Apprentie psychanalyste… donc. Qu’est-ce que cela veut dire ? Est-ce comme être apprentie sorcière 😉 En fait c’est une discipline qui n’est pas écrite dans les livres. Pourtant, on pourrait croire, avec tous ces Freud, ces Jung, ces Lacan à la noix, que les choses ont été dites, écrites, décrites. Mais ce que présentent les livres ne sont que la surface des choses, du travail.
Un psychanalyste est avant tout un psychanalysé. Et je dois dire que tous ceux et celles qui travaillent avec la psyché humaine devrait avoir faire un travail sur eux/elles. Cela semble tellement logique, mais c’est très très loin d’être une réalité. C’est pour cela, à mon avis, qu’il y a beaucoup de dégâts avec certains patients. L’analyse (pour ma part cela fait 6 ans exactement) permet de se connaître soi-même. On comprend ses propres mécanismes, ses refoulements, ses traumatismes divers et variés. Il faut du temps pour les nettoyer, les ranger, les remiser sans forcément les oublier. L’idée n’est pas d’être vierge mais de savoir, de connaître ce qui nous a constitué dans le passé, dans notre enfance en particulier, pour en avoir pleinement conscience et pouvoir enfin vivre. Ce qui est troublant dans ce travail, c’est que les premières scories (comme je les appelle) à sauter sont des choses lourdes et violentes… quand on arrive à les ranger on est tout fier et tout content de pouvoir enfin respirer et se sentir libre. Sauf que ces blocs là, les plus évidents, les plus lourds ne sont absolument pas les plus importants pour se connaître. C’est dans une seconde phase de l’analyse, celle que beaucoup n’atteignent pas parce qu’elle demande bien plus d’efforts, que les éléments les plus subtils de nos vies, de nos névroses se révèlent. Les cohérences de nos existences qui nous semblaient imparables, deviennent floues et même mensongères. On découvre des Vérités sur soi-même qui font frémir parce qu’on se rend compte que l’être humain est d’un masochisme consommé, d’une lâcheté pure et d’une idiotie patente. Bref… on en prend plein la gueule ! Mais comme on sait, depuis la première tranche, que cela va toujours beaucoup mieux après, que le vrai bonheur, celui sans nuage, est aux portes de l’espoir, on affronte, on combat. On laisse tomber les dernières barrières de l’inconscient et quand on sait le brosser dans le sens de son poil, il nous fait vivre des moments de pure grâce.
Une fois ce travail à peu près réalisé, on peut dignement se dire qu’on va mieux – même si la psychanalyse n’a pas vocation à ne soigner que des malades, des névrosés pathologiques, elle peut et doit aussi proposer un moyen d’accès pour le plus grand nombre à sa psyché. Alors, si on le désire bien sûr, on peut se dire que si on a compris ses propre mécanismes mentaux, on doit pouvoir les voir chez les autres. Et puisqu’on va mieux, on doit pouvoir aider les autres. Ça à l’air simple sur la papier… mais là commence le vrai travail, celui de la maîtrise du transfert et surtout du contre-transfert, celui de l’écoute de l’inconscient de l’autre par son propre inconscient. C’est cela l’apprentissage… il faut, comme je le disais, se faire la main… approcher l’inconscient de l’autre que l’on peut croiser, avoir en face de soi, avec toute la bienveillance et la neutralité qu’un analyste développe pour l’apprivoiser. J’appelle cela avoir « l’esprit blanc » : une sorte d’écran blanc dans mon esprit où l’autre peut projeter (faire un transfert) de ce qu’il me dit, de ce qu’il est. A moi de savoir entendre ce qui est réellement dit par l’inconscient, ce qui est refoulé. Et là, c’est coton ! D’où l’importance de sa propre analyse… on retrouve les grands mécanismes, les grands types de fonctionnements humains que l’on a déjà vu et compris chez soi. Mais il faut que ces éléments soient absolument bien rangés, compris, connus, vus pour que lorsque l’autre nous utilise, utilise cet esprit blanc, rien chez nous ne dépasse, ne soit douloureux pour éviter de contre-transférer chez l’autre, ce qui serait désastreux.
Un exemple : si dans ma vie passée j’ai eu du mal avec les hommes, dans les jeux de séduction ou dans la question du désir, et ce pour des raisons diverses et variées qui me sont propres, quand je rencontre une femme qui me parle de ces mêmes soucis avec la gente masculine, si mon malaise n’a pas été réglé en amont, je risque de lui renvoyer mon propre trouble, ce qui n’est pas de l’aide ! Quand elle me parlera de son expérience, je risque de ressentir en moi, dans mon inconscient, des éléments encore refoulés et je peux lui transmettre mes propres doutes ou souffrances. Ce n’est pas là le rôle d’un analyste. D’où l’immense tâche qui s’annonce, parce que je n’ai pas forcément été confrontée à tous les traumatismes et autres névroses qui constituent l’être humain, mais surtout il faut être capable de reconnaître toutes les siennes ! Les psychanalystes sont donc toujours en analyse et ont une supervision qui leur permet, quand cela frotte un peu trop, d’aller chercher en eux-même avec un autre analyste, ce qui dérange et fragilise le travail d’aide.