J’ai regardé… 13 Novembre – Fluctuat Nec Mergitur de Netflix

Mon compagnon nous a abonnés à Netflix depuis plus d’un an et c’est surtout lui qui se gave de séries et de documentaires. Pour ma part, j’ai plutôt un abonnement à Apple Music : la musique est bien plus importante pour moi que les séries ! Par contre, il faudra que je m’interroge sur cette propension à entrer dans le domaine de la légalité pour avoir accès à des contenus culturels.
Samedi 2 juin au matin, j’ai donc trouvé mon cher et tendre devant son poste de télévision en train de regarder un documentaire. La plupart du temps je passe mon chemin, mais là j’ai été happée par les visages graves qui se détachaient sur un fond sombre et par le thème du sujet : des témoins directs racontent leurs expériences des attentats de Paris du 13 novembre.
Il s’agit en fait d’une série documentaire, produite par Netflix et réalisée par deux frères, Jules et Gédéon Naudet, intitulée 13 Novembre : Fluctuat Nec Mergitur, qui est la célèbre devise de Paris. C’est d’ailleurs cet étendard qui clôt le dernier épisode.

La série est composée de trois épisodes de 40 minutes et qui découpent chronologiquement les évènements du vendredi 13 novembre 2015, soit les attentats près du stade de France à Saint-Denis, puis ceux sur les terrasses de plusieurs cafés et restaurants du XIe arrondissement et enfin l’attaque du Bataclan.

Le reportage est très sobre, recueillant en fait les témoignages de différentes personnes qui ont vécu ces moments terrifiants, dont les responsables politiques de l’époque : François Hollande et Bernard Cazeneuve alors Ministre de l’Intérieur. On écoute aussi les récits des pompiers, des policiers de la BAC, de la BRI. Mais bien sûr les paroles les plus fortes sont celles des survivants des attentats.

N’espérez pas regarder ce documentaire sans avoir les larmes qui montent aux yeux, car même si tous ces témoins tentent devant la caméra de poser des mots simples sur des situations extraordinaires, leurs propres émotions remontent très vite et l’on ne peut qu’être profondément touché par ce qu’ils et elles racontent.
Surtout, ce qui est très bouleversant, et qui ne pouvait être fait que plusieurs années après les faits, c’est d’entendre enfin une narration sobre de ce qui s’est déroulé réellement sur les terrasses et au Bataclan. Cela ne peut être bien sûr qu’un travail de longue haleine, faite par des documentaristes presque historiens, qui ne sont absolument pas des journalistes seulement préoccupés par le buzz.
Car finalement, et franchement, nous n’avons jamais vraiment eu, nous simples spectateurs de ce drame, un récit soigné et précis de tout ce qui s’est vraiment passé.

Les témoignages des survivants

J’ai particulièrement été émue par les témoignages de ces otages du Bataclan, qui ont passé plusieurs heures avec les deux terroristes dans un couloir étroit au premier étage du bâtiment. Ils nous expliquent l’enchaînement des actions, en particulier l’assaut de la BRI, obligés par les deux fous de dieu de faire le gué et d’écouter l’avancée de la police à l’extérieur et à l’intérieur et de leur rendre compte. On comprend leur peur viscérale… on comprend : en fait je ne sais pas quel mot employer pour définir ce que le spectateur peut ressentir. On ne pourra jamais se faire une idée de ces moments de pure folie qu’ils et elles ont vécus. De l’angoisse totale à l’idée d’être abattu par une simple balle. Mais ces témoignages sont importants pour mesurer l’ampleur du traumatisme et toujours continuer à leur donner, collectivement, notre soutien et notre compassion.

Le documentaire en lui-même est de très grande qualité : on sent que les réalisateurs ont laissé aux témoins tout le temps nécessaire pour s’exprimer. Ils agrémentent l’épisode sur le Bataclan d’un plan de la salle, dépouillé, sur lequel des points blancs représentants les témoins et des points rouges représentants les terroristes bougent en fonction de leurs déplacements et accompagne le récit des évènements. Il y a également quelques extraits de vidéos prises par ceux qui étaient dans les cafés et les bars du XIe arrondissement, autour de la rue de Charonne. On écoute avec beaucoup de respect les paroles de ces tout jeunes pompiers de Paris qui font leur boulot et qui expriment leur désarroi encore devant un moment qui les a totalement dépassés. Certains revivent ce qu’ils ont vu, cela se voit dans leurs yeux. Comme on voit l’effarement de ces mêmes pompiers quand ils arrivent sur la terrasse du Petit Cambodge, filmés par un reporter de télévision venu faire un reportage sur eux le 13 Novembre 2015.

