Mélissa Da Costa – Tenir debout

Le vide c’est celui de la respiration qui créé la pleine conscience de l’esprit apaisé. Le vide du mental, du ciel où passent les nuages qui n’accrochent rien, qui passent, se font et se défont sans que l’univers s’en soucie. C’est le vide de l’univers, celui du cosmos et celui de nos consciences, de nos esprits. Le vide de l’univers est identique au vide de nos esprits, au calme mental. Copier le calme du cosmos et laisser tourner les pensées comme des galaxies. Elles sont là mais l’univers est indifférent.

Je suis une grande fan de Mélissa Da Costa, et ce depuis ses débuts. J’ai lu tous ses livres et comme beaucoup je suis charmée par la prose fluide de cette autrice et sa capacité à faire vivre des personnages au bord du gouffre. Je viens de terminer son dernier roman, Tenir Debout. L’histoire d’un couple neuf, François, 41 ans, comédien parisien qui quitte sa femme pour une jeune fille, Eléonore, 24 ans… mais qui voit sa vie basculer par un accident et se retrouve paraplégique. Voilà le pitch résumé en une seule phrase. Le livre nous raconte deux parties de la vie d’après. Tout d’abord la descente aux enfers de François qui ne peut plus marcher mais accompagné par Eléonore qui se dévoue, se sacrifie pour lui. Et une seconde partie de renaissance où une naissance va sauver le couple.


J’ai aimé et je n’ai pas aimé ce livre.
Je l’ai aimé par le talent de Da Costa est immense et qu’encore une fois elle sait à merveille peindre les situations existentielles avec justesse et décrire précisément les émotions et la psychologie des personnages. Il y a un côté proustien chez cette autrice tant elle sait, dans une langue très simple pourtant, poser le doigt ou plutôt la plume sur les écarts les plus fins qui meuvent les esprits humains. Elle sait parfaitement conter les douleurs physiques et psychologiques mais surtout les tourments qui, quand on les ressent, nous entraînent dans une indicible solitude. Mais à lire les romans de Da Costa on apprend que tous les humains vivent les mêmes sentiments.


Mais je n’ai pas aimé ce livre car les bons sentiments étouffent et le politiquement correct aussi. Au début de l’histoire, je me suis mise à rêver qu’Eléonore allait s’échapper de ce piège en partant avec un autre. Le personnage de François est parfois caricatural dans ses excès, un gros connard de mâle qui devient un père attentif et quasiment déconstruit. Mais c’est surtout le personnage principal féminin, Eléonore, que je ne supporte pas… mais où est passé #metoo ? Qu’est-ce que c’est que ce conte de fées pour adolescentes du XIXe siècle ? Comment une jeune fille de 2024, accepterait de s’enfermer dans un appartement sordide de banlieue, avec un macho phallocrate paraplégique qu’elle connaît depuis 6 mois et auquel elle accepte de faire un enfant pour qu’il devienne un père et le sauver de la dépression ? Bien sûr elle s’en sort par l’écriture mais elle n’échappe pas à la dépression post-partum. Tout est bien qui fini bien : les clichés de la société post-moderne conservatrice sont de sortie… la famille, la province, les amis, la résilience, le développement personnel, « ce qui ne me tue pas me rend plus fort », et vive l’allaitement. Eléonore ne voulait pas de cet enfant mais bon… finalement ça passe, elle fait une petite fugue de 6 jours parce qu’elle ne se sent pas mère… mais bon, elle revient toute penaude et se sentant coupable parce que bon hein, c’est un mère après tout. J’aurais aimé, beaucoup plus aimé, si tout cela volait en éclat. Mais Da Costa n’est pas Houellebecq. François fait ce qu’il veut, il passe même au-delà de son consentement plusieurs fois et dans plusieurs situations différentes, mais bon, ça va… elle revient toujours comme si c’était elle la coupable ! Elle pardonne. Et à la fin c’est lui qui est dans la lumière, celle de la scène retrouvée.


Alors, en écrivant ces lignes, je me mets à douter de ma colère et me demande si Da Costa n’est pas plus subtile que ce que je crois ? Je n’arrive pas à croire que cette autrice de talent nous serve ainsi un roman aussi peu féministe, aussi conservateur. Et si c’était une illusion ? Un indice ? La référence, longue et inattendu, à la nouvelle de Maupassant, Solitude, dans les toutes dernières pages du roman. Plus qu’une nouvelle, ce texte court s’apparente plutôt à un monologue philosophique quasi nihiliste où le narrateur qui se promène sur les Champs Elysées avec un ami, disserte sur l’ineffable solitude qui est le lot de tous les humains, même entourés, même en train d’aimer, même en train de partager un moment avec un ami. Derrière les joies courantes des bonheurs domestiques, derrière ce que l’on croit construire de solide, de relations, de matérialité, il n’y a rien d’autre que le gouffre total de la solitude. Espérer la partager est une illusion. C’est peut-être ce que raconte Mélissa Da Costa avec cette histoire d’un couple troué par la vie et qui nous montre ce que nous voulons voir, ce miroir que nous tendons tous aux autres en espérant vainement qu’ils y croisent notre regard et nous comprennent.


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