Ce n’est pas en luttant contre une pensée douloureuse que l’on réussit à la faire disparaître. Au contraire, elle se renforce. Non, il faut savoir la regarder passer et se retourner vers soi, avec amour, ne pas se juger, laisser la pensée s’écouler, pleurer peut-être et elle finira par s’éteindre, car toute chose s’éteint. Sans cesse se tourner vers soi, faire ce travail inéluctable d’ouverture compatissante vers soi, ne pas se faire plus mal encore en s’acharnant avec la pensée, comme avec un bâton pour se battre. Mais la pensée (ou bien notre esprit!) peut être vicieuse et avoir des ramifications vers d’autres émotions ou d’autres images tout aussi douloureuses. Alors toujours laisser faire, laisser s’écouler dans un calme serein, ce qui est là, à ce moment, le véritable moment héroïque. Car cette pensée n’est que moi, n’est qu’à moi, même si elle concerne d’autres, ils ne sont pas eux, réels dans ma pensée. Je m’en fait une projection. Je dois donc jouer avec les antidotes, en particulier celui de la colère, la compassion bienveillante, maitri, et l’amour, pour contrecarrer ma propre haine. Ce n’est pas eux que je déteste, c’est moi qui me faire souffrir ainsi. La bienveillance envers soi est le premier et le plus important secret de la sagesse. Il ne s’agit pas simplement de répéter, comme devant un public, que l’on s’aime, car on sait, au fond de soi, que ce n’est pas vrai. Ce n’est pas vrai tant que l’on n’a pas souffert de la vue de ce qui est “moi”, de toutes les gloires qui n’existent qu’en rêve, de tous les mensonges, les lâchetés, les traumatismes, de tout ce qui a fait notre vie. Il faut regarder tout ce qui pourri au fond de moi avec le regard le plus clair possible, un regard limpide mais qui ne juge pas, qui ne juge plus. C’est la vision compatissante, qui avant toute chose doit s’attacher à soi-même. Il faut être capable de biaiser l’angle de vue que l’on s’imposait jusque là, cet angle qui nous faisait vivre avec nos petites taches. Il ne s’agit pas de les nettoyer, elles resteront là, mais elles doivent ne plus nous faire souffrir, nous faire honte, car elles sont les nôtres, elles sont nous-mêmes, et surtout tout être humain sur cette terre possède exactement les mêmes. Ce regard compatissant sur soi-même, cet amour de soi, c’est maitri des bouddhistes : une plume légère qui diagnostic un fait, nous ne sommes que des êtres mortels, impermanents. C’est dans cette douceur envers soi que se trouve la clé. Alors seulement peut commencer la Connaissance de Soi.