Pessimisme et péché originel

PESSIMISME, CRÉATION, PÉCHÉ ORIGINEL ET CHUTE Le pessimisme est une vision du monde, un « être-au-monde » qui considère ce monde sensible sans valeur parce que né autant du Bien que du Mal. Le mal n’est pas prééminent mais il existe, il est là, et l’humain, le fini doit vivre et s’adapter à ce fait. Le mal est une conséquence de l’état humain, un état de Chute ou de Péché. « En symbolisant dans Adam la nature et l’affirmation du vouloir-vivre, la doctrine chrétienne ne s’est point placée au point de vue du principe de raison, ni des individus, mais au point de vue de l’Idée d’humanité, considérée dans son unité ; la faute d’Adam, dont l’héritage pèse encore sur nous, représente l’unité dans laquelle nous communions avec l’Idée, unité qui se manifeste dans le temps par la suite des générations humaines et qui nous fait tous participer à la douleur et à la mort éternelle ; par contre, l’Eglise symbolise la grâce, la négation de la volonté, la délivrance dans l’Homme-Dieu. »1 Être pessimisme c’est savoir, c’est avoir intuitionné que le péché originel, c’est-à-dire le mal ou l’iniquité sont consubstantiels à l’Humanité, qu’ils sont l’Idée d’humanité. L’optimiste, comme le pessimiste, pensent qu’une rédemption, une délivrance sont possibles, mais le premier a oublié « naïvement » que sa cause est ce péché originel et que son but en est « l’anéantissement » ici et maintenant. Le pessimiste garde toujours dans son champ de vision l’état premier de l’homme, le fait indéniable de sa Chute, de sa corruption. De plus, il sait que bien que la délivrance soit possible et que le rédempteur, l’Homme-Dieu, soit venu, ce péché, cette chute sont permanents et éternels dans ce monde-ci. Car le mal, l’iniquité, la suite dans le temps des générations humaines sont tout ce qui fait le monde sensible et visible dans lequel l’homme ne peut que vivre. Quoiqu’il puisse arriver ou qui soit déjà arrivé, nous participons toujours à la douleur et à la mort, essences de notre finitude. Le pessimiste sait cela et l’accepte, tandis que l’optimiste l’oublie , ne conservant que la vision d’un paradis futur des sauvés et des justes. Le pessimisme d’Arthur Schopenhauer et d’Emil Cioran est indissolublement lié à leur culture judéo-chrétienne et à leurs lectures de la Bible. Pourtant, il n’est pas évident qu’ils proposent une lecture classique des problèmes bibliques fondamentaux tels que la création du monde, de l’homme et du mal. Ces thèmes sont très présents dans leurs œuvres, mais il faut se demander jusqu’à quel point ils adhèrent à la narration de la Genèse, et si, au contraire, ils n’utilisent pas ces fondations de toute les mentalités européennes que pour mieux les détourner et les ancrer dans leurs propres pensées foncièrement a-religieuses. En effet, tant au XIXe qu’au début du XXe siècles, il était encore difficile de s’affranchir du christianisme, considéré par beaucoup comme la vraie religion, même si sa critique par les philosophes sous-tendait un plus vaste courant de déchristianisation. De plus, sans entrer encore dans les détails, il faut rappeler que Schopenhauer considérait que seul le bouddhisme et l’hindouisme pouvaient présenter une image religieuse adéquate de sa philosophie, dont le centre était l’affirmation de la non-création du monde et de l’absence d’un créateur. Enfin, dans son ouvrage Sur la religion, dans la première partie, le dialogue entre Démophèle et Philalète2 , Schopenhauer définit très précisément la place et le rôle assignés à la religion et à la philosophie. La première « est le moyen de faire connaître et de rendre sensible la haute signification de la vie au sentiment grossier et à l’entendement indocile de la foule plongée au fond de sa vile besogne et de son travail matériel. »3 Au contraire, la philosophie ou métaphysique est réservée à l’élite de ceux qui peuvent penser et dont le rôle social est de vulgariser pour la foule les connaissances acquises par la raison dans ce domaine. La religion ne fait que présenter allégoriquement sensu allegorico, les concepts, les vérités que la métaphysique enseigne  sensu proprio mais que seuls quelques esprits émancipés peuvent atteindre. Les mythes des religions, comme le récit de la Genèse dans la Bible ou d’autres mythes polythéistes, sont des images frustres de vérités philosophiques ; et le texte cité ci-dessus est une tentative d’explication, à partir de la philosophie de l’auteur, du mythe de la Chute. Le langage imagé de la Bible s’adapte alors parfaitement au langage philosophique : Adam est alors le symbole, le mythe de ce que Schopenhauer nomme l’affirmation du vouloir-vivre, c’est-à-dire l’attitude courante, quotidienne de l’homme face à la vie, cette attitude naturelle d’être au monde, qui sans conscience « pessimiste », pousse aveuglément les hommes à faire des efforts (inutiles) pour combler leurs désirs qu’ils s’attribuent naïvement mais qui ne sont que la manifestation de la Volonté. L’homme primordial, naturel est l’adam, non pas le « bon sauvage », ni l’homme d’un âge d’or, mais plutôt tous les hommes tels qu’ils vivent aujourd’hui, hier et demain, ici et ailleurs ; l’homme universel, l’homme quotidien, pratique, pragmatique que finalement nous sommes tous à un moment, voir constamment pour certains. Cet homme naturel mais aussi éternel dans la génération continue des humains, est l’opposé du sage, du philosophe, de l’Homme-Dieu qui sait lui, par l’expérience et l’intuition, qu’il faut plutôt renoncer à ce genre de vie, qu’il faut nier le vouloir. Pour Schopenhauer, la « doctrine chrétienne » a symbolisé dans ce personnage d’Adam, une notion philosophique, celle « d’Idée de l’Humanité ». Par cette figure adamique mythologique donc narrative et facilement accessible à l’intelligence, le christianisme s’est échappé du poids du « principe de raison », c’est-à-dire du temps, de l’espace et de la causalité. L’histoire de la Genèse n’est pas l’Histoire de l’Humanité, c’est l’Idée d’Humanité. Adam n’est pas un être particulier, ni le premier homme, mais il est tous les hommes dans tous les temps et tous les lieux et par toutes les causes de la génération humaine. Cette idée peut paraître évidente aujourd’hui, mais elle l’était moins au début du XIXe siècle, où l’exégèse biblique était peu ouverte au profane. L’histoire d’Adam et de la création du monde ne sont pas les débuts de l’Histoire, mais un « Urgeschichte », une histoire primordiale qui n’est pas coordonable4 avec l’histoire du peuple Hébreux, car elle est universelle. C’est pour cela que l’auteur précise que l’histoire d’Adam n’est pas « placée au point de vue […] des individus ». Adam symbolise l’unité de l’Idée d’Humanité. Selon Schopenhauer, la Volonté seule est unité, mais dans son action, dans son vouloir, elle engendre le monde, les représentations qui sont multiples, mais qui restent des parties de l’unité du vouloir : « L’Etre en soi, dont le monde est le phénomène […] ne peut être divisé, morcelé […]»5 . L’homme, l’adam, est d’ailleurs le plus haut degré de cette objectivation de la volonté par et dans le monde sensible. Pour retrouver l’unité des objets du monde, il faut remonter, non à la volonté elle-même, difficilement accessible, mais aux Idées de ces objets, qui sont comme des « prototypes », des « formes éternelles des choses »6 . « Ces formes n’entrent pas dans l’espace et le temps, milieu propre de l’individu, elles sont fixes, non soumises au changement ; leur existence est toujours actuelle, elle ne deviennent pas » tel que Platon les définit. Or, pour connaître l’Idée de l’Humanité, il suffit de connaître l’Histoire d’Adam, qui n’est pas un simple phénomène, un individu, une simple forme de la volonté se voulant le premier homme. C’est pour cela que la « faute d’Adam » est un « héritage [qui] pèse encore sur nous », sa faute est la faute de tout homme en tant qu’humain fini. Pourtant il y a là, sous la plume de Schopenhauer comme une contradiction, ou du moins l’impossibilité de conserver jusqu’au bout sa réflexion, car si Adam n’est qu’une Idée de l’Humanité hors du principe de raison, comment sa faute pourrait, par effet de causalité, nous être imputée ? S’agit-il bien d’une héritage, donc d’une succession historique, ou devrions nous plutôt parler d’une extension partout et en tout temps passé et à venir de cette faute. De plus, Schopenhauer n’explique rien de cete faute. En fait, c’est d’avoir affirmé la volonté, le vouloir-vivre et donc d’avoir renoncé à la béatitude divine que procure le renoncement. Cette faute est la nôtre par le « suite des génération humaines » qui est également le signe flagrant de la dégradation au statut naturel de l’Homme. L’homme fautif est celui non pas qui jouit du plaisir charnel mais celui qui se reproduit, le désir et le plaisir n’étant qu’un aveuglement de la volonté lancé au phénomène pour atteindre son but, la perpétuation de l’espèce7 . La faute, le Chute ne sont pas l’acte sexuel mais la naissance et l’enfantement. « Le but dernier de toute intrigue d’amour, qu’elle se joue en brodequins ou en cothurnes, est, en réalité, supérieur à tous les autres buts de la vie humaine et mérite bien le sérieux profond avec lequel on le poursuit. Ce qui se décide là, c’est bel et bien la composition de la génération future. »8 « Dans cette opération il ne s’agit pas, comme partout ailleurs, du bon et du mal individuels, mais de l’existence et de la nature spéciale de la race humaine dans les siècles à venir, et par suite la volonté de l’individu s’y exerce à sa plus haute puissance, en tant que volonté de l’espèce. »9 La faute d’Adam, cet instinct sexuel affirmé, est l’affirmation de la volonté de vivre dont l’unique but, indifférent au phénomène, à l’individu lui-même, est de perpétuer l’espèce. L’individu n’a aucune importance dans ce jeu où seul compte l’Idée d’Humanité, l’espèce. L’amour n’est qu’une mascarade pour cacher le besoin le plus fondamental de la volonté, qui, sans phénomène, ne peut plus s’exprimer, s’objectiver dans l’individu. L’erreur, voire la faute grave pour l’individu, est de croire qu’il aurait une liberté réelle et qu’il ne serait pas enchaîné au reste de la race humaine par ce désir, cette volonté qu’il pense individuelle mais qui est la chose la plus universelle. Or, pour être un homme vrai, il faut se détacher de cette chaîne, et ne plus vouloir en commençant par ne plus vouloir procréer. Cette faute se manifeste par la suite des générations humaines à laquelle nous participons par notre naissance ; ainsi nous participons tous aussi « à la douleur et à la mort éternelle ». La faute n’est pas elle-même le malheur, mais ce sont ses conséquences qui sont douloureuses. La faute provoque la naissance qui déjà est souffrance par l’enfantement : « Il dit à la femme : “je ferais qu’enceinte tu sois dans de grandes souffrances, c’est péniblement que tu enfanteras des fils” »10 Ce thème de la naissance douloureuse a été reprise et amplifiée par Cioran dans De l’inconvénient d’être né. La naissance est qualifiée de catastrophe, de fléau, de vrai mal, source de toutes les infirmités, d’unique malchance, d’un scandale11 : « La véritable, l’unique malchance : celle de voir le jour. Elle remonte à l’agressivité, au principe d’expansion et de rage logé dans les origines, à l’élan vers le pire qui les secoua ».12 « Je ne me pardonne pas d’être né. C’est comme si, en m’insinuant dans ce monde, j’avais profané un mystère, trahi quelque engagement de taille, commis une faute d’une gravité sans nom […] ».13 Dans ces deux aphorismes, il est clair que la naissance est à la fois la faute principale de l’homme et que cette faute est celle des origines, vues comme une agressivité, un élan vers le pire qui secoue, c’est-à-dire une volonté (mauvaise ?) très forte et pressante. La faute de la naissance est une mise en mouvement, une mobilité, un principe d’expansion par essence funeste. Ce geste s’insinue dans le monde, il n’est pas franc ou clair, il se cache car il porte la faute en lui, cette erreur qu’est l’existence humaine. Il trahi le mystère de la divinité, de la béatitude de la non-naissance donc du repos, de la non-action. La naissance est une trahison du don généreux de Dieu à ses créatures : la béatitude du Jardin, l’innocence de l’ignorance. Adam avait été crée alors que ses descendants devront naître. Le souhait du pessimiste aurait été de ne pas être né, sans pour autant se suicider car c’est une autre illusion puisque c’est une affirmation de la vie donc de la naissance, dans un geste opposé mais toujours aliéné à la vie. Le pessimiste tentera alors de retrouver, par le renoncement, cette immobilité, ce repos primordial de l’avant de la naissance et de la mort, c’est-à-dire des origines et du commencement : « Au lieu de m’en tenir au fait de naître, comme le bon sens m’y invite, je