… ou comment tout n’est qu’un point de vue. Une journée qui commence avec une glace à la vanille, qui continue avec Zarathoustra et qui se finit par Chuck Norris jouant le trio opus 100 de Schubert !!
Ce matin je me suis levée… à 6h30… euh non en fait plutôt à 7h10… avec un fort sentiment négatif. Je savais que cette journée de mercredi allait être très longue… mais je n’imaginait pas qu’elle n’allait pas du tout se passer comme je l’attendais !
Après un petit déjeuner frugal (ce qui aura des conséquences plus tard), je suis partie au lycée, comme tous les matins, vers 8h10. J’ai passé la première partie de la matinée en cuisine : bien que je fasse partie de l’atelier « La Moutarde me monte au nez » (alias, cuisine et chimie), nous avions décidé en petit groupe de faire un peu plus de pratique ce matin. Après quelques essais de mayonnaises de différentes sortes (avec de l’eau… avec un blanc d’œuf) que nous avions observé au microscope pour voir les molécules tensioactives du jaune d’œuf et de la moutarde entourer d’un cercle noir les grosses molécules d’huile… bref… et d’autre essais de caramel au beurre salé de Guérande (qui a permis aux élèves de travailler sur la chaleur), nous voulions, aujourd’hui, voir plus grand. Nous sommes partis donc dans la réalisation d’une crème chantilly, d’une glace à la vanille et de cakes au fruit… tout cela pour plus de 30 personnes. Et oui ! c’était le deal avec la gestion de cuisine cette semaine : nous les embêtions en cuisine en contrepartie de quoi nous réalisions les desserts du jour. Ce fut une réussite… et par ailleurs dans l’atelier nous avons commencé à nous intéresser au goût de la vanille et à la réaction chimique qui se passe quand les jaunes d’œuf sont mélangés avec le sucre.
A 10h, pas le temps de prendre la moindre pause, car une réunion d’équipe extraordinaire fut organisée : c’est là que j’ai senti que je faisais de l’hypoglycémie et que de ne pas manger le matin, c’est pas bien… J’ai donc passé la seconde partie de la matinée avec la désagréable sensation que mon cerveau avait pompé le peu de sucre que j’avais ingurgité dans mon thé du matin et qu’il en redemandait encore plus ! A midi je me suis donc précipité au réfectoire… comme la gestion cuisine n’avait pas eu a penser aux desserts, ils avait décidé de faire des hamburgers avec des frites maison ! Après le repas, j’ai essayé de faire des photocopies pour l’activité philo de l’après midi… sauf qu’il n’y avait plus de papier à la Doc… un élève de la gestion doc a donc dû aller au fin fond du lycée me chercher une ramette salvatrice. De toute façon, je la sentais mal cette activité philo…
Et pourtant… ces 1h30 furent un véritable plaisir. C’est là que ma journée à basculé. Je me suis éclatée avec les élèves (hmm… on va dire certains !) a commenter le premier discours de Zarathoustra, le fameux sur les Trois Métamorphoses de l’esprit, en chameau, lion et enfant. Je pense que j’ai fait mouche : le texte est difficile de prime abord mais quand l’explication fait son œuvre, les choses deviennent plus claires. Les élèves ont, à la fin de la séance, écrit un texte libre. En fait, j’adore enseigner la philo… surtout quand en face de moi j’ai du répondant !
A 18h, je me suis rendue à la Galerie des Franciscains tout près du lycée pour assister à un concert de musique de chambre. Saint Nazaire, depuis plus de 20 ans, organise en septembre un festival de musique de chambre, rassemblant des musiciens et des ensembles prestigieux. Ce soir, c’était carte blanche à Henri Demarquette ! Et oui… fini le temps où les grands noms de la musique ou du théâtre réservaient leurs apparitions aux planches parisiennes. Je dois avouer que la vie culturelle dans la région est vraiment très riche… et accessible surtout. Pour 10€ j’ai pu assister à un concert de qualité où Demarquette et son toucher très délicat nous a interprété un trio pour violoncelle, clarinette et piano de Beethoven et ensuite la sonate pour violoncelle de Poulenc. Divin.
J’avais réservé une place pour le concert suivant de 20h30… aussi quand la première représentation s’est terminée vers 19h, j’ai filé chez « Michelle » sur le port de Saint Nazaire. Le petit bar « Au Dauphin » est le QG des Mees du lycée expérimental. Michelle, la patronne, tient le bar d’une main de maître, de 8h du matin à 20h le soir. L’endroit est le rendez vous des gens du quartier, plutôt populaire, au bas du « building », ainsi que l’on nomme l’un des premiers immeubles de la reconstruction, juste en face du port. Dans le bar, on peut rencontrer toute sorte de gens : le coiffeur du coin de la rue, la voisine qui prend juste un petit coup avant de remonter voir ses info du soir. On peut y lire la presse locale : Ouest France et inénarrable Presse Océan. Michelle vous prépare en un quart de tour un croque monsieur ou un sandwich d’une demi baguette quand les petits creux du midi (ou du soir pour moi aujourd’hui) se font sentir. Vers 20h j’ai filé de nouveau vers les Franciscains… mais la queue devant l’entrée était déjà énorme. Au premier concert j’avais réussi à me faufiler au second rang : entourée de têtes blanches, d’habitués, de fanatiques devrais-je dire, qui viennent à tous les concerts du festival et ce depuis 20 ans ! Par chance, à 20, j’ai pu de nouveau me glisser au plus près des artistes.
Le problème d’être aux premières loges, c’est pour moi comme quand je me retrouve sur la place passager dans une voiture : j’observe tout, je vois tout, j’analyse tout… Le violoncelle étant tellement imbriqué en moi, en voyant les doigts du musicien bouger sur le manche, je sais quelles notes il joue. Je vois les difficultés techniques du morceau et c’est vrai que je peux admirer les qualités techniques ou musicales d’un artiste. Quand je suis à l’opéra c’est différent parce que l’orchestre est plus loin… là, avec la musique de chambre, je peux m’imprégner beaucoup plus de la virtuosité musicale, peut être au détriment de mon écoute. Jouer et écouter de la musique sont deux activités totalement différentes et qui ne mobilisent pas du tout les mêmes centres du cerveau. Ecouter de la musique c’est comme méditer… l’instant présent est la seule chose qui existe et le temps s’écoule d’un autre point de vue. Jouer de la musique demande une autre forme de concentration qui est plus intellectuelle mais qui me place, tout autant voire plus, dans une autre bulle, un autre monde.
Le programme du second concert était plus chargé et plus orchestral. Malher, Dvorak mais surtout Schubert. Ah ! Schubert… c’est vraiment un de mes compositeurs préférés. J’ai pu voir sur scène mon futur professeur de violoncelle du conservatoire de Saint Nazaire 😉 Mais ce fut surtout Philippe Muller qui était à l’honneur ce soir. Et ma journée s’est terminée dans un moment de grâce : le trio n°2 violon-violoncelle-piano opus 100 de Schubert ! Comme tout le monde je connais ce morceau par le film Barry Lyndon de Stanley Kubrick et depuis longtemps je rêve de le jouer ! Peut être un jour… Mais ce soir, j’ai pu ressentir physiquement la passion et la puissance de Schubert. Je ne me doutais pas en fait que ce compositeur fût autant passionné.
Quand je suis rentrée ce soir, la lune presque pleine m’accompagnait, et je me disais que définitivement, les choses n’existent que suivant notre point de vue. D’une journée qui s’annonçait difficile, j’ai vécu en fait des heures chargées mais intenses émotionnellement et humainement.