Dan Brown – Origines

Comme je suis en vacances (eh bien oui… il faut toujours savoir profiter du système !), je lis des choses à la fois plus denses, des essais de philosophie, et pour faire bonne mesure, les best-sellers de la rentrée. Comme beaucoup, j’aime bien l’univers de Dan Brown et j’ai donc mis la main sur son dernier opus, de la série Robert Langdon, Origines.
J’avais été fascinée par Le Da Vinci Code, qui est un livre magistral, surtout parce qu’à l’époque je m’intéressais aussi beaucoup aux questions religieuses et aux débuts du christianisme. J’avais dévoré les livres de Christopher Knight et Robert Lomas, comme The Hiram Key, dont Dan Brown s’est très très largement inspiré pour écrire Le Da Vinci Code ! J’ai fait également des visites personnelles dans des mondes un peu secrets… mais ceci est une autre histoire !
C’est donc toujours avec plaisir que je lis des histoires comme celles qu’écrit Dan Brown, qui a créé un genre à lui tout seul avec pas mal de disciples qui font dans le même style : les romans ésotériques.

J’ai lu deux autres livres de la série de Robert Langdon et j’ai vu aussi les films avec Tom Hanks… puis je suis passée à autre chose.
J’ai donc pris Origines avec un a priori tout à fait positif, quant à son auteur et à ce que j’allais trouver à l’intérieur. Je n’ai pas été déçue.

Synopsis

Bilbao, Espagne. Robert Langdon, le célèbre professeur en symbologie et iconographie religieuse, arrive au musée Guggenheim pour assister à une cérémonie historique avec l’annonce d’une découverte scientifique révolutionnaire. L’organisateur de cette soirée n’est autre que le grand futurologue Edmond Kirsch, un milliardaire de quarante ans dont les inventions et les prédictions audacieuses ont fait de lui une célébrité mondiale. Kirsch, qui a été dans sa jeunesse l’étudiant de Langdon à Harvard, est sur le point d’annoncer le résultat de ses recherches… et d’apporter enfin une réponse aux deux questions fondamentales de l’humanité.
Dès le début de la soirée, Langdon, comme les centaines d’autres invités, est fasciné par l’originalité de la cérémonie. Une évidence s’impose : la découverte de Kirsch va susciter une controverse bien plus profonde qu’il ne l’avait imaginé. Mais la soirée parfaitement orchestrée jusqu’alors va soudain virer au chaos. La découverte de Kirsch risque d’être perdue à jamais. Sous le choc, et en grand danger, Langdon est contraint de quitter précipitamment Bilbao. Dans sa fuite, il est accompagné de Ambra Vidal, la directrice du musée qui a préparé avec Kirsch cette soirée explosive. Tous deux s’envolent pour Barcelone, et se lancent dans une quête périlleuse pour retrouver un étrange mot de passe qui permettra de révéler au monde la découverte de Kirsch.
Plongeant dans les dédales sombres de l’Histoire et des religions, Robert Langdon et Ambra Vidal doivent échapper à un ennemi puissant qui semble envoyé par le Palais royal et prêt à tout pour réduire au silence Edmond Kirsch. Sur une piste jalonnée d’oeuvres modernes et de symboles énigmatiques, Langdon et Ambra Vidal vont finir par découvrir les clés menant au secret de Kirsch… et à cette grande révélation qui, depuis des millénaires, échappe à la compréhension de l’homme.

Tout d’abord mon avis sans spoilers !

