Kaboul Express de Cédric Bannel

Après avoir dévoré les presque 800 pages de DOA et son Pukhtu Primo, en attendant de dévorer Pukhtu Secundo, je me suis régalée avec Kaboul Express de Cédric Bannel. Pourquoi cette comparaison ? Parce que ces polars traitent du même sujet : le terrorisme, l’Afghanistan, les services de renseignements, les menaces qui pèsent sur la France. Pukhtu Primo se passait en 2008 et l’ennemi était les talibans. Kaboul Express est actuel, c’est aujourd’hui, c’est même tellement aujourd’hui que le roman est construit chronologiquement sur une dizaine de jours et qu’il s’achève le 2 mai… c’est-à-dire dans 4 jours. J’ai eu l’impression de lire une histoire qui était en train de se passer ! Et c’est tout à fait possible, puisque l’on sait que tous les jours les forces de renseignements et la police française traquent des terroristes et déjouent continuellement des attentats ! Alors pourquoi pas celui là ?

synopsis

Zwak, Afghan, dix-sept ans et l’air d’en avoir treize, un QI de 160, et la rage au coeur depuis que son père a été une  » victime collatérale  » des Occidentaux. Devant son ordinateur, il a programmé un jeu d’un genre nouveau. Un jeu pour de vrai, avec la France en ligne de mire. Et là-bas, en Syrie, quelqu’un a entendu son appel…
De Kaboul au désert de la mort, des villes syriennes occupées par les fanatiques de l’État islamique à la Turquie et la Roumanie, la commissaire de la DGSI Nicole Laguna et le qomaandaan Kandar, chef de la Crim de Kaboul, traquent Zwak et ses complices.
Contre ceux qui veulent commettre l’indicible, le temps est compté.

Kaboul Express Cédric Bannel

Encore et toujours l’Afghanistan

Encore une fois j’ai choisi de lire ce livre car il parle de l’Afghanistan et de cette région, pachtoune, que je connais bien…
C’est aussi une découverte grâce au partenariat avec NetGalley et les éditions Robert Laffont et la collection La Bête Noire.
Il est étonnant que des romans à succès comme Kaboul Express ou Pukhtu Primo décrivent avec autant de réalisme, quasi journalistique, et même en fait bien plus dense qu’aucun article de presse, les tourments géopolitiques qui sont largement ignorés par les médias du monde. Qui parle encore de l’Afghanistan ? C’est pourtant là que ce joue une grande partie de notre avenir.
Kaboul Express, c’est le nom que l’on donne à la filière afghane qui permet aux djihadistes de ce pays d’aller le plus vite possible rejoindre leurs « frères » au pays du Sham, c’est-à-dire l’Etat islamique. Les combattants afghans sont réputés, aussi ceux qui veulent rejoindre Daesh sont choyés et sont prioritaires pour rejoindre la Syrie. C’est la cas de Zwak (drôle de nom), un adolescent Asperger, disciple de Léonard de Vinci (!), né dans le désert du Balouchistan et qui rejoint Daesh pour se venger des Français qui ont assassiné son père, tranquille trafiquant. Le personnage de Zwak est peu attachant, comme lui-même, étranger au monde qui l’entoure, absolument pas fanatique religieux, même s’il utilise les moyens gigantesques des djihadistes pour finalement faire coïncider sa vengeance personnelle avec les projets destructeurs de la secte.

Une traque sans fin

Les deux autres personnages principaux sont ceux de Nicole Laguna et de Oussama Kandar, policiers français et afghan. Ce sont des personnages récurrents de Cédric Bannel, et il vaut mieux avoir lu les autres livres de l’auteur avant pour comprendre une petite partie de l’intrigue, le fait que Nicole Laguna est au centre d’une enquête pour le meurtre d’un djihadiste. En tant que lectrice néophyte de cet auteur et n’ayant pas lu les autres livres, cette partie du roman, que j’avais du mal à comprendre, m’a gêné. Mais je comprends tout à fait que l’auteur veuille faire des ponts entre ses livres, pour créer une série et un attachement de ses lecteurs les plus fidèles.
L’autre personnage est Oussama, ancien sniper d’élite des troupes du Commandant Massoud, il est le chef de la police de Kaboul. J’avoue que j’ai eu du mal à croire à la possibilité de l’existence à Kaboul d’un tel policier, honnête, brave, aimant sa femme médecin, moderne et entouré d’une équipe totalement intègre. C’est sans doute mon expérience dans cette région où la corruption et les trafics en tout genre sont communs qui me fait douter de la réalité d’un tel ensemble ! J’ai trouvé que c’était là un point faible du livre, surtout comparé au réalisme brut et sans concession de DOA.
Par contre, la force du livre et de l’auteur c’est l’évocation puissante à la fois des méandres administratives du renseignement français et surtout de l’hydre qu’est Daech. J’ai trouvé que l’on entrait vraiment profondément dans la compréhension de l’organisation de l’EI et surtout de sa cruauté, de sa bêtise et de sa barbarie. En particulier l’inhumanité absolue de Daech vis-à-vis des captifs yézidis et surtout des jeunes femmes, esclaves sexuelles des terroristes… c’est glaçant. Et également l’impeccable hiérarchie de la secte et son organisation au cordeau, qui fait diablement penser à ce que les livres d’histoire nous décrivent du nazisme !

Le livre est en fait l’histoire d’une traque entre l’Afghanistan, la Syrie, la Turquie et l’Europe. Un traque qui ne peut pas échouer. Une traque qui doit aussi faire fi des principes moraux sur lesquels pourtant nos pays occidentaux croient encore s’appuyer. On a beaucoup critiqué les Etats Unis au moment de l’invasion de l’Afghanistan, les prisons, Abou Graïb, Bagram, etc… Mais ce genre de livre nous met le nez sur notre propre réalité, celle que l’on évoque que rarement dans les médias, qui est que pour déjouer des attentats, il est évident qu’il faut se salir les mains. Qu’il faut même aller jusqu’à renier ce que l’on est, ce que l’on croit, ses propres valeurs. C’est le sens même de la dernière phrase du livre :

« On ne fait pas leur métier si on ne veut pas être confronté au mal : on prend acte de son existence, on le combat souvent, on le commet aussi, parfois. »

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