Je constate qu’il y a une vraie mode en ce moment dans le monde de la littérature. La mode de l’avenir. Plusieurs livres édités cette année, et surtout pour la « rentrée littéraire » ont, comme toile de fond, la France dans un avenir proche. C’était le cas en janvier dernier de Soumission de Houllebecq. C’est le cas de 2084 de Sansal que je n’ai pas encore lu. C’est aussi le cas de Ah ! Ça ira… de Denis Lachaud que j’essaye de finir entre deux dossiers pour l’université.
Les contextes sont les mêmes à chaque fois : une France ravagée, en détresse où les politiques sont arrivés au bout de ce qu’aujourd’hui on appelle la « pourriture ». L’avenir fait peur, l’avenir est pessimiste. Mais je me demande à quel point ces livres ne sont pas des essais de préventions pour échapper au pire ? Je fais souvent ça : penser au pire, aux catastrophes qui pourraient m’arriver, aux morts que je vais craindre pour, dans un sursaut de stoïcisme m’y préparer, mais aussi dans un élan quasi mystique les éloigner. Comme si l’imagination avait le pouvoir de ne pas advenir : on joue à se faire peur pour se dire que c’est justement cela qui n’arrivera pas. L’imagination comme ex voto à rebours avec cette idée un peu folle et naïve que si j’ai pensé aux atrocités qui pouvaient arriver, elles ne vont pas se réaliser dans la réalité. Le cauchemar pour pouvoir vivre en paix.
Chez Houellebecq et Sansal, le pire c’est la religion et la politique qui s’associent dans un totalitarisme à la fois moderne mais terriblement has been. Chez Lachaud, c’est la Révolution française qui est remise au goût du jour dans une France de 2037 où les fractures actuelles sont exacerbées : migrants parqués dans des zones fermées, violences sociales maximum surtout envers les jeunes, politique spectacle sans aucun sens ni valeurs. Depuis les années 60, la science fiction, en particulier anglo-saxonne, nous a habitué à imaginer les scenarii les plus monstrueux concernant l’avenir de la planète : invasion d’aliens très très méchants, terreur nucléaire, asphyxie planétaire, fin du monde écologique… Peut-être que la littérature française, pour exorciser les démons du présent a pris ce même tournant pour tenter de montrer ce qui pourrait être en peignant dans les livres ce qui fait peur et qui ne doit pas advenir.