Il y a très peu d’artistes (et je n’ai pas l’habitude d’utiliser ce vocable à tout bout de champ, comme la plupart des commentateurs) qui sont capables de durer dans le temps et de faire autant rêver leurs auditeurs. Je suis une fan de Loreena McKennitt depuis ses débuts, à la fin des années 80. Voilà donc plus de 30 ans que la rousse canadienne nous charme avec ses musiques d’un autre monde et d’un autre âge. Elle a bercé mon adolescence rêveuse, elle a continué à enchanter mes nuits d’insomnies de jeune adulte inquiète et mélancolique et voilà qu’en 2018 elle sort un nouvel album. Lost Souls : voilà un titre qui convient parfaitement à ce que Loreena chante et compose depuis des décennies. Voilà un titre qui ravira ses fans, nombreux comme moi.
Il s’agit, si j’ai bien compté, de son 11e album studio (je n’ai pas comptabilisé tous les albums live) et encore une fois il nous emmène avec douceur et tendresse dans des contrées où l’imagination est la plus forte.
Au début de sa carrière, Loreena McKennitt, qui est donc canadienne et pas irlandaise, mais qui a des racines celtes, a fait paraître des albums de reprises de musiques et de chants de la tradition folk irlandaise et écossaise. Au beau milieu d’une époque aussi déchaînée que celles des années 80, elle aurait pu être invisible. Mais c’était sans compter les flopées d’adolescents aux cœurs sombres qui furent tout de suite attirés par ces sons folk.
Ensuite, elle a su très vite se diversifier et elle a créé ses propres musiques, nées de ses voyages et de ses rencontres. La marque McKennitt c’est un mélange entre des sons, des instruments traditionnels celtes et d’autres, venus d’orient, de Turquie, d’Espagne. Et cela fonctionne, car elle sait arranger tout cela avec talent. Ses textes sont parfois des poèmes célèbres du monde anglo-saxon ou ses propres écrits. Ils racontent toujours la mélancolie de dames et de chevaliers du temps passé qui vivent dans des châteaux au bord de la mer ou dans des landes où le vent souffle furieusement.
Le nouvel opus, sorti vendredi 11 mai, sous le label de Loreena Quinland Road Music, est une continuation de ses albums précédents, avec toujours des accents orientaux et des tonalités irlandaises. On entend toujours la harpe, le violon, le violoncelle, le oud, le rebec, la flûte, le tambour. L’album se partage entre chansons et pièces de musique, aux rythmes plus élancés et dansants. Cet album n’a rien d’original, et ne décevra pas les fans qui écoutent en boucle The Visit ou The Book of Secret. Aurait-on pu attendre quelque chose de vraiment neuf ? Loreena McKennitt doit beaucoup composer et constituer un nouvel album ne doit pas être très difficile pour elle, même si son travail sur les arrangements est toujours attendu. Elle a suffisamment prouvé son talent, mais j’avoue qu’à la première écoute de ce disque, j’ai trouvé que c’était très identique à ce qu’elle nous propose depuis déjà une quinzaine d’années. Je n’en suis pour autant pas déçue, car j’aime trop cette artiste pour refuser les moments de détente et d’ailleurs qu’elle nous propose.
La chanson éponyme de l’album, Lost Souls, est la dernière et est peut-être la plus originale du disque. Elle raconte les errances d’un voyageur perdu dans les brouillards de l’océan et qui cherche à rentrer chez lui. La puissance de Loreena McKennitt est d’avoir toujours su trouver un juste équilibre, dans ses textes comme dans ses musiques, entre la tristesse, la mélancolie d’un jour de pluie, les larmes qui coulent quand on a perdu un amour, la douleur tout simplement de vivre dans une réalité qui n’est pas ce que l’on en attendait. Elle nous permet aussi de voyager, de nous évader au-delà des murs de nos chambres, de nous fondre dans les ciels gris d’automne en sachant que nous ne sommes pas seuls à chercher un moyen de fuir d’ici bas.