Premiers constats autour de ParcourSup, la nouvelle plateforme vers l’enseignement supérieur.

Comme je suis encore une membre de l’Éducation nationale, professeure de terminale, j’ai eu la chance d’avoir des informations sur le nouveau ParcourSup qui fait la liaison entre le lycée et l’enseignement supérieur. J’ai aussi eu la chance de pouvoir expérimenter hier les nouveaux dispositifs, en particulier le travail supplémentaire donné aux enseignants.
Je m’explique. À la base, le système, qu’il s’appelle Post Bac ou ParcourSup est une plateforme internet qui permet de mettre en contact des lycéens futurs bacheliers (on leur souhaite) et futurs étudiants avec des établissements du supérieur, qu’ils soient des universités, des écoles, des classes préparatoires, d’autres lycées qui préparent des formations courtes type BTS. Jusqu’à présent, avec Post Bac, les élèves indiquaient les souhaits d’orientation, qu’ils classaient selon leur priorité, et les établissements, selon un mode qui n’a jamais été transparent, acceptaient ou non ces demandes.
La grande nouveauté de ParcourSup est que tous les établissements du supérieur, dont les universités alors que ce n’est pas du tout leur « philosophie », indiquent en face de chaque filière qu’ils proposent des « attendus » ou caractéristiques de cette formation. Ce sont tous les savoirs et les savoir-faire, les compétences qui, selon eux, sont nécessaires pour réussir dans cette filière. Par exemple, pour la licence de psychologie, il est indiqué que les futurs étudiants doivent avoir des compétences à l’oral et à l’écrit, des capacités de logique et de raisonnement, savoir analyser un texte, etc… Ces attendus peuvent être nationaux, c’est-à-dire concerner très généralement toute une filière, ou bien être précisés avec des attendus locaux, propres à chaque établissement.
Les élèves de terminale vont donc devoir faire des vœux, 10 au maximum, avec aussi la possibilité de faire 20 sous-voeux au maximum. Les sous-voeux sont par exemple différents établissements qui proposent la même formation.
Les vœux des étudiants ne sont plus classés. Pourquoi ? Parce que les enseignants, professeurs principaux d’abord, puis tout le conseil de classe et enfin le chef d’établissement, vont devoir émettre un avis motivé sur chacun des vœux de tous les élèves de terminale ! Oui… nous allons devoir en conseil de classe (!) examiner tous les vœux de tous les élèves et proposer un avis qui considérera si oui ou non le profil de l’élève peut correspondre aux attendus demandés par les établissements du supérieur. C’est ce qui va apparaître avec la fiche avenir dont, pour l’instant, nous n’avons pas de modèle.

Se posent tout de suite plusieurs problèmes ou questions.
Tout d’abord la temporalité : quand vous avez des classes de 35 élèves, s’il faut examiner tous leurs vœux, et même si la plupart ne feront pas 10 vœux, cela veut dire du temps, beaucoup beaucoup beaucoup de temps consacré à tout cela. Dans mon lycée, on parle déjà de conseils de classe du second trimestre de 3 ou 4 heures, en plus d’une réunion de coordination exigée avant le conseil lui-même entre les professeurs pour se mettre d’accord sur ces fameuses fiches.
Ensuite, cela pose le principe, absolument absurde, que les enseignants du secondaire seraient totalement qualifiés pour poser un avis d’orientation sur le parcours futur de leurs élèves. Cette absurdité a été mise en place dès le début de l’année, quand les Conseillers d’orientation et Psychologues qui exercent dans les établissements scolaires (les COP), ont perdu leur titre de conseillers d’orientation pour ne devenir aujourd’hui que des psychologues scolaires ! De façon très transparente, mais sans aucune formation ni aucune rémunération supplémentaire, le travail d’orientation a basculé sur les épaules des professeurs. Il va donc s’agir pour nous de trier des élèves (le mot a été employé à plusieurs reprises lors de la réunion sur le sujet à laquelle j’ai participé il y a 10 jours), en fonction de compétences définies par les enseignants du supérieur, qui ne sont pas les nôtres, que nous ne connaissons pas, que nous ne sommes pas capables d’évaluer. Alors bien sûr, quand il s’agit de formations universitaires générales, on peut avoir une idée de ce qui est demandé. Mais quand des élèves veulent faire un BTS de commerce ou de communication ou des DUT spécialisés, comment savoir ce que recoupent vraiment les attendus ? L’autre problème presque déontologique, est que qui suis-je, professeure de terminale, pour juger et préjuger des compétences et des capacités d’un élève de 17 ou 18 ans pour une formation supérieure dans laquelle je ne peux anticiper son avenir ? Qui suis-je pour dire « un tel ne peut pas faire cette formation » quand on sait que le passage du lycée à l’université est un bouleversement qui peut procurer bons nombres de changements chez des jeunes. Quitter sa famille, parfois sa ville et sa région, commencer une nouvelle vie, rencontrer de nouvelles personnes, tous ces facteurs font que l’étudiant de licence n’est plus du tout le jeune lycéen. En fait, dans ce nouveau système de ParcourSup, tout le travail d’orientation, confié auparavant à des professionnels et aussi aux enseignants du supérieur qui eux seuls connaissent vraiment leurs formations, est confié à ceux qui sont déjà bien chargés, les prof du secondaire !