J’ai bien aimé l’ambiance du livre qui se déroule entre Bilbao, Madrid et Barcelone, dans une Espagne qui, ces dernières semaines, est justement au centre de l’actualité mondiale. Ce n’est pas un pays que je connais et qui m’intéresse, mais les évènements en Catalogne ont eu le mérite de me faire découvrir une société qui n’est pas si lisse ni si insipide. Je savais que les restes et les souvenirs du franquisme étaient encore très présents ; je sais que le royaume espagnol est marqué par la puissance de l’Église catholique, son conservatisme moral et son hypocrisie toujours foisonnante. Mais je ne pensais pas que ces éléments étaient toujours aussi profondément ancrés dans la société espagnole. C’est ce que l’on entend dans les commentaires récents sur les affres entre Barcelone et Madrid et c’est ce que nous raconte, en sous-main, Dan Brown qui est avant tout un romancier documentariste qui voyage et qui connaît ses sujets. C’est d’ailleurs aussi sa force et sa grande qualité, comparée à bon nombre d’auteurs chez qui la prose ne saura jamais recouvrir les recherches : il sait parfaitement noyer ses connaissances, apprises pour l’écriture du livre, dans son style très accéléré et mordant. On ne s’ennuie pas, on apprend des choses tout en lisant un bon roman… si tous les écrivains pouvaient faire de même ! Le livre est bourré de références artistiques, surtout contemporaines, et on découvre (ce fut le cas pour moi) des œuvres originales comme celles du musée de Bilbao : j’ai passé une partie de ma lecture près de mon ordinateur pour chercher sur internet des images des œuvres décrites dans le livre.

Le roman se passe au plus près du pouvoir royal, puisqu’un roi d’Espagne imaginaire et mourant et le prince hériter, Juliàn, sont parmi les principaux personnages. Juliàn s’apprête à épouser une très belle roturière, Ambra Vidal, directrice du Musée Guggenheim de Bilbao où se déroule la présentation du futurologue Edmond Kirsh. On aurait tort de ne pas reconnaître le prince, maintenant roi Felipe VI, qui a épousé une belle roturière, à présent reine d’Espagne Letizia. Ce que j’ai bien aimé autour de ces personnages royaux, c’est le doute qui subsiste autour de leur réelle influence et de leurs liens avec le pouvoir religieux, considéré par l’auteur comme obscur et réactionnaire. La monarchie espagnole est présentée, dans le storytelling interplanétaire, comme la faiseuse de la démocratie actuelle, sur les restes fumants d’une des dictatures de droite les plus durables et les plus abjectes. Ce beau conte de fées n’est pas du tout remis en cause dans le roman, mais tout de même… on doute… et c’est, je pense, le point fort de Dan Brown.

L’autre élément intéressant du livre est la question de la technologie, du numérique. Tout d’abord, l’auteur nous présente les effets bons et mauvais de la puissance immédiate des réseaux sociaux et d’internet. Le roman se déroule en une unité de temps, une nuit, qui voit toute la planète connectée suivre les soubresauts d’une enquête et de la folle équipée de Langdon et de la belle Ambra pour réussir à diffuser la présentation de leur ami Edmond Kirsh. Quand on lit le roman, on se dit que tout cela est de la fiction, et que les choses, dans la réalité, ne se passent pas ainsi, dans une telle immédiateté et une telle rapidité. Mais en fait, si. Rien que la semaine dernière, avec le hashtag #balancetonporc, on a vu en une journée, les médias classiques se passionner pour ce qui se passait sur Twitter. Et cela tourne vite !
La technologie, l’intelligence artificielle, l’avenir de l’humanité sont le cœur du roman et c’est un thème qui pose aujourd’hui des questions centrales dans la conduite de nos sociétés. L’auteur oppose de façon frontale les technologies de pointe, la science et les religions : pour lui la première est ce qui sauvera l’humanité et la seconde est ce qui la maintient dans le désespoir et la violence.

ATTENTION SPOILERS : SI VOUS N’AVEZ PAS LU LE LIVRE, LA SUITE DE CE BILLET DÉVOILE DES ÉLÉMENTS IMPORTANTS DU ROMAN (mais j’apporte aussi des précisions intéressantes sur le thème général du livre : science ou religion !)

