des dessinateurs. On assassine l’innocence, la joie et le rire. Le sérieux est en train de nous étouffer : arrêtons donc de tout prendre au premier degré. Arrêtons de nous croire savants ou sages. Il n’y a plus rien ce soir que des pleurs, parce que c’est la fin d’un monde. Nous sommes entrés aujourd’hui dans un autre monde.
Et à présent ? Est-ce l’insurrection qui vient ? Est-ce un sursaut national de concorde qui pourrait survivre à ces quelques heures de profonde émotion ?

Ma seule crainte ce soir est que nous allons tous, collectivement, payer au prix fort les 40 ans d’ineptie de notre (non)politique éducative, de notre (non) politique de la ville, de notre non politique tout court. Car ce qui est le plus dangereux, au-delà des deux ou trois assassins qui se sont enfuis et que, j’espère, les services de sécurité français vont retrouver (sinon, je ne vous raconte pas l’humiliation !), ce sont les quelques milliers, millions de nos concitoyens qui vont s’engouffrer, à côté de Marine, dans la haine, l’amalgame, l’ignorance. Je ne me fais pas d’illusion, nous ne sommes pas une nation « éclairée ». Même si tous les petits français vont à l’école depuis longtemps, cette école (dont je fais partie) ne se donne plus les moyens d’élever les esprits, d’ouvrir les cœurs et de combattre les ténèbres de l’ignorance, du mépris, du dédain pour les autres. Je fais peu confiance à mes concitoyens pour réagir, après ce soir, de façon raisonnable et intelligente. Je suis sans doute dure, mais c’est ce que je pense ici et maintenant. On vient ce soir de briser la liberté d’expression dans ce pays, j’ai longtemps tenu ma plume, j’ai décidé aujourd’hui de ne plus me censurer, de ne plus censurer ce que je pense profondément.
Et il me semble que pour faire barrage à la montée du racisme et de l’intolérance, de l’indifférence aux autres et surtout à ceux qui viennent d’ailleurs, les livres, la musique, les arts, les rencontres, les voyages, la culture, l’humour (!) sont les meilleures armes. Mais bien sûr, pour que toute une population puisse avoir accès à tout cela, il faut du temps et de l’argent. Comment pouvoir généraliser ces biens précieux au risque non seulement de fabriquer des esprits critiques mais surtout de ne pas entrer dans le monde merveilleux du capitalisme marchand. Car quelqu’un qui pense ne consomme pas forcément ce qu’on lui demande d’acheter. Quelqu’un qui pense, il ne vote pas forcément quand on lui demande ni pour qui on lui demande. Quelqu’un qui pense n’est pas un citoyen, c’est un homme ou une femme libre, qui est un sujet de sa propre vie et pas un spectateur désabusé du spectacle quotidien politico-médiatique.

Maintenant qu’ils sont morts il va falloir faire preuve de tolérance, éviter la haine, celle qui point déjà dans les commentaires que l’on lit sur internet. Sinon c’est vers une guerre civile que l’on va, car pour ma part je ne laisserais pas les valeurs qui me sont chères voler en éclat comme au temps de l’Inquisition.
Je finirai donc seulement avec ces mots d’un penseur qui est l’un de mes maîtres, Giordano Bruno, mort brûlé en place de Rome par la Sainte Eglise en 1600 pour avoir osé défendre les idées astronomiques de l’héliocentrisme et de l’infinité des mondes :
« Qui t’empêche de répandre tes fruits esprit débile ? Il faut pourtant que tu les donne à ce siècle indigne. La terre est couverte d’un d’un océan d’ombres ; mais c’est à toi, Ô mon Olympe, de faire émerger ton front jusque dans la clarté de Jupiter. »

Et celle de Spinoza : « La haine doit être vaincue par l’amour et la générosité ».

Et je fini par cette caricature, anglo-saxonne certes, mais qui a le mérite de rire de ceux qui se prennent trop au sérieux : les Monty Pyhton, Always look on the bright side of the life dans Brian’s life !

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