me risque, je me traîne en arrière, je rétrograde de plus en plus vers je ne sais quel commencement, je passe d’origine en origine. Un jour peut-être, réussirais-je à atteindre l’origine même, pour m’y reposer, ou m’y effondrer. »14 « Il fut un temps où le temps n’était pas encore… Le refus de la naissance n’est rien d’autre que la nostalgie d’avant le temps. »15 L’attitude générale, celle de l’homme naturel serait de se contenter de naître et de vivre selon le bon sens humain, celui qui permet à la majorité de supporter la quotidienneté. Mais le pessimiste veut retrouver l’origine, le commencement, synonyme et illusion de repos car alors le temps n’existait pas encore et donc la douleur non plus. Car le repos est la vraie liberté : « J’aimerais être libre, éperdument libre. Libre comme un mort-né »16 « […] N’être pas né, rien que d’y songer, quel bonheur, quelle liberté, quel espace ! »17 C’est là exactement la philosophie bouddhiste et hindouiste que nous étudierons plus loin. La faute de la naissance c’est la mal du lien qu’elle engendre : « Si l’attachement est un mal, il faut en chercher la cause dans le scandale de la naissance, car naître c’est s’attacher. Le détachement devrait donc s’appliquer à faire disparaître les traces de ce scandale, le plus grave et le plus intolérable de tous. »18 Par sa naissance, le phénomène crée des rapports aux choses et des relations aux autres, ce qui est l’affirmation même de la volonté, car cet attachement au monde est fait de désirs, de manques qui plombent l’existence, qui l’aliènent. Les liens sont produits par le temps et l’espace dans lesquels l’homme naturel ou quotidien baigne. En définitive, l’homme naturel est pécheur ou fautif, non du fait de ses désirs qui sont l’essence de sa nature humaine finie, mais de sa propension à vouloir affirmer cette nature. Cette affirmation a des conséquence dans le monde sensible des phénomènes car elle engendre des liens, dont le premier et le plus scandaleux est la naissance, la génération humaine elle-même. C’est là que se trouve la mal de la condition de l’homme. Il ne reste à l’individu qu’un choix limité d’attitude face au monde, d’être au monde : soit en affirmant cet état de fait originel, soit en le niant en se détachant. Adam et le Christ sont alors, pour Schopenhauer, les symboles mythologiques de ces deux choix de vie, la faute de l’un étant compensée par la force de l’autre. « Le même saint Augustin, dans son ouvrage intitulé Opus imperfectum, enseigne que le péché originel est tout à la fois une faute et un châtiment. Selon lui, il existe déjà dans le nouveau-né, mais il ne se montre qu’à mesure que l’enfant grandit. Pourtant c’est à la volonté du pécheur qu’il faut faire remonter la source du péché. Ce pécheur était Adam ; mais nous avons tous existé en lui ; Adam est devenu misérable, et nous sommes devenus en lui tous misérables. En définitive, la doctrine du péché originel (affirmation de la volonté) et de la rédemption (négation de la volonté) est la vérité capitale qui forme, pour ainsi dire, le noyau du christianisme […] Que si le christianisme a oublié dans ces derniers temps sa première signification et a dégénéré en un plat optimisme, nous n’en avons nul souci. »19 Dans ce passage, Schopenhauer emploie clairement la terminologie du péché originel, qui n’existe pas dans la Bible, mais qui est une interprétation du texte de la Genèse par Paul et Augustin, à une époque post-hellénistique marquée par le stoïcisme. Pour le judaïsme vétéro-testamentaire ce péché n’est qu’une faute qui entraîne le châtiment de la séparation d’avec Dieu, la fin d’une proximité vécue dans l’Eden. Le châtiment prend la forme de l’expulsion du Jardin et de l’ajout, aux dons de Dieu par la création, d’infirmités liées à la faute et présentes déjà chez le nouveau-né. Le péché, la faute, c’est la volonté. Le mal n’est pas dans la volonté, qui est indifférente, sans valeur et aveugle ; le mal est dans la conséquence inévitable de l’affirmation-péché de la volonté. La volonté est la « source » du péché, elle n’est pas la faute. La question qui peut se poser est alors de savoir si cette faut était évitable ? L’Homme-Adam pouvait-il et peut-il ici et maintenant vivre sans affirmer le vouloir-vivre ? Cela semble paradoxal. N’est-il pas utopique et irresponsable de croire ou d’espérer un homme qui, dès sa naissance, serait capable de nier la volonté, de renoncer au monde ? Le Rédempteur propose, universellement comme Adam, une telle possibilité. Mais ce potentiel humain est-il actualisable et surtout accessible ? Le christianisme moderne que critique Schopenhauer est celui qui dégénère en « plat optimisme » en oubliant cet ici et maintenant pour n’envisager la rédemption-négation de la volonté que dans un futur eschatologique et universel. Adam et Christ sont bien des figures universelles mais leur symbolisme compréhensible par le plus grand nombre cache justement une vérité difficile à appliquer à toute l’Humanité. Seule une élite, de sages ou de philosophes, pourra comprendre et pratiquer cette délivrance qui demande la force (la volonté) d’un détachement du monde. Pour Schopenhauer, la doctrine chrétienne (primitive) qui s’accorde avec sa philosophie est celle qui énonce une polarité, un mouvement double de la naissance comme origine qui affirme la volonté à la délivrance comme mort au monde et négation du vouloir-vivre. La difficulté, pour ne pas dire l’ambiguïté de cette pensée est que celui qui veut se libérer pour atteindre la béatitude doit le faire inexorablement dans la cadre de sa vie naturelle, quotidienne, authentique, dans la douleur de la naissance-chute. On peut toujours renoncer au monde, mais on ne peut effacer la naissance, on ne peut se laver de la faute d’Adam. Que peut-on alors, dans ce cas, attendre réellement d’une pratique fondée sur ce constat pessimiste ? C’est d’ailleurs se que se demande constamment Cioran. « C’est l’idée même, qui sous forme mythique, se retrouve dans le dogme chrétien du péché d’Adam ; ce péché, évidemment, c’est d’avoir goûté le plaisir de la chair ; tous nous y participons, et par là nous sommes soumis à la douleur et à la mort. Ce dogme nous élève au-dessus de la sphère où tout s’éclaire par la raison suffisante, il nous met face à l’Idée de l’homme ; cette Idée, il nous apprend à en recomposer l’unité, après qu’elle s’est dispersée en d’innombrables individus, en les réunissant