Etats d’âmes

J’écris un peu moins en ce moment. Les corrections du bac, même si peut paraître étrange, mais prennent beaucoup de temps et surtout d’espace mental. Quand on lis et surtout que l’on essaye sincèrement de comprendre ce que le candidat a voulu dire, cela demande un effort intellectuel particulièrement intense ! Cela laisse donc peu de place mentale pour faire autre chose, comme lire ou écrire.

Cette année j’ai corrigé des copies plutôt bonnes, peu de perles comme on les attend tous les ans et qui font toute la saveur, un peu perverse il faut le dire, de ces moments assez solitaires. Les jurys se réunissent mardi matin et les résultats seront mercredi 5. Ce sont des moments particuliers à vivre avec les élèves, surtout avec ceux et celles qui devront passer les oraux de rattrapage, s’ils ou elles ont eu entre 8 et 10 de moyenne. Il va falloir les préparer à ces oraux pour qu’ils-elles puissent décrocher le fameux sésame.

J’avoue que j’ai eu beaucoup de mal cette année avec les notes et toujours cette question qui me taraude : pourquoi donner une note à un travail écrit, normé et très artificiel. La philosophie devrait être évaluée à l’oral, car c’est finalement son origine et sa force : l’argumentation pour convaincre, pour débattre, se fait dans l’échange de vive voix et pas dans la lecture solitaire de quelques feuilles de papier quadrillé.

Cette fin d’année est pour moi particulièrement étrange et même angoissante. En effet, j’ai décidé de quitter mon établissement scolaire pour me retrouver dans ce qu’on appelle entre nous le « trad », c’est-à-dire un établissement classique où j’aurais en charge des classes de 40 élèves… à devoir faire de la discipline… me couler dans un moule qui n’a jamais et ne sera jamais le mien. Je ne sais pas pour l’instant où je serai nommée, ce qui augmente mon angoisse, d’autant plus que ce choix de « carrière » n’est pas voulu mais subi pour tenter, essayer, de voir plus loin que l’enseignement. Mais, comme beaucoup d’autres qui tentent comme moi de se défaire des ces liens, il est très compliqué de se quitter l’éducation nationale !! Mes recherches d’un emploi dans le secteur privé ne donnent rien… et je vois avec une pointe de désagrément l’éventualité de devoir continuer à faire quelque chose que je ne veux plus… dans des conditions qui ne sont pas bonnes.

Alors comme tout fonctionnaire, je pourrais demander une disponibilité, mais dans ce cas je n’aurais plus aucune ressource financière, et si au moins j’avais quelques espoirs dans des emplois autres je pourrais me lancer. Mais au vu du nombre de refus que je reçois à mes candidatures, je crains que cette option ne soit suicidaire pour ma tranquillité d’âme. Parfois je me dis que je ne fais qu’un caprice de Bo-Bo qui veut se frotter à des risques plus grands tout en conservant son confort… contradiction et paradoxe d’une prise de conscience qui n’est pas vraiment agréable d’affronter. Ce n’est pas la première fois dans ma vie que je me mets un peu en danger, mais jamais à ce point, de ne pas savoir de quoi demain sera fait et de ne pas être un peu maîtresse des choses !

Une fin d’année pas très sereine pour moi, ce qui se voit dans ce billet quelque peu personnel, pour partager avec vous lecteurs et lectrices les aléas d’une reconversion professionnelle douloureuse. Alors il faut pouvoir, en adepte d’une certaine philosophie pratique, appliquer à soi-mêmes les leçons que l’on donne parfois facilement aux autres. Laisser-aller, patience, confiance dans ce qui va se passer. Les maîtres stoïciens nous ont appris à ne pas se préoccuper de ce qui n’est pas de notre ressort, mais j’ai toujours trouvé étrange et pour le moins cavalier de ne jamais nous avoir expliqué concrètement ce qui était de notre ressort ou non. L’état de notre esprit est certes de notre ressort, c’est à nous de pouvoir contrôler ou non nos peurs. Mais le situationnisme stoïciens ne nous explique jamais quels actes, quels non actes, quels pensées ou paroles sont pratiquement de notre ressort : dois-je tout mettre en œuvre jusqu’à ma dernière goutte d’énergie pour atteindre mon but ou bien existe-t-il des degrés dans mon action qui, à partir d’un certain point, serait de toute façon inutile voire néfaste d’entreprendre pour ma tranquillité ? C’est sans doute comme toujours un juste équilibre à trouver entre actions et laisser-aller, entre le corps et l’esprit, entre l’entreprendre et le détendre qui doit être propre à chaque individu.

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6 commentaires sur “Etats d’âmes

  1. Je ne trouve pas si surprenant que tu n’aies pas le temps d’écrire ici avec tes copies à corriger. (l’inverse l’est par contre xD)

    Je te souhaite bon courage dans ta quête d’un travail meilleur, ça n’a pas l’air facile. (et je ne pense pas que le président Macron et sa clique aideront en quoi que ce soit)

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  2. Voici déjà un bon moment que l’auteure de ce blog cherche à s’échapper du carcan de l’éducation nationale dans lequel elle se sent coincée voire inutile, en tout cas pas à la hauteur des idéaux qu’elle avait fondé en lui.

