Librairies 4 – Paris – PUF

Je poursuis ma balade mémorielle dans les librairies indépendantes que j’ai fréquenté ici et là, autrefois et à présent. Aujourd’hui, retour sur une institution parisienne qui a malheureusement disparu : la librairies des Presses Universitaires de France.

Être étudiante à la Sorbonne

J’ai eu la chance de faire mes études à Paris, et de plus dans la plus prestigieuse des universités, à la Sorbonne, celle de la place de la Sorbonne, celle des vieux bâtiments, des amphithéâtres aussi beaux qu’impropres au travail des étudiants. Les fauteuils de velours verts du grand amphithéâtre ou les bancs de bois noirs, noircis par des milliers de culs qui s’y sont assis, sont tout aussi inconfortables quand il s’agit de se concentrer sur un discours professoral et de prendre des cours le plus précisément possible. Mais la vie estudiantine dans le quartier latin, au milieu des années 90, fut une véritable aventure, un plaisir constant, fait de rendez-vous à la grande bibliothèque, de soirées dans les bars, les pubs du quartier de la Cathédrale Notre-Dame, d’après midi dans les cinémas tout aussi discrets du Ve arrondissement. Mais le vrai et pur plaisir de l’étudiante d’histoire que j’étais, c’était surtout la librairie des PUF, des Presses Universitaires de France.

Une librairie mythique

Au coin du boulevard Saint Michel, celui qui relie la fontaine, en bas, au parc du Luxembourg, en haut, et de la place de la Sorbonne, la librairie s’étendait sur 3 étages et un sous-sol. La devanture étalait le long du boulevard des livres, des albums, les nouveautés des romans sortis depuis peu, les essais en vogue à Saint Germain. La devanture était pourtant rebutante, très seventies, de métal froid et de couleurs démodées. Cette librairie a été et restera à jamais ma caverne d’Ali Baba, celle que tout amoureux des livres rêve de rencontrer pour la profusion, la diversité, l’étendue de ses rayonnages.

Mon terrain de jeu était le sous-sol, dévolu aux ouvrages d’histoire, à l’époque ma passion et ma raison d’étudier. Les livres débordaient des étagères à doubles voire triples armoires et s’étalaient sans vergogne dans tous les recoins, comme chez n’importe quel particulier qui, dans son petit appartement parisien n’aurait pas eu assez de place pour ranger convenablement ses acquisitions. La folie de cette librairie, sa déraison, ce qui causa également sa perte, était son incroyable stock de livres, de raretés, de nouveautés que seuls les spécialistes les plus remarquables de l’Université pouvaient un jour non pas s’offrir mais savoir même qu’elles avaient été publiées. On trouvait tout à la librairie du PUF, n’importe quoi, tout ce que l’on voulait et même ce que l’on ne savait pas pouvoir désirer.

Les visites étaient quasi quotidiennes, en tout cas il ne se passait pas une semaine loin du sous-sol des PUF. D’autant plus que le vendeur du rayon histoire était particulièrement au fait des publications scientifiques et gardait jalousement son royaume où nous étions, petit groupe d’étudiants, garçons et filles passionnés, des ambassadeurs assidus et fiers. Il déambulait entre les piles de livres, entre les étagères, et quand on lui demandait s’il avait en stock tel ouvrage sur le Moyen Age français du XIIe siècle, il regardait partout, dans tous les coins, pour nous trouver la perle rare. C’était cela la force des PUF, le stock. C’est aussi ce qui l’a perdu, ce qui fut sa faiblesse criminelle car avoir un tel stock d’ouvrages si précis, si précieux mais si peu demandés par des lecteurs assidus, c’est comme avoir dans ses poches des pierres précieuses que l’on ne peut pas revendre. C’est lourd, c’est encombrant et cela ne permet pas de manger et de payer ses factures.

Une librairie sacrifiée sur l’autel du tourisme parisien


Le foisonnement de livres, qui tels des cascades ou des fontaines de connaissances, glissaient un peu partout dans la librairie se retrouvait à tous les étages. Les PUF étaient une librairie universitaire, donc les nouveaux romans, les polars à succès ou les prix Goncourt étaient surtout des prétextes pour faire venir le chaland, le touriste ou l’ingénu, et tenter de lui vendre un livre de philosophie ou le dernier essai d’anthropologie. Comme un temple du savoir, juste à côté de la chapelle de la Sorbonne, c’était mon lieu de pèlerinage préféré dans Paris, et celui qui me manque le plus aujourd’hui, même si je n’habite plus dans la région. Surtout que la librairie a été remplacée par un hideux magasin de fringues : signe de notre époque pathétique où l’apparence en coton est plus importante et surtout plus rentable que les idées et l’imagination.

Mais les PUF survivent, puisque ce sont avant tout une maison d’édition. Tous les étudiants de France ont eu entre leurs mains au moins un de leur ouvrages, ne serait-ce qu’un Que Sais-Je ? Ce petit ouvrage aux couvertures colorées, donnaient, avant internet et pour ceux qui n’avaient pas les moyens de se payer l’Encyclopédie Universalis, un aperçu rapide mais expert sur une question. Pour ma part, ma collection de Que Sais-Je est bien implantée dans ma propre bibliothèque, malgré les remarques désagréables de certains de mes visiteurs qui s’étonnent que je conserve presque religieusement ces livres dépassés. Mais l’étudiant d’hier comme celui d’aujourd’hui, celui en tout cas qui ne fait pas réaliser toutes ses productions écrites par l’IA, a également vu les couvertures mythiques des ouvrages de la collection « Premier cycle ». Pourquoi mythiques ? Parce que les têtes pensantes du marketing des PUF ont trouvé très vendeur, et sans doute plus économique, de placer en couverture non pas une illustration quelconque mais les portraits des auteurs de l’ouvrage de référence. Et de retrouver les professeurs des universités, dont on sait que le sens de la mode n’est pas forcément une compétence avérée, qui se calent les uns assis les autres debout, comme sur les vieilles photographies de nos ancêtres, posant maladroitement, habillés et coiffés parfois comme l’as de pique, mais donnant fièrement une âme à un livre souvent très ardu. Bref, les PUF, librairie et éditions, furent des piliers de ma vie estudiantine parisienne et ces souvenirs restent encore marqués dans ma mémoire.

Retrouvez ici mes autres articles sur les librairies :
Metz – Paul Even
Metz – Géronimo
Metz – Moresi


En savoir plus sur Bisogna Morire

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

3 commentaires sur “Librairies 4 – Paris – PUF

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.