par le lien de la génération. Par suite, le christianisme voit en tout individu d’abord son identité avec Adam, avec le représentant de l’affirmation de la vie, d’où sa participation au péché (au péché originel) et par là à la douleur et à la mort ; puis aussi, et grâce à l’Idée dont il s’éclaire ici, l’identité de cet individu avec le Sauveur, le représentant de la négation de l’attachement à la vie, d’où se participation au sacrifice et au mérite du Sauveur, et sa délivrance des chaînes du péché et de al mort, c’est-à-dire du monde. »20 Le péché n’est pas l’acte (sexuel) en lui-même mais l’acte en tant que maillon de la chaîne du principe de raison, de la chaîne de la causalité, de l’espace et du temps. Le péché en lui-même n’est pas la chute, car cet abaissement n’est que la conséquence d’un acte ni bon ne mauvais en soi. Mais par cet acte, qui engendre les générations, nous participons à la mort et à la douleur. Ce n’est pas le péché qui est la douleur, c’est par ce péché, au travers de son action que nous sommes « soumis » au mal de la condition humaine dans ce monde. Le mal n’est pas inhérent au monde mais engendré d’une action humaine, d’un choix de la volonté. Pourtant ce mal n’aurait pu ne pas exister car il n’est qu’une conséquence de l’affirmation du vouloir, événement premier et logique de l’histoire humaine. L’homme, d’abord, par sa naissance, ne peut qu’affirmer sa volonté de vivre ; ce n’est qu’ensuite, par différents moyens, qu’il peut non seulement comprendre la réalité du monde et donc nier la volonté de vivre. Il existe donc une chronologie implacable de la chute à la délivrance, toute comme l’Ancien Testament de Moïse précède la Nouvelle Alliance du Christ, ou comme dans une vie d’homme, l’enfance insouciante et innocente n’est que le passé d’une vie adulte qui doit être tournée vers la sagesse. L’Idée d’homme c’est la volition pendulaire agissant entre affirmation et négation de son propre terme. Ce qui est péché, c’est finalement, d’accepter les conditions de la volonté, qui deviennent des contraintes, et de participer volontairement et presque naïvement au fil des générations. Ce fil est celui qui nous rattache à Adam et c’est aussi celui qui nous rattache à tous nos frères humains, unis dans la douleur. C’est le fil de l’unité de l’Idée d’homme : nous sommes tous semblables dans la souffrance et la mort, nos douleurs sont les mêmes en chaque homme, bien que les individus humains qui expriment cette unité soient dispersés. Chaque individu semble former une petite unité à lui tout seul, une parfaite représentation de la volonté en tant qu’Idée d’homme. Pourtant, c’est par la douleur et la mort que nous pouvons reformer la chaîne humaine, depuis Adam, par nos innombrables ancêtres. Ne pas poursuivre ce fil générationnel ce n’est pas, comme on pourrait le croire à première vue, stopper tragiquement l’élan d’humanisation, mais au contraire se donner la possibilité d’être pleinement humain, en niant douleur et mort. Adam est celui qui a accepté (dans quelles conditions ?) la génération et la mort : c’est là son péché dont on a fait un mal originel. Il donne son origine à l’homme, c’est-à-dire au mouvement constant entre affirmation et négation. Qu’y avait-il avant cela ? Un homme naturel ? Ce mouvement de balancier est figuré par les deux personnages mythologiques d’Adam et du Christ Sauveur. Ce qui compte le plus finalement, c’est la délivrance, non le péché, inévitable. Le Sauveur est l’exemple, celui qui sait comment nier la volonté et se délivrer de la mort en renonçant au monde. Adam accepte la mort, Christ sait s’en délivrer en mourant au monde. Dans la suite du texte page 415, Schopenhauer précise que c’est cette dimension sôtériologique qui manque justement aux Grecs. Le seul mythe qui l’évoque est celui de Korè-Proserpine, enlevée par Hadès à sa mère Déméter, déesse de la fertilité. Korès est emmenée aux Enfers, part du monde dévolu à Hadès « lorsque le partage se fit à trois »21 . Sa disparition provoque le chagrin de sa mère et la famine sur la terre. Pour apaiser la déesse, Zeus décide que la jeune fille pourra retourner auprès d’elle. Mais au moment de rejoindre la surface du monde, Hadès lui fait goûter une grenade « avec un pépin doux et sucré », ce qui l’attache à jamais, pour les six mois d’hiver, au monde infernal d’en-bas. Le plaisir du fruit, la jouissance charnelle, est ce qui condamne Korè à la vie sombre et fantomatique du royaume des morts. Mais personne ne vient alors pour délivrer définitivement la malheureuse qui partage dès lors à la fois le don maternel de la fertilité et la douleur de la mort avec son époux. Cette erreur, selon Schopenhauer, de l’affirmation de la vie est un « abandon » et un « consentement renouvelé » à la volonté. L’homme, comme la déesse ou comme Adam, plus par paresse, par facilité du désir, se laissent aller à la jouissance de la vie, aux plaisirs trompeurs de l’existence. Ce n’est pas tant un choix que l’acceptation d’une évidence, d’une voie toute tracée par la Volonté aveugle dans ses moyens mais presque logique dans ses desseins. Ce pacte est renouvelé, à chaque nouvelle action de l’individu dans le monde. Agir, c’est donc consentir, sans vraiment savoir, aux objectifs de la Volonté. Le Sauveur, tel que Christ ou encore Bouddha, est celui qui sait ce que veut la Volonté et qui sait comment se défaire d’elle. D’après cette analyse, on peut dire que Schopenhauer ne croit pas vraiment au libre-arbitre humain, du moins en ce qui concerne la capacité de l’homme à lutter contre le péché, contre le mal. Le salut ne vient pas d’un combat contre le péché, d’un choix visible de la vertu pour elle-même. Être sauvé ce n’est pas forcément être bon ; c’est ne plus vouloir, ne plus espérer, ne plus désirer ; alors seulement, par la voie du renoncement, l’homme-sage peut prétendre à la vertu et à la bonté. L’éthique n’est ni le but ni le moyen de la sagesse, c’est la conséquence d’une vie sage, donc bienheureuse par son opposition à la volonté, comme le péché était la conséquence d’un laisser aller aux vues de la volonté. Christ et Adam ne sont pas des êtres réels, leurs existences historiques a peu d’importance pour Schopenhauer car ce qui compte c’est l’identité de chacun d’entre nous avec ces deux figures qui sont comme deux moments d’une vie humaine vraie : « Tout Homme est donc, à ce titre et en puissance, aussi bien Adam que Jésus