Le Théâtre Simone Weil de Saint-Nazaire propose cette année une programmation éclectique et de grande qualité. Pour sortir de ma campagne, j’ai décidé de m’y abonner, et je ne suis pas du tout déçue de mes choix de spectacles. Après le Trio Joubran en novembre et Catherine Ringer en décembre, hier soir, j’ai assisté au spectacle de François et Valentin Morel, qui nous régalent avec leur Dictionnaire amoureux de l’inutile.
Comme toute bonne « gauchiste », j’adore François Morel depuis Les Deschiens et je suis sa carrière cinématographique, poétique, humoristique avec attention. Il fait partie de ces personnalités attachantes qui savent dire la vérité du monde en douceur, sans agressivité et en nous faisant rire. Avec son fils Valentin, ils forment un duo malicieux où l’on sent la complicité et l’amour filial. Le spectacle, inspiré d’un ouvrage publié chez Plon, fait la liste de toutes ces choses qui nous paraissent inutiles : les anniversaires, le papier d’agrume, la baguette du chef d’orchestre ou encore le slip bonbon !

Le spectacle, trop court (une heure seulement), mêle avec finesse rires et émotion, notamment lorsque les Morel évoquent leur chienne Pasto. Était-elle vraiment inutile ? C’est bien le sujet du spectacle : la poésie, les sentiments, la philosophie, l’art sont souvent considérés comme inutiles car ils ne sont ni efficaces ni productifs. Mais bien sûr, chers lecteurs, nous savons que c’est exactement le contraire ! Ce sont plutôt le travail aliénant, les écrans omniprésents, les conflits ou l’obsession de l’argent qui sont inutiles dans une vie bonne.
François Morel sait faire vivre le texte, le joue, le murmure, et nous fait rire avec ses mimiques. Valentin Morel, quant à lui, égrène des mélodies douces au piano, comme la bande originale d’un film à la fois universel et personnel. Le texte est illustré par des images et des extraits vidéos qui nous replongent, par exemple, dans les délices d’Intervilles. En effet, les entrées de ce dictionnaire amoureux de l’inutile fleurent bon la France d’antan, celle des Trente Glorieuses. C’est peut-être ce que l’on pourrait reprocher au spectacle : je ne suis pas certaine que les spectateurs les plus jeunes (et il y en avait ce soir à Saint-Nazaire) aient toutes les « références » sur Jean Carmet ou Laurent Fignon !
Bref, si les Morel passent près de chez vous, courez les voir : on passe un très bon moment en leur compagnie.
Une menace sur la culture régionale
Je terminerai ce simple article par une remarque plus amère. La présidente de la région Pays de la Loire, Mme Morançais, a pris la décision unilatérale de couper drastiquement les budgets alloués à la culture ligérienne. Hier soir, en papotant avec ma voisine, nous nous demandions si l’année prochaine nous aurions encore le bonheur de voir de tels spectacles à Saint-Nazaire pour un prix tout à fait abordable.
Il est crucial de rappeler que ces lieux de culture, comme le Théâtre de Saint Nazaire, sont bien plus que des écrins à spectacles : ils sont le pouls culturel de nos territoires, des espaces d’émulation, de réflexion et de partage. Ils permettent à une ville moyenne de province de voir des œuvres vivantes autrefois réservées aux grandes métropoles. Ces coupes budgétaires mettent en péril cet accès à la culture pour tous, et l’on peut craindre un appauvrissement du tissu culturel local.
Alors que la culture est souvent qualifiée d’« inutile » par ceux qui la voient uniquement comme une dépense, rappelons qu’elle est le sel de nos vies, ce qui nous permet de rêver, de penser, de rire, de pleurer. Elle est tout sauf superflue. Les programmations comme celle du Théâtre Simone Weil nous rappellent à quel point la culture est essentielle pour élever nos esprits, nourrir nos âmes et créer du lien entre les gens. Ne laissons pas les décisions politiques de court terme hypothéquer cet héritage vivant.
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