Hier soir je suis allée voir le film de Matt Ross, Captain Fantastic, avec Viggo Mortensen et qui remporta cette année le Prix de la Mise en Scène dans la catégorie Un Certain Regard au Festival de Cannes et le Prix du meilleur film de l’année au Festival international du Film de Seattle.
(Attention Spoiler Inside)
L’histoire n’a rien de remarquable : Ben est un père affectueux qui élève ses 6 enfants au fond de la forêt de l’Alaska (ou quelque part par là). Son épouse et la mère des enfants est hospitalisée. La tribu vit en parfaite harmonie avec les Eléments, en autarcie, et Ben consacre toute son énergie à l’éducation tout autant physique que spirituelle et intellectuelle de sa marmaille. La vie est faite de lectures, très politiques, de musique, de chants, d’exercices physiques, de chasse… C’est un paradis perdu pour Bo-Bo en mal de nature. C’est surtout une contestation du monde matérialiste, en particulier nord-américain, où Noël est remplacé par l’anniversaire de Noam Chomsky ! Mais rien ne saurait durer, surtout pas l’harmonie, et le petit monde s’écroule quand Ben apprend que son épouse, Leslie, vient de se suicider. On apprendra qu’elle était bipolaire, que Ben a voulut la soigner en l’emmenant justement hors de la société, dans la forêt, qu’elle a pu tout de même faire 6 enfants (!) avant de sombrer dans l’aliénation. Ben, en stoïcien bouddhiste comme sa femme, accepte l’évènement tandis que les enfants crient et pleurent leur mère. Les parents de Leslie, qui habitent une magnifique maison digne du Rêve américain en Californie, décident d’enterrer leur fille unique, alors que Ben, mettant la main dans sa cabane, sur le testament de son épouse, apprend qu’elle souhaitait, en tant que bouddhiste, se faire incinérer. La tribu décide donc de partir aux funérailles, grâce à Steve, le bus-scolaire-caravane et se trouve confrontée à la réalité du monde post-moderne.
J’ai aimé le côté libertaire de ce film et les habitus qu’une vie d’autogestion créé quelque soit l’expérience, ici familiale. Les tropismes politiques, les prises de paroles et les réunions où on espère que chacun puisse exprimer son opinion pour prendre une décision collective appropriée. Mais tout cela est très caricatural, voire méprisant comme lorsque les enfants, se retrouvant dans un restaurant, se moquent des gens qui sont attablés et qui sont, Amérique oblige, obèses, alors que leurs entrainements quasi spartiates les ont rendu vifs et vigoureux. Le mépris est aussi dans les deux cousins, accro aux jeux vidéos qui bien sûr sont violents, et qui représentent à merveille la stupidité et l’ignorance du peuple américain de base incapable de connaître les Amendement de la Constitution alors que la fille de Ben, à 8 ans seulement, peut disserter sur l’articulation démocratique de la souveraineté populaire. La caricature est aussi forte de l’autre côté, avec des grands-parents qui vivent dans un villa de millionnaire, avec un pasteur incapable de dire quoique ce soit sur l’épouse décédée lors de l’enterrement ou de la jeune fille avec qui le fils ainé de Ben, Bo, flirte dans un camping et qui représente toute la vulgarité de la gent féminine actuelle ☺. Jusqu’à la contrition finale de Ben, qui se rend compte de son égoïsme, très masculin il est vrai (!) envers sa femme et ses enfants qu’il a entraîné dans son rêve de nature.
La caricature ne s’arrête pas à la scène finale, où Ben, pour conserver la garde de ses enfants, trouve le juste milieu entre la ville et les bois et emmène sa famille vivre dans une ferme typique des années 30, pour que les enfants aillent à l’école. Entourée de champs de maïs, c’est la maison « zéro déchets », où l’on écrit sur des cahiers et pas sur des tablettes, où on continue à lire tout en regardant le soleil se coucher…
Viggo Mortensen est un père rebelle très convaincant, avec ou sans sa barbe de Hobo ! Mais ce sont surtout les « enfants » que j’ai trouvé très bons, en particulier le jeune George MacKay qui joue Bo le fils ainé et qui est saisissant dans la première scène de chasse !
Je suis donc dubitative concernant se film, même si la scène de la crémation de la mère est très belle et touchante, surtout parce que sa fille aîné chante, accompagnée par tout le reste de la tribu, « Sweet Child O’Mine » de Guns N’ Roses, chanson et texte que je trouve, aussi, une des plus belles du répertoire moderne (et oui, c’est comme Bob Dylan, il faut parfois lire un peu les textes des chansons, même si c’est du Rock n’ Roll… ). J’ai trouvé que cette cérémonie était parfaite et j’aimerais bien savoir qu’à ma mort, mon enveloppe corporelle finisse de la même façon !
She’s got eyes of the bluest skies
As if they thought of rain
I’d hate to look into those eyes
And see an ounce of pain
Her hair reminds me of a warm safe place
Where as a child I’d hide
And pray for the thunder and the rain
To quietly pass me by