selon la manière sont il se conçoit lui-même et dont ensuite sa volonté le détermine. »22 Ils représentent, comme tout objet de ce monde, l’un la négation, l’autre l’affirmation de la volonté. Ils sont les deux pôles d’une même réalité humaine, d’un même potentiel contenu dans l’Idée d’Homme et qui peut s’exprimer par l’une ou par l’autre des deux déterminations possibles. L’unité humaine est celle qui fait le chemin complet, du péché au salut, d’Adam au Christ, de l’affirmation à la négation. Comme nous le verrons, il est impossible qu’un homme nie d’emblée la volonté sans passer auparavant par une vie plus classique où il affirmera sa vie comme tout à chacun dans sa quotidienneté. Adam et Christ sont donc des images de la religion qui est « le seul moyen de faire connaître et de rendre sensible la haute signification de la vie au sentiment grossier et à l’entendement indocile de la foule ployée au fond de sa vile besogne et de son travail matériel »23 . Seul celui qui sait se détacher de cet état matériel de la vie peut atteindre la Vérité métaphysique telle que l’enseigne la philosophie. Schopenhauer se sert de la Bible et du christianisme pour montrer au lecteur, peut-être incrédule, que sa théorie est la vérité puisqu’elle est le creuset caché de la religion « révélée ». Lui, le philosophe, sait comment se défaire de ce trop plein d’images à la limite de la supercherie pour présenter les concepts purs. Schopenhauer se sert du christianisme sans vraiment y adhérer, il accepte ces dogmes primitifs qui permettent d’étayer sa propre pensée, mais il critique sans état d’âme ce qui est devenu, depuis deux mille ans, la religion de l’Occident, ce « plat optimisme ». Ce qu’il retient du christianisme c’est qu’« il enseigna que le monde était fait de mal et que nous avions besoin de délivrance »24 . Mais il affirme également, comme nous le verrons plus loin, « que cette vision sérieuse et seule correcte de la vie était déjà, sous d’autres formes, répandue des millénaires auparavant, dans toute l’Asie, comme elle l’est encore aujourd’hui indépendamment du christianisme […] » 25 . Or, c’est là le cœur de notre étude, cette vision sérieuse est ce que nous appelons pessimisme. Pour Schopenhauer, le pessimisme de la situation humaine, engendrée par cette vision sérieuse et juste de la vie et du monde, est la conséquence directe du péché d’Adam qui seul est premier, et en aucune façon d’une quelconque création. Pour lui, et c’est ce qui le rapproche des philosophies orientales telles que l’hindouisme ou le bouddhisme, et l’éloigne d’autant plus du christianisme, le monde n’est pas crée, mais donné tel quel par la représentation du sujet connaissant. Il ne peut y avoir d’origine ou du commencement pour un monde qui n’existe que par et pour le sujet. Il n’a donc pas non plus de fin, seulement un terme par l’extinction dudit sujet. Pour Schopenhauer, le temps est infini car il n’existe pas en dehors du sujet. Il est donc stupide voir erroné de nommer un Créateur, de parler d’un Dieu ou d’un Démiurge. La question est d’ailleurs repoussée avec mépris : ce qui importe n’est pas le comment du monde mais le pourquoi. Le seul « objet » transcendant est la chose en soi, c’est-à-dire la Volonté qui en aucune manière n’est une cause première ou « un être primordial et absolu »26 : « Par conséquent, ceux qui prétendent connaître les raisons dernières, c’est-à-dire premières des choses, un être primordial et absolu, qui pourra s’appeler aussi d’un autre nom, ainsi que le processus, les raisons et les motifs, ou quelque autre chose par le moyen duquel le monde puisse émaner, jaillir de cet être, être produit par lui, amené par l’existence, puis “congédié et abandonné à lui-même”, ces gens-là sont des farceurs, des fanfarons, pour ne pas dire des charlatans » Ce passage est très clair : ni Dieu, ni Création du monde ; pas de nom pour la chose en soi, pas de personnification de cette force aveugle de la volonté, pas de jaillissement de l’être immanent de ce nom transcendant, rien à savoir sur le pourquoi du monde. C’est déjà en cela que la philosophie de Schopenhauer peut être qualifiée de pessimisme : le monde n’est pas quelque chose de crée. Le monde ne peut être définit que par ce qu’il n’est pas, que par une théologie négative qui s’averra être une expérience pleine de non sens. Prétendre connaître quelque chose du monde et même s’interroger sur ce monde sont des attitudes stupides voire piètrement orgueilleuses qui mènent sur une fausse voie, celle de la religion. La nature est connaissable, par l’expérience physique, qui nous donne « des séries causales sans fin ni commencement, des forces insondables, un espace infini, un temps qui n’a pas commencé, la divisibilité à l’infini de la matière […] »27 . Car en fait, la philosophie n’a pas à s’inquiéter de ces questions cosmogoniques. Elle doit faire avec le monde et l’univers tels qu’ils sont ; elle doit permettre au fini de l’humain de les saisir au plus près et de s’adapter à l’infini et à la cécité malheureuse de la volonté. D’ailleurs, cette volonté est posée comme allant de soi par l’auteur, pour qui elle est l’expérience fondatrice de sa philosophie. Le monde n’est pas crée parce que l’homme présent ne peut qu’expérimenter ce monde sans jamais réellement pouvoir regarder ses origines. L’individu n’est pas comme le télescope spatial Hubble, qui peut voir, dans l’espace et le temps, l’origines de l’univers physique et la matières fossile des débuts. Accepter la finitude humaine c’est avant tout accepter d’oublier le problème du commencement du monde et de l’Humanité. Adam est davantage l’Homme en soi que le premier homme sur terre, comme le Christ est plus le Rédempteur que le Fils de l’Homme. Cette caractéristique, teinte le pessimisme de Schopenhauer d’une touche originale puisque le mal et la douleur sont attachés au sujet pensant et non pas à un objet immanent. La mort est celle du sujet qui entraîne alors la fin du monde ; la douleur est celle de l’individu dans sa relation et son appréhension perverses et quotidiennes du monde extérieur. Schopenhauer refuse en bloc ce qu’il appelle le « théisme juif »28 avec son plat optimisme présent dans tout l’Ancien Testament et l’absurdité de la doctrine de la Création : « Mais semblables inconvenance et absurdité surgissent simplement du présupposé propre à l’Ancien Testament selon lequel l’homme serait l’œuvre d’une volonté