Enfin, l’autre point sensible qui me chatouille quelque peu l’esprit, est que ce système fait de l’élève (qui n’est pas étudiant) un parfait agent du libéralisme. En effet, pour accompagner ses vœux, l’élève doit écrire une lettre de motivation où il devra mettre en lien ses compétences et les attendus de la formation. On parle bien ici de compétences, et les attendus des formations supérieures ressemblent beaucoup à des fiches métier de Pôle Emploi. Quand il s’inscrit sur ParcourSup, tout son parcours de lycéen apparaît, avec ses bulletins de première et de terminale. À la fin de la page apparaît une case où on demande d’inscrire tous les éléments extra-scolaires qui pourraient être mis en valeur ! Les pratiques artistiques, les engagements citoyens, tout ce que le jeune sait faire d’autre que ce qui est purement scolaire. Si l’idée peut paraître bonne, c’est surtout faire de ces adolescents des presque-déjà-employés, capables de répondre à une offre d’emploi, à créer un CV et à se « vendre » sur le marché des études ! On va pouvoir ainsi juger de leur « employabilité » et ainsi les intégrer tout en douceur à ce système de fou… j’en ai discuté un peu hier avec des élèves, qui se sont fait la même remarque. Pris dans l’engrenage certains ont pourtant décidé de ne pas remplir cette case facultative. Mais la plupart le feront et feront de leur mieux pour se démarquer dans leurs lettres de motivation. Ils ne veulent bien sûr pas hypothéquer leur « avenir » pour des questions éthiques. Je peux le comprendre. Je trouve tout de même dommage que notre jeunesse soit ainsi de plus en plus rapidement mise dans le grand bain de la compétition sociale et professionnelle. Ce passage de ParcourSup est déjà bien angoissant, ou du moins « on » a tout fait pour le rendre tel.

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8 commentaires sur “Premiers constats autour de ParcourSup, la nouvelle plateforme vers l’enseignement supérieur.

  1. Quelle horreur ! Si mes profs du lycée avaient dû estimer où je devais aller, je n’ose même pas imaginer où je serais à l’heure actuelle… Je n’ai pas réussi mes études, mais au moins, j’avais une petite chance. Là, ben c’est juste affreux… Quand t’es un élève moyen, il se passe quoi du coup ? (en plus de vous faire porter une immense responsabilité)

    Ce nouveau système m’inquiète beaucoup :/

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    1. c’est exactement cela : on met fin à toute possibilité d’évolution des personnes, on les cantonne dans ce qu’ils ou elles sont en terminale ! c’est du n’importe quoi. Pour un élève moyen, et bien on va gentiment lui dire qu’il ne peut pas faire la formation qu’il veut ! Après on ne sait pas pour l’instant comment va se faire la « sélection » dans le supérieur… en salle des profs cela ricane car on voit mal les profs d’université faire tout le boulot que nous faisons, c’est-à-dire analyser au cas par cas toutes les candidatures qu’ils vont recevoir !! Mais en fait, pour l’instant c’est le flou pour tout le monde sur le processus lui-même.

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      1. J’étais une élève moyenne, alors je me sens concernée même si c’est du passé pour moi…
        C’est vrai que c’est compliqué pour vous aussi :/

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  2. Bonjour.
    Je viens de lire votre texte sur les Plantagenêts datant de 2013. Je suis professeur d’anglais à la retraite et j’aime beaucoup l’histoire. J’ai adoré votre texte et la manière dont vous écrivez. J’ai lu les commentaires qui vous ont été infligés et je les trouve totalement injustes. Bien sûr, lorsqu’on étudie cette période, on risque de commettre des erreurs historiques. Mais la qualité stylistique et pédagogique de votre texte l’emportait largement sur les quelques erreurs historiques que les commentateurs vous faisaient remarquer.
    J’ai cherché à vous retrouver pour vous dire tout cela en voyant que ces remarques vous avaient découragée à continuer.
    J’avais commencé à lire cette histoire des Plantagenêts avec passion, persuadé qu’il y en avait pour deux cents à trois cents pages jusqu’à 1485. En tout cas je n’aurais pas lâché le texte avant d’y être parvenu. On ne trouve pas une telle qualité d’ouvrage historique dans le commerce.
    Vous avez arrêté votre texte à cause d’un regard inculte sur votre travail. C’est vraiment dommage.
    Si vous aviez le courage de reprendre votre ouvrage là où vous vous êtes arrêté et d’en écrire la suite, je serais très content de lire la suite.
    Cordialement.

    Aimé par 1 personne

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