Démocratie – Quand la représentation ne fonctionne plus

Aujourd’hui, dimanche 11 juin, c’est jour d’élections législatives. Après quelques hésitations, je me suis finalement rendue dans mon bureau de vote campagnard pour voter et choisir parmi les 16 candidats qui se présentent dans ma circonscription de Loire Atlantique ! Je n’avais pas voté au second tour de l’élection présidentielle et aujourd’hui encore je crains la vague En Marche qui risque surtout de nous amener à l’Assemblée nationale une belle brochette de débutants incapables de faire face au pouvoir exécutif… qui lui bien au contraire n’a rien de novice en la matière ! Nous nous acheminons vers une mandature à la botte du pouvoir exécutif. Cela ne fait que confirmer mon interrogation, si ce n’est plus, sur l’efficacité et l’efficience (comme on dit aujourd’hui) du système de représentation.
Je pense de plus en plus que la représentativité politique n’est plus de mise au XXIe siècle, une époque où justement tout le monde est d’accord pour dire qu’elle sera révolutionnaire, tant dans le domaine économique que social. Pourquoi alors continuer à vivre sous un régime qui est un héritage du passé ?

Le système de représentation est hérité de la vision chrétienne de la société, celle de l’Incarnation. Incarnation du divin dans un Homme-Dieu qu’il faut révérer parce qu’il nous sauve ; incarnation du pouvoir politique dans un seul homme qui portera les désirs de tous (et pas seulement les siens) et qui entre autre nous sauvera également ! D’ailleurs, on parle bien d’ « élus », ce qui fait référence en premier lieu au domaine religieux à un peuple ou une personne désigné par Dieu pour être sauvé. On nage en plein mysticisme !
N’est-ce pas là ce qu’en France on appelle l’homme providentiel ? Et Macron a très bien su, dès le début de son règne, prendre cette posture si accommodante mais si passéiste. Cette incarnation se traduit ensuite dans la société par une verticalité et une hiérarchisation dont beaucoup ne veulent plus parce qu’elle nous fait croire que d’autres peuvent savoir pour nous ce qui est bon.

Une histoire locale : quand les représentants jouent aux monarques

Une petite anecdote qui montre à la fois que ce système de représentation politique est à bout de souffle mais qu’il peut encore faire des dégâts.

Déjà, savez vous ce qu’est un Conseil de Développement ? Je suis certaine que pour beaucoup ces mots sont un mystère. Savez vous que vous pouvez tous participer à un Conseil de Développement ? Un Conseil de Développement est une assemblée de citoyens qui se réunissent dans certaines collectivités (intercommunalités, départements, régions) pour donner des avis sur certains domaines qui concernent la vie collective. C’est ce qu’on appelle, avec parfois chez certains « élus » locaux beaucoup de cynisme, la démocratie participative. C’est le fait pour les citoyens de s’engager dans la vie politique locale, non pas en tant qu’élus justement mais en tant que représentants de la société civile… tient, n’est-ce pas ce qu’on nous promet pour la future Assemblée nationale ?
Dans mon intercommunalité ligérienne, de Loire et Sillon, ce Conseil de Développement existait depuis 10 ans et faisait un travail de proximité et de pédagogie remarquable et souvent pris en exemple dans la région. Il a pris depuis des années des avis souvent pris en compte par les représentants locaux et communautaires, par exemple sur les plans de déplacement, sur les déchets, sur l’urbanisation. Il était animé, chose rare, par une animatrice employée par l’intercommunalité. Ses membres participaient également à des commissions locales par exemple pour l’octroi des subventions européennes en milieu rural, à l’heure où les caisses de l’Etat français sont vides. Bref, cela tournait, cela fonctionnait, les gens étaient investis, ils avaient une vraie expertise.
Tout cela a été balayé d’un revers de main méprisant par un nouvel élu. En effet, l’intercommunalité de Loire et Sillon a dû en janvier dernier, et suivant la loi NOTRe de 2014, fusionner avec une autre, plus petite, mais très riche, celle de Cœur Estuaire où se situe la centrale électrique de Cordemais, sur l’estuaire de la Loire. Les représentants de cette dernière n’étaient pas très chauds pour fusionner, car cela voulait dire partager avec d’autres le gâteau alléchant et financier de la taxe que reverse la centrale au territoire… on parle de 2 millions d’euros… ce n’est pas rien ! Pour compenser cette perte matérielle, la nouvelle intercommunalité agrandie a décidé de donner sa présidence au maire du bourg le plus grand, Saint Etienne de Montluc… geste symbolique mais pas si innocent que cela. On voit bien déjà que les élus se partagent les prébendes, en plus de jouer les seigneurs sur leurs terres.

Des citoyens mis au ban

Logiquement, après cette fusion, il était évident que le Conseil de Développement de Loire et Sillon allait tout naturellement s’agrandir et ouvrir ses portes à des habitants de Cœur Estuaire. Il y avait même eu des réunions préparatoires en automne 2016 pour expliquer aux habitants ce que faisait ce Conseil de citoyens. Sauf que… le nouveau président de l’intercommunalité, appelée Estuaire et Sillon, en a décidé autrement, alors qu’à aucun moment la loi nous l’obligeait à faire cela. Il a purement et simplement dissous le Conseil de Développement existant… mettant ainsi fin à 10 ans de travaux, à des engagements locaux nécessaires au bon fonctionnement de certains rouages administratifs, aux bonnes volontés des citoyens du territoire. Et pourquoi ? En façade, on nous dit qu’on ne pouvait pas ouvrir le Conseil à de nouveaux membres, qu’il fallait créer un nouveau Conseil. C’est faux. En fait, il s’agit encore et toujours d’intérêts privés : les élus de l’Estuaire portent un projet « touristique » appelé LoirEstua, situé à quelques pas de la centrale de Cordemais… zone classée en Sevezo ! Certains habitants et certains élus ce sont un peu interrogés sur l’idée de construire un projet touristique dans une zone industrielle potentiellement dangereuse et surtout sur le coût astronomique encore une fois d’un Grand Projet Inutile (on commence à bien les connaître dans la région!) Et pour les porteurs de ce projet, le Conseil de Développement est apparu comme une potentielle chambre de résistance à leurs désirs ! Il fallait éliminer ce danger potentiel mais totalement irréaliste car un Conseil de Développement n’est en aucun cas un conseil politique… et donc mettre fin sans consultation aucune des habitants ou de ses membres à cette expérience de démocratie locale !

Ces petites anecdotes de la vie politique locale sont souvent ignorées de la plupart des citoyens. Il y en a d’autres comme cela que je pourrais raconter ici, et il y en a beaucoup d’autres partout en France. La démocratie représentative n’a plus lieu d’être, car c’est un système qui ne fonctionne plus : il est terminé le temps où un seul homme (parce qu’il faut avouer que ce sont encore et toujours en majorité des hommes, blancs, plutôt âgés !!) pouvait croire qu’il était comme un seigneur sur ses terres. De plus en plus d’habitants veulent s’investir dans leur vie locale, et veulent pouvoir dire et faire ce qui leur semble le meilleur pour eux et pour leur territoire. Alors oui, j’ai voté aujourd’hui, mais j’ai voté pour un mouvement qui justement milite pour plus de participation active et réelle et pour la fin de l’infantilisation des citoyens et l’incarnation du pouvoir.

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