étrangère qui le suscite du néant. »29 Il n’y a pas de Création ex-nihilo, pas d’Absolu, pas de cause première qui serait placée hors du champ du monde, hors du sujet. Le monde ne saurait être immanent d’une force extérieure, symbolisé dans la Bible par le Dieu créateur et bon. Telle est la profession de foi de Schopenhauer dans le paragraphe 178 de Sur la religion. Et il ajoute, page 122-123 dans le paragraphe sur le théisme : « Mais lorsque je cherche à me représenter que je me trouve devant un être individuel auquel je dirais : “Mon créateur ! Autrefois, je n’ai rien été : mais tu m’as créé, de telle sorte que je suis quelque chose, c’est-à-dire moi” – et encore ensuite : “Je te remercie pour ce bienfait “ – et même à la fin : “Si je n’ai été bon en rien, c’est ma  faute “ ; ainsi, je dois confesser qu’à la suite de mes études philosophiques et indiennes, ma tête est devenue incapable de supporter une telle pensée. » Schopenhauer refuse catégoriquement toute croyance en une création, en un créateur et en sa générosité débitrice, et cela du fait de ses réflexions philosophiques et de ses orientations orientales que nous développerons plus loin. Un tel dogme est et « reste une idolâtrie dès qu’on a sous les yeux un être personnel auquel on sacrifie, que l’on invoque, que l’on remercie »30 . Ce que refuse l’auteur, c’est la personnification des vérités métaphysiques en un ou des divinités auxquelles il faudrait rendre grâce pour un don qu’elles nous auraient faites, le don de la vie. Il refuse également tout idée de sacrifice, comme il est par exemple si présent dans l’hindouisme. Il faut être capable de regarder la vérité en face, sans y apporter des paraboles ou des symboles qui ne font qu’atténuer la puissance et la portée de l’Idée. Schopenhauer ne renie pas l’existence de savoirs transcendants et métaphysiques mais il ne supporte pas leur transformation religieuse. Cette contestation de toute création à deux motifs liés à l’intuition philosophique de l’auteur. Tout d’abord, si l’humanité a été créée ex nihilo par un démiurge extérieur, comme expliquer à la fois ce fameux péché originel, cette chute et également la souffrance du monde ? Car selon le dogme théiste, tous les hommes ont été crées mais seule une infirme minorité, les justes, sera sauvée par la prédestination. Ceci n’est pas tenable car « Il aurait dû à tout le moins prévoir le péché, celui qui n’avait pas commencé par créer les hommes mieux qu’ils ne sont, mais qui leur avait préparé ensuite un piège où il devait savoir qu’ils tomberaient : tout était son œuvre d’un seul tenant, et rien ne lui demeure caché. Il aurait par suite appelé à l’existence, à partir de néant, une espèce faible, soumise au péché, pour la livrer ensuite à une souffrance infinie. »31 La création ne peut donc pas être antérieure à la chute, à la faute qui seule est originelle. Il est absurde de créer pour ensuite damner éternellement. Cette création serait donc « ainsi considérée, comme déterminée précisément et créée expressément pour la souffrance et la damnation éternelle »32 , ce qui rationnellement, philosophiquement n’est pas logique. Comment serait-il possible qu’un « dieu aimé aurait crée le monde et qu’ainsi le diable devrait l’emporter. »33 . La souffrance est donc première, et non pas la conséquence d’une absurde création pleine de bonté. La souffrance est première car elle le fait même humain, elle est l’objet du sujet connaissant qui par ses représentations crée le seule monde possible. De plus, dans le dogme théiste, cet homme est crée pour ensuite pécher mais tout en étant, par prédestination sauvé finalement des flammes infernales. Comment est-il possible, se demande Schopenhauer, qu’un être crée ex nihilo par un dieu volontaire puisse être prédestiné, donc avant toute création, par la grâce ? Cette grâce ne peut être antérieure à l’existence, car alors comment continuer à soutenir l’idée de création ; cette grâce, nous le verrons, est une expérience de la vie finie humaine qui permet à l’individu de se délivrer. La Rédemption ne saurait exister avant la Chute, ce n’est plus logique. La création optimiste est donc inutile pour expliquer la vision juste de la vie qui est celle de la Chute puis de la Rédemption ou en termes à moindre connotation, de l’affirmation puis de la négation de la volonté. Cette place prépondérante donnée au péché originel est l’héritage de Saint Augustin que Schopenhauer cite beaucoup dans son œuvre : « L’augustinisme avec son dogme du péché originel et ce qui lui est associé, est, nous l’avons déjà dit, le christianisme véritable et correctement entendu. »34 Pour l’historien des religions, Augustin est, avec Paul, le fondateur du christianisme institutionnalisé par l’Eglise d’Occident. Voici comme l’auteur résume la théologie augustinienne : « Le point central et le cœur du christianisme est la doctrine de la Chute, du péché originel, de l’impiété de notre état naturel et de la corruption de l’homme naturel, associés à la médiation du Rédempteur et à la réconciliation par ce dernier, à laquelle on prend part grâce à la foi en lui. »35 Schopenhauer remplace l’homme crée par dieu par l’homme naturel et naturellement impie, mauvais, pécheur… C’est par cet homme naturel que commence le monde, car la création est un concept fondamentalement optimiste : il est mieux ou meilleur d’avoir été tiré du néant par la générosité d’un créateur simple et premier pour ensuite pouvoir ainsi participer à la puissance transcendante de ce dieu. Mais combien d’êtres humains sont réellement satisfaits de ce plus d’être, et combien participent réellement à la divinité ? Il existe une faille métaphysique entre la construction narrative du récit optimiste de la création et la réalité du monde sensible et quotidien pour la majorité de l’humanité. La constatation philosophique essentielle est pessimiste, c’est celle d’un monde  cruel et d’un homme naturel corrompu par son état naturel même. Et Schopenhauer de sympathiser avec délectation et ironie avec le « pauvre diable de rien, qui a tout le moins possède un droit sur son néant originel : cette dernière retraite, qui ne doit en aucun cas être très pénible […] »36 . L’Enfer est ici et non pas dans les flammes éternelles et c’est ici et maintenant qu’il faut se délivrer de ce monde infernal qui fait apparaître comme désirable et voluptueux le néant originel d’où nous aurions été, bien malheureusement