Cinéma : entre scenarii fades et effets spéciaux

Je suis allée voir au cinéma le film La Planète des Singes — Suprématie. Je ne suis pas une fan du tout de cette série, ni en livre, ni en série télé, ni en sagas sur grand écran. Cette histoire ne me touche pas. J’y suis allée parce que c’est les vacances et pour voir les effets spéciaux.
Il y a quelques jours j’ai chroniqué le film Valérian et la Cité des Mille Planètes où j’avais déjà raconté mon expérience face aux effets spéciaux particulièrement réussis de ce film. Ceux de la Planète des Singes sont encore plus spectaculaires, non pas dans l’éblouissant ou l’imaginaire, mais au contraire dans la finesse des rendus des singes. Franchement, on ne peut pas voir que ce sont des effets numériques ! La texture de la peau, les poils, les attitudes des visages, les corps des singes, tout est bluffant. D’autant plus que la plupart des personnages simiesques, que cela soit César le chef de la troupe, Maurice l’orang-outang ou les gorilles qui trahissent la cause des singes pour servir l’armée humaine, sont très souvent filmés en gros plans. J’ai essayé, en particulier en regardant Maurice, de détecter les effets spéciaux, mais rien : on a vraiment l’impression de voir un vrai singe, avec des rides, des poils qui bougent, une unicité dans la diversité des traits qui font que ce film est sans doute un tournant dans les effets spéciaux hollywoodiens.

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À part cela, le film m’a laissé un goût bizarre… il est totalement manichéen (bon, on savait que c’était un peu la marque de fabrique chez Hollywood made in United State), mais là franchement c’est too much. Les humains ne sont que des très très méchants soldats et les singes ne sont plus, pour le coup, des méchants singes mais de gentilles créatures qui pensent à leurs familles, à leurs enfants. La seule autre image d’humain est celle d’une petite fille, muette, recueillie par les singes commandés par César.
Le film fait en outre, des références appuyées à beaucoup d’autres fictions, comme si le substrat de la Planète des Singes, écrit par Pierre Boulle en 1963, ne pouvait pas offrir d’autres horizons que ceux, déjà parcourus, du cinéma américain. On y retrouve Apocalypse Now avec un colonel humain totalement délirant, Les Dix Commandements avec un César en Moïse, prophète et père de famille qui amène son peuple à la Terre promise et même Le Seigneur des Anneaux avec une bataille entre humains digne de la bataille du Gouffre de Helm !
La seule vraie densité du scénario se trouve dans la question du langage : les singes sont en train de l’acquérir, soit articulé soit gestuel, tandis que les humains, victimes d’une mutation du virus qui les a décimé et a rendu les singes intelligents, perdent la parole. On a l’impression que pour les scénaristes, le langage serait le vrai vecteur de l’humanité, alors même que les humains perdent la leur en conflits fratricides et en enfermant les singes dans des camps de concentration. De l’autre côté, avec le langage, les singes acquièrent la compassion et la bienveillance, qui se voit enfin sur leurs visages et dans leurs yeux. Le langage est civilisationnel : j’ai écrit hier mon cours pour l’année prochaine sur ce sujet, et je me suis demandé durant tout le film si des extraits seraient intéressants pour illustrer mon propos (petite remarque pour rappeler à tout le monde qu’une prof en vacances, ça n’existe pas ! Tout est prétexte à utilisation pour de futurs cours. À la longue c’est d’ailleurs très fatigant.)

En fait, après mes deux séances de cinéma occidental, je me suis demandé jusqu’à quel point aller tomber l’ineptie des réalisateurs en matière de scénario. J’ai vraiment le sentiment que cette partie-là d’un film contemporain compte désormais pour très peu, et qu’à présent les producteurs doivent se dire que quand ils ont des effets spéciaux de fous, cela permet de faire oublier le reste. Il est certain, comme j’en suis la preuve, qu’une partie du public paye sa place de cinéma pour aller voir des effets spéciaux, mais cela ne saurait suffire. Depuis que j’ai arrêté de suivre la saga Star Wars (pourtant mon socle cinématographique), je me dit que l’objectif est bien de nous faire entrer dans le cinéma, de nous faire payer la place, et puis c’est tout. Que le film soit bon, la plupart des réalisateurs et des producteurs, je pense, s’en foutent. Les effets spéciaux, les cascades, les explosions sont devenus le fond d’un film aujourd’hui. Et surtout, j’ai remarqué cela également, il faut qu’au moment de la sortie les grands médias parlent du film et que les critiques soient bonnes. Pour les deux films que j’ai vus cette semaine, dans mon inconscient (c’est-à-dire cette petite part de mon cerveau que je laisse en pâture aux médias mainstream) j’avais l’idée qu’ils étaient plutôt bons. Quand je suis sortie du cinéma et que j’ai fait quelques recherches (que je n’ai bien sûr pas faites avant d’y aller !), les critiques tant de la presse spécialisée que des spectateurs ne sont finalement pas si dithyrambiques que cela. Je me suis donc clairement fait avoir : j’ai payé une place attirée par un Blockbuster, des effets spéciaux, mais en fin de compte je continue à me dire que la richesse des histoires audiovisuelles ne se trouve plus au cinéma mais bien dans les séries télévisées !

4 commentaires sur “Cinéma : entre scenarii fades et effets spéciaux

  1. Je suis assez d’accord sur la partie scénario de la PDS. Je suis une fan de cette dernière saga, les deux 1ers films offrent des scénariis très intéressants, mais c’est vrai que dans le 3, j’ai trouvé un côté « bons sentiments » à l’américaine qui m’a dérangé un peu. Néanmoins, après avoir vu la bande annonce, je m’attendais à un affrontement très classique, il y a quand même eu de la surprise.

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  2. Une conclusion parfaite qui fait de cette trilogie la meilleur de la décennie. Quand le spectacle rime avec intelligence, ça nous du cinéma comme on l’aime et comme on aimerait en voir plus souvent.

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  3. Même en aimant cette série (j’ai sincèrement apprécié le 1er – origines), j’ai été déçue par ce troisième. Heureusement qu’il y avait des effets spéciaux à admirer… La question du langage m’a interrogé, car on n’a pas vraiment de réponses à ce sujet. La petite fille est atteinte mais ne semble pas régresser. J’avais bien aimé Valerian par contre, j’y ai trouvé plus de distraction.

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