Dimanche j’étais à Paris pour assister à la représentation de Siegried de Wagner. Les critiques de cette tétralogie mise en œuvre depuis la saison dernière à l’Opéra de Paris sont assez violentes, en particulière quant à la mise en scène, les décors et les costumes. Le Monde s’est ainsi bien moqué de la salopette et des dread-locks blondes que l’on fait porter à Tornsten Kerl le ténor du rôle titre en se gaussant de sa corpulence avec ces remarque assassine : tout le monde n’a pas le physique de Jonas Kaufmann !!! C’est sûr 🙂
En fait, cette représentation de dimanche a été très originale : en effet Kerl était malade ainsi que Juha Uusitalo qui joue Wotan/Le Voyageur !! En de telles circonstances, il aurait peut-être été judicieux d’annuler … mais l’Opéra de Paris ne l’a pas entendu de cette oreille. Alors nous avons eu droit à un truc… étrange… Kerl était assez en forme pour jouer son rôle mais pas chanter… le ténor Christian Voigt a donc assuré le chant, en costume noir, pupitre en avant scène, mettant et enlevant sa veste noire et buvant de larges lampées d’eau dans une petite bouteille de plastique ! Quant au rôle de Wotan… encore plus drôle… le chant a été assuré de la même façon par un autre ténor, Egils Silins en avant scène, et le jeu sur scène… par l’assistant réalisateur Alejandro Stadler !! Je tiens à faire remarquer que ces trois sauveurs ont eu bien du mérite d’entrer ainsi en scène. Surtout quant au jeu passablement hésitant de Wotan, qui ne savait pas planter sa lance correctement dans la table… cela sentant l’amateurisme ! Donc j’ai été particulièrement déçue parce que le plateau vocal n’était pas à la hauteur de la situation… même si je le répète, il leur a fallut beaucoup de courage.
Kerl est effectivement ridicule dans sa salopette grise… d’autant plus quand il court après l’oiseau du second acte ! J’ai entendu bien des pouffements dans la salle de l’opéra Bastille. Seul Wolfgang Ablinger-Sperrhacke en nain Mime, a su tirer son épingle du jeu… ce qui fut facile vu la pauvreté ambiante. Il a eu droit à un triomphe. Je suis, pour ma part, rester scotchée à la voix puissante de Katarina Dalayman , la Walkyrie que Siegfried éveille au troisième acte… on aura la chance de la voir de nouveau dans le Crépuscule des Dieux ce printemps. Je serais là…
L’orchestre de l’Opéra dirigé par Philippe Jordan a été ébouissant… les critiques avaient vu juste. Une musicalité puissante qui vous emporte très loin de votre siège du deuxième balcon.
A part ces contre-temps, Wagner reste Wagner, c’est-à-dire insurpassable. Sa musique et sa poésie sont une merveille, d’autant plus quand on y trouve, avec plaisir, quelques références nieztschéennes. La prof de philo que je suis devenue ne perd pas une miette de retrouver ses joujoux préférés…
Siegfried, qui dans ce troisième volet de la tétralogie n’est qu’un adolescent, est-il la figure du Surhomme ? En tout cas c’est le héros, aimé de Wotan et qui sera la perte des Dieux. Wotan disparaît d’ailleurs au troisième acte, n’étant devenu qu’un simple observateur du cours du monde. Le pouvoir absolu n’est donc pas aux mains des Dieux et la Walkyrie renonce à l’immortalité pour l’amour du jeune homme. Le divin serait-il dans l’humain ? La puissance serait-elle dans l’amour ?
A voir au fil du Ring
Un extrait du film de Fritz Lang, les Niebelugen, où Siegfried affronte Fafner, le géant qui s’est transformé en dragon gardien du trésor des Niebelungen, l’anneau et le heaume de pouvoir. Le héros est le seul à pouvoir vaincre le monstre, car il ne connaît pas la peur. Après avoir terrassé le dragon, il goûte le sang de la bête, ce qui lui donne le pouvoir de comprendre le chant de l’oiseau. Siegfried connaîtra la peur devant la belle endormie, Brünnhilde, cachée derrière les flammes que son père Wotan a allumé pour la chasser du Walhalla : l’amour est la peur, l’amour seul terrasse le héros.