tirés par une création ou une naissance infortunées. Chez Emil Cioran, les problématiques de la création et de la chute sont exposées différemment, ce qui peut avoir une incidence importante sur le pessimisme de chaque auteur. Cioran traite de ces deux thèmes fondateurs dans deux ouvrages majeurs, La Chute dans le Temps et Le Mauvais Démiurge37 Dans ce dernier texte, dès la première page, le ton est donné et l’illusion immédiatement renversée : « A l’exception de quelques cas aberrant, l’homme n’incline pas au bien […]» ; « Le bien est ce qui fut ou sera, c’est ce qui n’est jamais. »38 Cioran prend ici le contre-pied du christianisme en affirmant que l’homme n’est pas une créature bonne tout simplement car elle est « viciée à sa source », c’est-à-dire qu’elle est l’œuvre d’une « créateur, dieu inférieur et affairé » assimilé au Démiurge des gnostiques des premiers siècles de l’Eglise. Le monde sensible n’est pas bon, dès le départ, car le bien ne saurait être actuel ni actualisable, ce n’est qu’un « souvenir » d’avant l’âge d’or du monde ou un « pressentiment » d’un au-delà du monde. C’est un manque, comme le plaisir, que la conscience « ne […] saisit que lorsqu’il disparaît ». La nuance est toutefois intéressante : le monde n’est pas qualifié de mauvais, de négatif, il est dit ne pas contenir de bien, ne pas être fait que de bien. Comme souvent dans la philosophie pessimiste, on emploie une théologie négative pour définir le concept approché. Comme pour le monde, la figure humaine est formulée de la même façon : l’homme « se situe en dehors de l’ordre universel, il n’était prévue dans aucun plan divin. On ne voit pas quelle place il occupe parmi les êtres, ni même si c’en est un. Serait-il un fantôme ? » L’homme n’est pas une créature divine, pourtant ce n’est pas un non-être ; il tient donc une place intermédiaire mais fantomatique, tragique et ironique, entre l’être et le non-être. La créature seule capable dans ce monde de s’interroger sur elle-même et sur ce monde même, par cette capacité propre, est exclue de la plénitude de l’être et aussi du néant du non-être. La chute est d’ailleurs, pour Cioran, davantage le fait du monde en entier qu’uniquement la faute seule du genre humain. Cette chute est celle de l’impossibilité consubstantielle du bien dans ce monde-ci, « c’est le principe qui a avorté au départ : défaillance, faillite immémoriale […]» ; la faute est présente au moment même des origines, de la création ; création et chute ne font qu’une, la création est une chute, elle est une faute, une erreur de goût. « Aux commencements, dans cette promiscuité où s’opéra le glissement vers la vie, quelque chose d’innommable a dû se passer […] » : ce sont les commencements qui sont l’horreur et le mal, pas la vie elle-même qui n’est qu’un glissement fatal vers une des faces, la plus mauvaise certes, du chaos primordial. Ce quelque chose d’innommable c’est la création du monde que l’on ne peut rejouer, mais dont on peut sentir poindre les effets désastreux dans la qualité médiocre de nos conditions humaines. « Nous ne pouvons nous défendre de penser que la création, restée à l’état d’ébauche, ne pouvait être achevée ni ne méritait de l’être, et qu’elle est dans l’ensemble une faute, le forfait fameux, commis par l’homme, apparaissant ainsi comme une version mineure d’un forfait autrement grave. » La faute est bien primordiale, première, imputable à la création et donc au créateur, que l’homme, faible et fini imite « plus ou moins servilement ». Le péché originel (expression que n’emploie pas Cioran) est la conséquence logique et inévitable de la création viciée dès le départ. Comme chez Schopenhauer, mais à partir de constations légèrement différentes, la faute, le mal sont inévitables dans ce monde ; la responsabilité de l’homme est plus ou moins engagée mais au final, ce qui compte, est davantage la possibilité ou non d’un salut, d’une délivrance de ce péché. La création est donc le problème central que Cioran tente de résoudre en clamant qu’« il est impossible de croire que le dieu bon, le “Père”, ait trempé dans [ce] scandale […] ». Contrairement à Schopenhauer, Cioran ne remet pas en cause la validité historique de la création, mais il ne suit pas pour autant la norme chrétienne car « tout fait penser […] qu’elle relève d’un dieu sans scrupule, d’un dieu taré. » Il reprend donc à son compte (mais jusqu’à quel point) la dualité divine qui seule peut expliquer théologiquement la dualité du monde, l’opposition entre bien et mal. Le divin est double et polarisé, entre le Dieu de bonté, transcendant mais totalement séparé, et le Démiurge mauvais et créateur. En effet, comment encore tenir l’affirmation de la Genèse, à savoir que Dieu, dans sa bonté, aurait crée un monde mauvais pas essence ? Car « la bonté ne crée pas : elle manque d’imagination », or toute création suppose une imagination, un mouvement, donc autre chose que cette bonté inerte. Le monde ne peut exister uniquement selon un seul principe, quand le cosmos en entier ne parle que de dualité, d’oppositions. C’est vouloir tirer des conclusions hâtives d’une fausse hypothèse de départ que de dire que le monde doit être bon car Dieu le créateur est bon. Au contraire, et c’est là le cœur du pessimisme, la coïncidence des opposés, c’est-à-dire l’harmonie retrouvée des contraires comme le bien et le mal, est le secret de l’explication du monde. Mais bien sûr, cette vision est plus difficile à accepter. « C’est, à la rigueur, du mélange de la bonté et de la méchanceté que peut surgir un acte ou une œuvre » : toute action et donc tout monde n’est qu’un mélange, une coïncidence des principes opposés nés de l’Unité première. Tout mélange est par essence plus impur que l’un des deux extrêmes et la création est donc bien, dans cette optique pessimiste, un objet étrange et déroutant. Le Dieu créateur inférieur, pour créer ce monde-ci, dut être « en proie au mal qui est innovation et au bien qui est inertie. Cette lutte fut sans doute néfaste au mal, car il y dut subir la contamination du bien : ce qui explique pourquoi la création ne saurait être entièrement mauvaise. » Le Démiurge est un peu comme un mécanicien qui dut mettre les mains dans le cambouis, ou comme un chimiste qui par mélange savant transmute les éléments. Mais Cioran fait porter sa sympathie au mal, qui est le mouvement et tellement plus drôle que l’inertie et le repos stérile