Seconde main : l’illusion du capitalisme recyclé

Le capitalisme : infiltration générale

Le capitalisme a vraiment des armes secrètes qui confinent à la théorie du complot. Il sait se fondre dans tous les domaines de nos vies, souvent là où on ne l’attend pas. D’autres que moi, bien plus versés dans ces domaines, l’ont déjà montré, Julia de Funès, par exemple, pour le développement personnel.
On voudrait le faire sortir manu militari de nos vies et de nos sociétés, mais, tel un Blob affamé et toujours en mode survie, il rampe dans nos corps et dans nos esprits. Bref, c’est lui qu’il faut tarir… et nous en sommes loin quand on voit qu’il sait aussi jouer les caméléons pour faire croire au vulgum pecus que ses actions les plus morales et éthiques sont en fait des actes voulus et coordonnés par le capitalisme lui-même.

Seconde main, première embrouille

La dernière mode ? La seconde main… qui sens le coup monté.
Oh ! J’entends déjà les cris d’orfraie des jeunes et des moins jeunes qui ne parlent que de DIY, de recyclage, de vintage, de friperies, de recycleries, etc. Certes, ces lieux très tendance sont des ressources inépuisables pour les petits malins qui veulent s’équiper à moindre coût, habiller les enfants sans se ruiner. Et si, en plus de cet aspect économique non négligeable, on pouvait sauver la planète… alors la morale est sauve !
En effet, ne vaut-il pas mieux acheter ses fringues à la friperie du coin ou, encore mieux… sur Vinted, plutôt que de faire tourner les diaboliques plateformes chinoises qui nous vendent de la merde au prix de la merde ?

Acheter reste acheter : le capitalisme vous remercie

Sauf que… est-ce vraiment si éthique d’acheter de la seconde main si c’est pour continuer à acheter ?
Car n’oublions pas que le marché est roi, et que c’est l’acte d’acheter, de consommer, qui est au cœur de ce système. Rappelons-le : nous ne sommes pas des sujets, mais des consommateurs. Et depuis quelques années, on voit même fleurir ce magnifique oxymore : nous serions devenus des consomm’acteurs ! Mais bien sûr… Nous serions devenus raisonnables et maîtres de notre libre arbitre d’acheteurs. Nous saurions désormais déjouer les tours marketing du vilain marché. Nous saurions ne pas succomber aux appels incessants des publicités ciblées.
Nous serions devenus des consommateurs agiles et conscients : nous agirions, par nos achats, pour la planète.
Mais quelle foutaise !

Vinted ou la dictature du “moins cher”

(Comment on remplit ses placards en croyant se dédouaner)

Et la seconde main est, à mon sens, le cœur même de cette arnaque.
Combien de personnes vous disent, en chuchotant, que Vinted a changé leur vie… de modeuse, car au lieu de dépenser 300 € par mois en fringues de toutes sortes, elles ne dépensent « plus que » 30 € en seconde main. Le prix a baissé, certes, mais l’achat est toujours là : vous êtes toujours dans les filets du libéralisme, qui vous enjoint d’être partie prenante du marché.
Mes amies me le disent bien : « J’achète encore plus de seconde main que de neuf !
»
Mais où est la logique, quand on sait que c’est la sobriété qui est la valeur à défendre ?
Les garde-robes ou les décorations intérieures ne sont plus neuves, mais elles défilent tout de même.
Et qui pense que ce produit qu’il revend, après l’avoir utilisé, finira de toute façon à la déchèterie ?

Acheter peu, voilà la vraie révolution

(L’art d’aimer les objets durables et de les faire durer)

Pour ma part, je n’achète que rarement de seconde main. J’achète neuf, de qualité, j’entretiens, je répare, je bichonne, je fais durer l’objet jusqu’à sa belle mort.
Exemple : ma centrale vapeur vient de me lâcher après 23 ans de bons et loyaux services.
J’ai des fringues qui datent des années 90 que je porte toujours, puisque la mode est au vintage !
Pourquoi acheter sur Vinted des trucs démodés quand on peut simplement les conserver jusqu’à ce qu’ils s’épuisent ?
Ah oui, me direz-vous : la nouveauté !
Aïe… c’est là qu’est la faille par laquelle est entré le capitalisme marchand. Mais pourquoi donc acheter un nouveau manteau pour l’hiver si celui que tu possèdes est encore chaud et moelleux ?
La mode n’est plus un argument, il me semble, puisqu’on peut à présent porter des vêtements datés sans passer pour un ringard.

Pour les meubles, c’est pareil : je possède des bibliothèques Billy de chez le fameux Ikea, qui ont 30 ans. Elles sont nickel, patinées par le temps, le bois a pris des teintes miellées… j’en suis très fière.
Le fauteuil dans lequel je me prélasse pour lire est un modèle Camif que j’ai acheté avec mon premier salaire.
Mon canapé à tissu écossais a tenu plus de 20 ans. J’en ai acheté un neuf il y a deux ans car, vraiment, le tissu était déchiré. Je compte conserver cette nouvelle acquisition jusqu’à ma mort (sans rire !).
Ma liseuse Kobo m’a lâchée cet hiver après 10 ans de très bons et très loyaux services.

L’obsolescence programmée des objets… et des esprits

Pourquoi changer quand cela nous plaît encore ?
Quel est ce goût de vouloir revoir sa décoration à chaque saison et sa garde-robe tous les mois ?
N’avez-vous pas compris que c’est le principe même du capitalisme, et qu’on appelle cela l’obsolescence programmée ?
Elle ne concerne pas que les objets technologiques : c’est le cœur même du réacteur libéral.
Et le pire… c’est que nous, les humains, sommes aussi sur cette liste (mais ceci est une autre histoire).

Conclusion : réfléchir avant de consommer, la vraie insoumission

Alors, au lieu de nous faire croire qu’acheter d’occasion est la panacée, réfléchissons à ce que le mot « acheter » veut dire.
Nous achetons nos vies. Les objets ne sont plus à notre service : nous « gagnons notre vie » pour les obtenir… alors que celui qui dort déjà dans notre placard fait très bien l’affaire.


En savoir plus sur Bisogna Morire

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.