    En effet, quoi de plus noble que d’enseigner dans un lycée expérimental pour faire vivre cette belle utopie ?

    Elle fût déçue…

    Elle essayât ensuite de se reconvertir dans l’environnement en passant avec succès le ou les diplômes qu’il faut théoriquement pour cela.

    A cette occasion elle publia sur ce blog un article objectif et fondé sur le problème de l’aéroport Notre Dame Des Landes qui fût très apprécié et démontrât sa compétence dans ce domaine.

    Logiquement elle voulût trouver un emploi dans cette branche, d’autant que ce milieu est largement associatif, non marchant au sens économique et correspondait assez bien à ses idéaux.

    Elle fût déçue…

    De plus en bonne philosophe qui connait le prix de la liberté, elle n’a voulut dans sa vie s’encombrer d’aucune attache, que ce soit mari, enfants, maison en propriété, etc.

    En conséquence elle se retrouve volontairement prolétaire au sens étymologique du terme en ce sens qu’elle n’a pour vivre que sa propre force de travail.

    En effet, la philosophie est appréciée dans les emplois haut de gamme mais seulement en tant que compétence accessoire en complément d’une principale « bankable » par ex : marketing, ressources humaines, stratégie d’entreprise, conseil, voire même en politique (Macron fût l’assistant de Paul Ricoeur)

    Et justement, c’est là que ça coince…
    Il faut bien vivre !

    Le salariat en général et sa quintessence, le fonctionnariat est une prison aux barreaux invisibles, un tyran au sens de La Boétie à qui n’a pas de fortune personnelle permettant de s’en affranchir.

    Et une fortune personnelle n’est pas obligatoirement du fric !

    Ce peut être une des nombreuses compétences innovantes qui n’est pas encore enseignée dans l’éducation nationale, pour cela il y a les MOOC, gratuits, ouverts à toutes les têtes bien faites sans aucune contrainte d’horaires ou de lieu…tout en gardant son emploi actuel… et avec un (vrai) diplôme (bankable) à la clé et non pas un assignat fût-il reconnu par l’état !

    Le top étant de créer son propre emploi en créant sa boite et plus tard mieux encore en créant des emplois pour les autres.

    Mais là, je me découvre ultra-libéral, alors je me tais…

    Bien à vous.

    Aimé par 1 personne

    1. Merci ! Vous avez très justement résumé ma situation avec d’autres mots, ce qui est toujours intéressant à lire. Votre commentaire me mets du baume au coeur et vous avez pointé exactement là où j’en suis. Je vais donc poursuivre mes projets et sans doute, même si effectivement c’est très libéral (!), essayer de créer une activité autour de la philosophie et de l’enseignement.

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      1. Soyez remerciée en retour, en effet, sitôt cliqué le bouton « Laisser un commentaire » je me suis dit que, trop convaincu de mon propos, j’y étais allé un peu fort, à la limite de la condescendance d’autant que dans un texte brut, il manque le ton de la voix et celle-ci se voulait aimable, un peu pince-sans-rire certes, mais foncièrement aimable.

        Soyez donc remerciée de l’avoir compris.

        Fils d’enseignants, je connais bien l’arrière-cour de ce milieu particulier et ses vicissitudes.
        Les maisons de repos de la MGEN sont remplies de gens dans votre cas pour lesquels ce dilemme mental a mal tourné et qui ne sont pas près d’en sortir de sitôt.
        Si vous souhaitez préserver votre tranquillité et que vous choisissez (par paresse ou par lâcheté) de perdre les 20 ans suivants de votre vie à la gagner, cette tranquillité espérée vous quittera rapidement et se muera en cynisme (au sens non philosophique) et en aigreur, bref, en dépression larvée dans le meilleur des cas.
        Vingt ans c’est énorme, et il vous faudra une énergie tout aussi énorme pour conjurer ce sombre avenir tout tracé.
        L’idée de tranquillité, abandonnez-la, elle ne sied ni aux courageuses ni aux audacieuses.
        L’idée d’activité autour de l’enseignement et de la philo… aussi.
        Qui irait payer pour un service offert gratuitement par l’école ???
        Même Onfray fait ses cours gratuitement !!! Et ils sont disponibles sur la toile.

        Il faut donc faire un aggiornamento, une révision déchirante, autrement dit un recyclage intégral, changer totalement de milieu et de métier.
        C’est pour cela que j’insistais sur les MOOC et leur flexibilité.
        Là, votre bagage philo va vous aider, ne vous a-t-il pas déjà guéri d’être née ?
        Ne saurait-il alors vous empêcher de dépérir médiocrement ?

        Risquez-vous dans la vraie vie, celle qui a des projets, de la confiance en l’avenir et se moque bien d’une tranquillité émolliente.
        Bref, une vie qui a une réelle (immanente) raison d’être vécue !

        Bon courage à vous,
        Amicalement.

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