Musicienne et mélomane. Dans les pages fanées de ce blog, j’ai souvent chroniqué mes éblouissements lyriques d’une autre vie, que j’ai menée à Paris, où j’avais le bonheur d’aller régulièrement à l’Opéra (par exemple ici ou ici). Puis, la vie m’a projetée dans d’autres contrées, où tout est différent — ni mieux, ni moins bien, simplement différent. La culture reste à portée de main, mais elle n’est pas toujours facile à attraper. Le quotidien à la campagne n’est pas le même qu’en ville, et il est parfois difficile de trouver l’élan pour aller ailleurs. Pourtant, la musique me manque. Elle me manquera toujours, même après ma mort.
« OPÉRA », MOT MAGIQUE
Les places sont chères dans les lieux de culture, non pas tant en termes monétaires, mais à cause de la concurrence féroce entre spectateurs avides de ces moments de vie. Cela fait plusieurs années que je ne vais plus à la Folle Journée de Nantes, non seulement à cause des conditions de vie quasi-survivalistes imposées au Palais des Congrès — où la foule compacte et les comportements de certains frôlent l’indécence —, mais aussi à cause de l’épreuve que représente la réservation de places sur un site internet défaillant. Cette aventure, je n’ai plus envie de la vivre.
J’ai eu le vague espoir de m’abonner à l’Opéra de Nantes-Angers, mais il faut se souvenir précisément du jour et surtout de l’heure exacte où les abonnements sont mis en vente. Le mieux est d’aller sur place… ce qui n’est pas évident quand on travaille à l’autre bout du département. Bref, après plusieurs tentatives infructueuses mais amicales, j’ai réussi à obtenir une place pour assister à La Traviata de Verdi cette semaine au théâtre Graslin. Cela faisait plus de dix ans que je n’avais pas vu d’opéra… dès les premières secondes où la musique à surgit de la fosse d’orchestre, j’ai senti de nouveau les frissons de plaisir pur qui parcouraient mon échine. On peut devenir accro de cette sensation !

Le théâtre de Nantes est une petite boîte à bijoux : un théâtre à l’italienne cosy, baroque, chaleureux, où les spectateurs sont proches les uns des autres et de la scène. Habituée des grandes salles parisiennes, j’ai apprécié cette acoustique plus enveloppante, presque vibrante, par contraste avec celle des théâtres plus imposants. Verdi n’est pas mon compositeur préféré — c’est Puccini. La Traviata n’est pas mon opéra favori de Verdi — je préfère Rigoletto ou Nabucco. Mais j’ai aimé retrouver ces airs si connus qu’on les fredonne parfois sans s’en rendre compte, tant ils font partie du patrimoine culturel mondial. Ils sont devenus des airs collectifs.
une production classique mais efficace
La mise en scène de Silvia Paoli est classique, faisant de Violetta, l’éternelle « Dame aux Camélias », une sœur de Sarah Bernhardt vivant dans un théâtre. On est davantage à la fin du XIXᵉ siècle qu’au Second Empire. Le décor est dépouillé mais imaginatif, avec, par exemple, ces trois panneaux qui descendent pour former la maison de campagne où Violetta et Alfredo cachent leur amour. Ces panneaux disparaissent progressivement lorsque le père d’Alfredo vient demander à Violetta le sacrifice suprême. Le dernier acte est encore plus épuré : Violetta s’éteint à même le sol, vêtue d’une simple chemise de nuit. Une belle trouvaille : elle est seule sur scène. Alfredo et son père, venus tout de même demander son pardon, chantent hors de la scène.
Côté voix, c’est la soprano italienne Maria Novella Malfatti qui a emporté l’adhésion du public. Sa voix ample et chaleureuse trouve un écrin parfait dans le théâtre Graslin. Elle sait moduler son timbre et incarne une Violetta combattante, naïve et touchante. J’ai moins apprécié le ténor Giulio Pelligra : dans le rôle d’Alfredo, il manque de puissance, et son jeu est moins fin que celui de Maria Novella Malfatti. Vendredi soir, le public a applaudi avec enthousiasme la prestation de Dionysios Sourbis, le baryton incarnant Giorgio Germont, le père d’Alfredo. Le public tend souvent à privilégier les voix de basse, qui touchent nos sentiments et font vibrer les âmes. Certes, la voix de Dionysios Sourbis est profonde, mais j’ai été gênée par le manque de fluidité de sa diction et ses ânonnements, qui soulignaient maladroitement chaque rythme de la musique.

J’ai découvert le chœur de l’Opéra de Nantes avec délice : il est vrai que, dans La Traviata, il joue un rôle central et ravit le public avec certains des airs les plus célèbres du répertoire classique. Ce chœur vif et enthousiaste est magnifié par l’Orchestre National des Pays de la Loire, dirigé par Laurent Campellone.
La production de La Traviata sera jouée également à Rennes et à Angers en février et mars 2025. Encore faut-il réussir à obtenir des places ! Peut-être que ce sera plus simple l’année prochaine, quand les prix auront tellement augmenté — la région des Pays de la Loire supprimant toutes ses subventions culturelles — que seuls les plus aisés pourront s’offrir ce qui devrait pourtant rester accessible à tous. Pour ma part, j’espère retourner à l’Opéra de Nantes pour voir La Flûte enchantée… Affaire à suivre dans quelques semaines !
Un extrait du spectacle, capté jeudi 16 janvier 2025
En savoir plus sur Bisogna Morire
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.