Vous avez lu le livre ? Non ? Vous êtes sûrs de vouloir continuer ? Alors ok

J’ai surtout bien aimé Origines de Dan Brown pour la fin, pour le doute que l’auteur insinue dans la tête du lecteur. Le livre est un vrai pamphlet contre les religions, et surtout les monothéismes : pour cela, je suis tout à fait d’accord avec lui, sans les religions l’humanité vivrait bien mieux ! Mais l’histoire qu’il nous raconte semble nous mener vers un autre culte : celui de la science justement. Edmond Kirsh est un futurologue, un geek passionné d’ordinateurs super-puissants pour qui la technologie sera le moyen de sauver l’humanité, et surtout de détruire l’influence des religions. Mais on sent, sous la plume de l’auteur, que la science peut et veut aussi prendre la place des religions. D’ailleurs, n’est-on pas déjà un peu dans cette théorie quand on nous affirme que les révolutions scientifiques à venir nous permettront de contrer le réchauffement climatique. Edmond Kirsh affirme que la technologie va fusionner avec l’humanité, pour créer une nouvelle espèce, un être humain amélioré : c’est la théorie du transhumanisme. Le personnage est aussi présenté comme un Prophète, un Guru qui a des millions de disciples et d’adeptes. Mais attention à ne pas éliminer un Dieu pour mieux en créer un Autre !
Je citerai Auguste Comte, père du positivisme, qui est pour moi une nouvelle forme religieuse :

« La seule vérité, la seule voie pour l’humanité est la science, ce qui exclut le religieux et la métaphysique »

Quand on me dit qu’il n’y un qu’UNE SEULE VÉRITÉ, j’ai tendance, mais c’est mon côté pessimiste, à fuir en courant ! Quand on commence à me dire ce que je dois penser… c’est plutôt mauvais signe.

C’est d’ailleurs ce que pense le héros Robert Langdon dans les toutes dernières pages du livre et je crois que c’est le vrai message de Dan Brown : certes les religions ancestrales sont abominables dans leur grande majorité, des sectes pour la plupart qui lavent le cerveau des humains ; mais la science peut aussi devenir un dogme, et non des moindres, quand elle affirme qu’elle connaît la vérité et qu’il ne faut penser et agir que par elle. Langdon accompagné du prêtre de la Sagrada Familia, un religieux peu orthodoxe, arrive à cette conclusion qu’il faut sans doute rechercher dans la spiritualité un pont entre sciences et religion, c’est-à-dire une quête de l’harmonie où le divin se trouve dans l’univers, dont nous faisons partie.

C’est ce que dit Bertrand Russell dans un petit livre très facile d’accès et d’une lecture importante, Science et religion, publié en 1935, dès le premier chapitre :

« Il existe cependant un aspect de la vie religieuse, le plus précieux peut-être, qui est indépendant des découvertes de la science, et qui pourra survivre, quelles que soient nos convictions futures au sujet de la nature de l’univers. La religion a été liée dans le passé, non seulement aux credo et aux Églises, mais à la vie personnelle de ceux qui ressentaient son importance. Chez les meilleurs parmi les saints et les mystiques, on trouve à la fois une croyance à certains dogmes et un certain état d’esprit au sujet des buts de la vie humaine. L’homme qui ressent profondément les problèmes de la destinée humaine, le désir de diminuer les souffrances de l’humanité, et l’espoir que l’avenir réalisera les meilleures possibilités de notre espèce, passe souvent aujourd’hui pour avoir « une tournure d’esprit religieuse », même s’il n’admet qu’une faible partie du christianisme traditionnel. Dans la mesure où la religion consiste en un état d’esprit, et non en un ensemble de croyances, la science ne peut l’atteindre […] en fait bien des libres penseurs ont montré par leur vie que cet état d’esprit n’est pas forcément lié à un credo. »

8 commentaires sur “Dan Brown – Origines

    1. Moi aussi j’assume… on n’est pas non plus là pour ne lire que des livres ennuyeux 😉 Pour moi la littérature c’est comme le cinéma : cela doit avant tout raconter des histoires ! Si elles sont bonnes, c’est déjà pas mal… et beaucoup d’auteurs n’ont pas ce talent là et pourtant sont publiés 🙂

      Aimé par 1 personne

  1. « mais la science peut aussi devenir un dogme, et non des moindres, quand elle affirme qu’elle connaît la vérité et qu’il ne faut penser et agir que par elle. »

    Heureusement, les scientifiques (particulièrement Karl Popper) ont inventé un bon antidote.

    C’est l’épistémologie.

    voir:
    https://philosciences.com/Pss/philosophie-et-science/methode-scientifique-paradigme-scientifique/112-karl-popper-et-les-criteres-de-la-scientificite

    Bientôt un article sur le transhumanisme peut-être ?

    Au plaisir de vous lire à nouveau !

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