On m’a offert ce superbe album il y a deux ans déjà… je l’ai posé devant ma bibliothèque dans mon bureau et j’attendais le bon moment pour le lire. Ce roman graphique, paru en 2006 et paré de nombreux prix, est plus qu’une BD. Il rassemble les 3 volumes qui raconte l’histoire du photographe Didier Lefèvre, parti en 1986 (cela fait longtemps) en Afghanistan pour faire un reportage près de MSF. Les 3 volumes racontent tout d’abord le voyage à pied à travers les montagnes entre le Pakistan et l’Afghanistan, puis une fois sur place les aléas de la mission MSF auprès des habitants et des combattants afghans ou moudjahidin qui résistaient à l’invasion soviétique de leur pays, enfin le voyage retour de Lefèvre qui décide de rentrer seul au Pakistan sans attendre ses compagnons.
Le livre est composé à la fois de dessins d’Emmanuel Guibert mis en couleur par Frédéric Lemercier et surtout des photos en noir et blanc tirés des 130 pellicules que Didier Lefèvre a prit durant les 3 mois de son périple. La force du livre est bien là, dans le télescopage et la complémentarité entre les dessins et les photos, qui parfois remplacent la BD et qui parfois viennent l’appuyer. Ce sont surtout des images des paysages effarants de l’Afghanistan et aussi des portraits des membres de l’expédition et des populations.
L’histoire de cette mission de MSF, en pleine guerre, est d’une rare humanité. Et le format ne fait qu’accentuer cette réalité. On pleure devant ces médecins et ces infirmières, qui n’ont pour la plupart aucune capacité d’alpinistes, marcher pendant de longues semaines et traverser plusieurs cols de haute altitude, pour aller soigner les blessures de guerre d’une population qui n’a rien demandé. Ils se rendent au nord de l’Afghanistan, dans la province de Badakshan, dans le Pamir, tenue déjà à l’époque par Massoud. Et là on comprend à quel point le dévouement, à cette époque, des Médecins Sans Frontière, est énorme et sans borne. Les conditions d’exercice sont spartiates, mais ils arrivent toujours à trouver une solution.
On est également touché par les souffrances de cette population si fascinante, qui souffre toujours, les dernières actualités nous le montrant encore. Ce sont des gens fiers, dignes et loyaux, mais qui peuvent aussi être de redoutables fauves quand ils sentent que la proie est faible.
Ce roman graphique m’a beaucoup beaucoup touché, tout simplement parce que j’ai vécu dans ces montagnes, du côté Pakistanais. L’expédition passe, à l’aller et au retour, par la vallée de Chitral, au nord du Pakistan, et par les vallées Kalash, petits paradis sur terre. J’ai vécu là bas de longs mois, je connais bien cette terre, sa féérie et sa rudesse. Je connais bien ces gens, pour qui l’accueil de l’étranger est une évidence même s’ils n’ont rien à manger ! Comme les membres de l’expédition, comme tous ceux qui ont eu la chance d’aller fouler ces terres lointaines, je n’ai que passion pour ce monde et qu’une hâte, c’est d’y retourner. Quand on a posé les pieds et les yeux sur ces terres, on est piégé à jamais.
Vallée Kalash au Nord du Pakistan
Vallée de Chitral au Nord du Pakistan
En faisant quelques recherches, j’ai vu que Didier Lefèvre avait été pris de ce même syndrome et qu’il avait publié un livre sur ses autres voyages en Afghanistan. J’ai vu aussi qu’il été mort en 2007 très prématurément.
Ca a l’air très beau, en effet ! On peut sentir ton émotion quand tu en parles, c’est très émouvant.
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