Depuis le 1er septembre 2018, je suis en disponibilité de l’éducation nationale. Cela veut dire concrètement que je n’ai plus aucune source de revenus, puisque étant fonctionnaire, et donc titulaire d’un poste à vie, je ne bénéficie d’aucune aide sociale. Je donne quelques heures de cours dans un CFA, mais ce n’est pas grand-chose et ne me permet absolument pas d’en vivre. Je suis également en train de créer une entreprise, sous l’aile protectrice de la coopérative Oz, une coopérative ligérienne de portage salarial, spécialisée dans les métiers artistiques et culturels. Je fais partie de l’incubateur de la coopérative, et n’en suis pour l’instant qu’au stade de projet : ce n’est pas cela qui pour l’instant pourra me faire vivre. Je suis donc techniquement au chômage et sans revenus… sensation étrange pour moi qui finalement même si je n’ai jamais quitté les bancs de l’école, n’ai jamais arrêté de travailler !
Mon choix de quitter l’éducation nationale (pour l’instant temporaire il est vrai, mais sans véritable filet de sauvetage, et à terme, je l’espère définitif) a été un choix totalement assumé et sans doute l’une de mes plus précieuses décisions. Je me sens véritablement libre et je vis la vie que je voulais vivre où je suis maîtresse de mon emploi du temps, de mon temps, de mon énergie, de ma volonté, de mon corps… Cela demande bien sûr quelques « sacrifices » qui, dans notre si belle et glorieuse société, sont liés à l’argent.
Je découvre donc, ces jours-ci, ce que cela veut dire de 1° travailler pour soi et 2° de travailler chez soi. Il est clair qu’il faut suivre un rythme de travail qui colle à ce que l’on connaît en entreprise, sans les temps de transport. Je suis donc à mon bureau à 9h et je travaille surtout le matin, car je suis plus productive le matin. Ce n’est pas facile au début, mais comme je tourne vite en rond sinon, je me trouve toujours quelque chose à faire. Ainsi, j’ai donc créé mon site internet que je vous ai présenté dans mon dernier billet, et cette semaine je travaille sur le flyer papier qui viendra compléter le site. Je suis également en train de constituer un fichier de potentiels contacts pour mes très prochains démarchages clients !
Travailler pour soi cela veut dire se donner ses propres objectifs et surtout savoir la quantité de travail que l’on peut fournir et le temps nécessaire pour le faire. C’est aussi une vraie autogestion, car il faut pouvoir se donner soi-même des limites et des règles, des contraintes qui définissent un résultat attendu, mais encore lointain.
Le plus difficile dans cet exercice périlleux et non sans risque personnel, c’est d’assumer son choix devant ses proches, son conjoint, sa famille. Pour cela, il vaut mieux être très très sûre de soi ! Être sûre de son projet, de son idée, ce qui est mon cas. Le plus difficile est d’expliquer, quand on vous demande « alors qu’est-ce que tu fais ? », de dire que l’on travaille pour créer une activité indépendante, que cela prend du temps et que le travail fourni n’est pas toujours visible. La remarque « qui tue » est celle qui vous rappelle que, quand vous travaillez chez vous et pour vous, en fait vous ne travaillez pas, puisque « vous ne gagnez pas (encore ?) d’argent ». Et non… c’est bien tout le défi de la création d’entreprise. Mais c’est aussi, je pense, la problématique qui est au cœur de la question du revenu universel. Ainsi, si je disposais d’un tel revenu, même minime, je peux vous assurer que mon état d’esprit serait plus serein et que j’aurais été plus libre et plus créative ! C’est aussi le fondement du changement de modèle de notre société : faut-il toujours courir après un emploi, c’est-à-dire une activité qui rapporte un salaire ? Le travail est-il l’exact synonyme d’un emploi ? Définitivement non pour moi. En ce moment je n’ai pas vraiment d’emploi (les quelques heures de cours en CFA n’en est pas un tant le nombre d’heures de travail est ridiculement bas), et pourtant j’ai un travail, et de ceux qui demandent un investissement important.
J’avais déjà parlé de ce thème ici et c’est réellement un sujet qui me passionne. Est-ce que cela veut dire que tous les emplois ne sont pas un travail, au sens noble du terme, au sens de l’activité humaine qui humanise, sociabilise ? Je ne le pense pas non plus, même si les interrogations actuelles autour des « bullshit jobs » montrent que de plus en plus on fait une différenciation entre ce qui nous permet de gagner notre vie et les autres activités qui nous demandent un travail, mais qui sont souvent considérées comme des loisirs. On en revient donc à l’idée de revenu universel, tel que le propose Benoît Hamon (pour ce qui concerne la politique française), c’est-à-dire un revenu de base qui permette aux citoyens de choisir ensuite ce qu’ils veulent faire de leurs 10 doigts et de leur cerveau et ainsi, sans aucun doute, lever des énergies plus utiles socialement que financièrement.
Bon, ce n’est pas tout ça, j’écris, mais je ne finis pas mon travail ! J’ai encore mon flyer à terminer, mais cela exige une concentration très forte pour trouver les mots justes et décrire mon activité. Écrire est une récréation… j’ai fait ma pause de l’après-midi !
Il existe aussi une version libérale (sans bureaucratie) et bien argumentée du revenu universel à laquelle je souscris sans réserve !
voir : https://www.youtube.com/watch?v=eY9HkpMs0V4
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C’est vrai que le travail est un sujet passionnant. Quand j’étais en stage, j’avais du mal à dire « je vais au travail », j’avais l’impression de mentir, car dans la société, c’est tellement lié à l’argent (et quand tu en as 500, même si tu finis vite par faire la même chose que les collègues voire +, tu te sens moins légitime).
Pourtant, je fais bien le distinguo (ayant choisi une voie pour des débouchés et non par passion, m’investissant par ailleurs dans des assos quand mon temps libre me le permet), mais la société nous bourre bien le crâne … Déjà le risque de vouloir travailler sa passion au détriment de trucs utiles capitalistes, c’est de finir hôtesse de caisse ou chômeuse : c’est bien ce qu’on dit aux jeunes. On les culpabilise d’avance de chercher à s’enrichir intellectuellement dans des domaines choisis si on ne peut pas se faire du pognon avec. Enrichir les banques plutôt que le cerveau.
Je me souviens encore de cette angoisse adolescente (il y a 10 ans pourtant) qui fait qu’on ne cherche finalement pas notre talent, comment l’exercer mais en quoi on est bon par rapport à 5/6 matières (qui ne reflètent même pas ce qui nous attend), et quel métier est le plus rémunérateur avec ça… déprimant. Sûrement pour ça que les L étaient la risée quand j’y repense… Rien que de repenser à cette période, j’en ai la boule au ventre. Mon petit frère y est bientôt, et on l’encourage à la créativité plutôt qu’à réfléchir sur ces prétendues débouchés (qui au bout de 5 ans d’études seront peut-être périmées, ou ne lui correspondraient tellement pas qu’il abandonnerait tout pour élever des chèvres), et je ferai pareil avec mon fils le moment venu.
C’est dommage que la reconnaissance d’un travail passe souvent par l’argent. J’ai connu pas mal de gens sans emploi bien loin des clichés (des artistes-artisans qui ont fini par monter leur petite affaire, des gens utiles dans les assos, des parents hyperinvestis, etc.). Changer le regard, ça serait bien, mais ça me semble utopique.
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