Au-delà de la haine et de la mort

Mais au-delà de la peur, des larmes, de la mort que ces gens ont vue, ce qui est très fort dans ce documentaire c’est l’incroyable humanité qui se dégage de tous ces témoignages. De ces mains qui se tiennent pour ne pas se lâcher, de ces solidarités qui disent combien l’humain peut être sublime à défaut d’être débile quand il a le cerveau lavé.
Je suis en train de lire l’essai de Philippe Lançon, survivant de Charlie Hebdo, Le Lambeau. C’est aussi un témoignage digne et profond, d’une humanité sans borne. On sent bien qu’il est venu le temps, collectif, de se retourner sur ces tragédies qui nous ont marqués, et qui continuent dans notre pays. Je ne suis pas un fan du pathos, de l’émotionnel surtout quand il est utilisé pour de mauvaises raisons (qui sont la plupart du temps marketing et financières). Mais je crois qu’ici au contraire, il est important pour chacun de nous approprier ces drames, qui ne nous ont pas touchés directement pour l’écrasante majorité d’entre nous, mais qui frappent, au hasard. Nous devons être capables de comprendre ceux qui en réchappent. À un moment, un témoin dit qu’il n’a pas été capable de parler de ce qu’il avait vécu, car de toute façon personne n’aurait pu le comprendre. Cela m’a fait immédiatement penser aux rescapés des camps nazis, qui expliquaient aussi leurs silences par l’impossibilité de dire l’horreur et la surdité (bien compréhensible en fait) de leurs proches. Comment peut-on entendre, comprendre de telles paroles, qui décrivent une situation totalement hors des cadres de notre pensée commune et quotidienne ? Il faut pourtant s’y confronter, avec respect et délicatesse, car c’est notre devoir de savoir, et d’être juste là pour celles et ceux qui souffrent encore.

7 commentaires sur “J’ai regardé… 13 Novembre – Fluctuat Nec Mergitur de Netflix

  1. Je n’arrive pas à croire que ça va bientôt faire 3 ans…
    J’ai vu la bande-annonce pour le documentaire qui ne m’a pas convaincue. J’ai eu l’impression qu’on voulait surtout faire pleurer dans les chaumières. Ton article me rassure, j’irai sans doute le regarder… quand je serai dans le « mood » pour regarder une chose pareille.

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    1. Même s’il y a des moments d’émotions je ne pense pas que l’objectif soit de faire pleurer mais de raconter ce qui s’est passé. Après c’est sur qu’il faut être dans un état d’esprit particulier non seulement pour recevoir ces paroles et ne pas tomber dans la haine !

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  2. J’ai apprécié la pudeur et le respect qu’il y a dans ton texte à parler de ce sujet, qui reste tout de même très sensible pour la France. Et d’autant plus pour les victimes de cet attentat.

    J’ai apprécié ce documentaire parce que comme l’indique Minimouth, j’avais peur que ça soit comme les reportages que l’on voit partout qui cherche à faire pleurer le spectateur pour faire plus d’audience. Et ce n’était absolument pas le cas.

    Nous ne sommes pas des bêtes de foire.

    Je n’ai pas pleuré quand j’ai vu ce documentaire. Ca n’a pas été évident à certains moments, c’est évident, mais j’ai connu pire. J’ai même pu rire à d’autres moments. Ne pense pas que ça soit de l’irrespect. Simplement j’ai vécu une partie de ce drame de l’intérieur, donc je connais notre humour noir de survivants. Notre sarcasme. Et ça m’a fait du bien de le voir dans ce documentaire.

    Bref, je voulais simplement te dire que c’est le premier article que je lis sur ce documentaire qui me plait autant 🙂

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