Avis aux lecteur.ices : si vous considérez que l’écriture inclusive c’est, je cite, « n’importe quoi », si pour vous l’ennemi actuel c’est, je cite, « le wokisme qui fait chier », si pour vous le féminisme n’est, je cite, « qu’un truc de bonnes femmes mal baisées » (mais on se demande bien par qui ?)… alors passez votre chemin de lecture.
Comme d’autres lectrices, c’est à la fois la belle couverture rose pimpante et le titre immensément long qui m’ont tout d’abord poussé à lire ce livre. Puis, les échos que j’en avais : un texte radical. Enfin, en voyant quelques images passer des pages du livre, c’est l’expérience poétique et typographique qui m’ont enfin décidé à l’acheter, ou plutôt à le commander sur la plateforme Alip qui, dans la région des Pays de la Loire, permet aux habitants esseulés des campagnes profondes de commander des livres et d’aller les chercher dans leurs librairies indépendantes favorites. Je raconte cela car grâce au nouveau budget (de droite) de la région, gouvernée par l’héritière proclamée de l’actuel ministre de l’intérieur français (ferais-je de la politique sur mon blog ?), cette formidable plateforme, Alip donc, est condamnée à mort car les subventions régionales ont été totalement supprimées. Bref… le livre.

Le texte d’Alex Tamécylia est avant tout une forme, une poésie où elle joue avec la typographie, les glyphes, les signes qui sont autant de paroles politiques. En effet, elle utilise par exemple des glyphes non binaires qui doivent faire s’étrangler les réactionnaires de la langue qui pensent encore que rien ne doit changer et que tout doit rester figer dans l’usage du français contemporain. Cette forme est tout à fait remarquable et permet à la lecture de n’être rien de moins que fluide… elle arrache les yeux, coupe le souffle mental de la lecture, nous oblige à poser le regard ici et non là et à relire le texte pour bien s’en soulager. Ne pensez pas lire un texte construit, ou du moins selon une norme classique. Il y a bien pourtant un fil, celui de l’auteurice, qui fonce à travers vos neurones pour chanter son propre chemin.

Les « chapitres » sont annoncés par des titres en H1 et suivit d’une citation en italique d’une femme inspirante.
La phrase du titre a été prononcée par un télévangéliste (ouch beurk) états-unien (re-beurk depuis un mois) et pour la citer totalement :
« L’objectif du féminisme n’est pas l’égalité des droits pour les femmes, le féminisme est un mouvement politique qui encourage les femmes à quitter leurs maris, tuer leurs enfants, pratiquer la sorcellerie, détruire le capitalisme et devenir lesbiennes. »
C’est vrai… et c’est ce que prouve Alex Tamécylia ! Elle reprend les 5 éléments de la phrase et développe son propose pour expliquer que tout cela est vrai mais non seulement indispensable si les femmes veulent survivre dans ce monde de tarés (créé par les hommes et pour les hommes… les évènements internationaux récents nous le prouvent encore et toujours). Le texte est une combinaison qui peut paraître foutraque de texte apologétiques, de statistiques, de mots valises inventés pour définir de nouveaux concepts et de punchlines qui font rires aux éclats les femmes qui savent bien que l’hétérosexualité c’est la loose, que la maternité c’est l’esclavagisme sous couvert de loyaux sentiments, que le salariat c’est l’inégalité à tous les étages et que ce qui pourra nous unir c’est la sororité ou plutôt l’adelphité.

Le féminisme se radicalise… tant mieux.
« A la marge
Tâches de sang, réputation boueuse, départ de
l’être aimé ?
La réponse à tous tes problèmes c’est
soit le bicarbonate de soude
soit le patriarcat
ça te fume que l’un ne puisse dissoudre l’autre,
faire communauté de poings levés
est plus facile à écrire qu’à vivre.
Si tu rêves d’une famille choisie
réveille- toi ça n’existe pas
si pour rester groupé.es
tu cherches des comme-toi
la grande déception qui t’attend
c’est l’amitié. »
Le texte d’Alex Tamécylia est en fait très personnel, on sent dans ces pages limpides à défaut d’être fluides, qu’elle nous conte son propre parcours, celui de beaucoup de femmes en fait qui se sont construites entre agressions sexuelles par un ou des hommes, injonctions phénoménales des sociétés patriarcales qui obligent les femmes à se mettre en couple hétéro et à procréer, puis qui, parfois, se libèrent des schémas, mais pas toujours. Elle se moque aussi (un peu) des tendances très faciles : être sorcière c’est à la mode, même si on n’a pas de cheveux blancs ni de chat noir (ce qui est mon cas), on joue à la queer attitude alors qu’être queer est une rébellion qui dans la plupart des pays aux régimes politiques peu rassurants vous amène à votre perte physique et psychologique. Mais en fait, Alex Tamécylia est aussi tendre avec ses sœurs qui cherchent une porte de sortie à tout ce merdier et qui n’ont pas la chance d’être lesbiennes !

Je suis en train de lire Scum Manifesto de Valérie Solanas… je vous tiens au courant.
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