du bien : le bien est le virus qui empêche la création d’être parfaitement mauvaise. Au contraire, elle est ridiculement aussi bonne que mauvaise, sans jamais pouvoir tomber dans l’un des extrêmes, ce qui lui assurerait un semblant de justification. Il est plus difficile de vivre dans l’entre deux du mélange, dans le juste milieu du “ni…ni” que dans « l’apothéose » de l’extrême bonté ou méchanceté. Le pessimisme n’est donc pas la croyance en un monde et une humanité foncièrement mauvais ; c’est plutôt la connaissance juste de ce monde comme n’était ni bon ni mauvais et autant bon que mauvais, ce que les sceptiques antiques caractériseraient par le « ou mallon », autant ceci que cela. L’homme est de même, c’est ce qui fait de lui un fantôme, un être tout de gris. Il n’est pas une créature extrême et son existence ne saurait tendre vers le bien ou le mal absolus. Comme toutes les mythologies, celle de la création est la conséquence d’une lutte, d’un combat entre les deux principes, ce qui explique l’hétérogénéité du monde crée. Ces thèmes  sont repris par Cioran des légendes antiques et par exemple Mésopotamiennes. L’Epopée de la Création ou Enuma elish (de l’incipit : « Lorsque là-haut… » est un poème écrit en akkadien vers le XIIe siècle avant notre ère ; il comporte environ 11000 vers et il constitue une apologétique du dieu babylonien Marduk, tard venu dans le panthéon (c’est un dieu de la troisième génération), qui succède à Enlil et que les savants babyloniens tentèrent de faire accéder au rang de dieu des dieux39 . Ce texte raconte entre autre le combat divin, d’une rare violence, entre Marduk et Tiamat, la « Mer », la déesse-mère des dieux. Tiamat représente la totalité inerte de la matière immobile et primordiale qui a engendré les dieux. Elle est la figure du chaos car à la demande de son époux, Apsu, qui se plaint des nouveaux dieux trop remuants, qui l’empêchent de dormir, donc de rester inerte et immobile, elle décide d’anéantir la population divine40 . Mais alors apparaît le Démiurge, celui qui va, par la violence, organiser le chaos, donner l’ordre de l’univers : Marduk fils d’Ea. On peut déjà remarquer que la substance originelle, peu différenciée par les images frustres des dieux primitifs (la Mer, le Ciel…), où tout se mêle dans l’unité du début du monde, est avide de repos, de sommeil, de calme, de non-trouble. Au contraire, les dieux plus jeunes et plus identifiés, désirant arranger le monde, sont les symboles du bruit et du mouvement. Le premier monde divin est tranquillité, repos tandis que le monde créé est mouvement. Le combat entre Marduk et Tiamat est la naissance de la polarité et donc de la multiplicité : « Il la fendit en deux, comme un poisson à sécher, Et il en disposa une moitié, qu’il voûta en manière de Ciel… L’autre moitié, il l’étendit, pour en faire la Terre. Puis déployant son Filet, développé de toutes parts, Il en fit un Fourreau, pour enserrer Ciel et Terre… »41 Le monde ainsi constitué n’est plus calme mais séparé en deux avec un en-haut ou An et un en-bas ou Ki, tous deux pourtant participant à l’unité, par le Filet de Marduk et car ils sont fait de la chair de Tiamat, écartée en deux moitiés mais qui se rejoignent aux extrémités. Le démiurge est la garant, l’intermédiaire de cette unité par ce fourreau qui enserre la polarité. De la matière chaotique, par un acte violent de déchirement, il créé la dualité qu’il reconstitue de sa main en une unité englobante. La cosmogonie est un donc un acte d’un démiurge, ce qui pose le principe d’une causalité forte entre le créateur et son œuvre. La Création est une volonté puissamment exprimée et violemment imposée à un monde divin primitif presque stérile à force d’inertie et d’immobilisme. La violence du combat imprègne ensuite la Création ; elle n’est pas un enfantement mais un arrachement, une séparation qui devient une organisation, une mise en ordre du monde. Pourtant, dans ce récit, rien n’est issu du néant, concept ignoré des Mésopotamiens. Avant la Création, il n’y a pas rien, il y a quelque chose de négatif, le chaos, vaste ensemble compact où tout est emmêlé : le chaos c’est le « non-encore-être »42 . « Nulle demeure sainte, nul temple en sa localité sainte N’avait encore été érigé… Nul roseau n’était encore sorti du sol, Nul arbre n’était apparu, Nulle brique n’avait été posée Nul moule-à-brique n’avait été fabriqué, Nulle demeure n’avait été faite, Nulle ville construite. ». Le démiurge est donc celui qui le premier donne forme à la matière. Il est intéressant de remarquer la présence aussi chez Schopenhauer de l’idée de « combat » dans la nature pour permettre à la volonté aveugle de créer la multiplicité de la représentation du monde : « Ainsi, partant de la nature, nous voyons lutte, combat et alternative de victoire, et ainsi nous arrivons à comprendre plus clairement le divorce essentiel de la volonté avec elle-même […] On peut suivre cette lutte à travers toute la nature : que dis-je ? elle n’existe que par là : “Car si la haine n’était pas dans le monde, toutes choses n’en feraient qu’une comme dit Empédocle” [Aristote, Métaphysique, 2, 5] : cette lutte n’est elle-même que la manifestation de ce divorce de la nature avec elle-même. »43 . La volonté aveugle peut être rapprochée de cette idée en deux temps de chaos primitif et inerte, la nature, la substance qui par un acte violent, le divorce (l’acte compte ici plus que l’acteur) peut réellement exister par le monde visible duel. L’existence (de la nature) est l’acte de la volonté qui ne se produit que par la haine, la lutte, le divorce de la volonté avec elle-même. C’est ce que le mythe représente par le déchirement de la chair de Tiamat, comme « un poisson à sécher ». La seule différence est que pour Schopenhauer, cette existence en acte est une automutilation alors que dans le mythe sumérien, il y a l’intervention d’un dieu-démiurge. Cioran reprend ce dernier thème, mais dans le contexte intellectuel de la gnose chrétienne, pour en faire un des fondements de son pessimisme. La polarité, c’est-à-dire la division d’une force de la nature ou d’une forme en « deux activités […] différentes et opposées, et qui s’efforcent de se réunir […] est le type fondamental de presque tous les phénomènes de la nature. »44 : le monde et la nature son faits d’opposés qui se sont séparés et qui cherchent à s’unir de nouveau, à retrouver leur unité originelle (la coïncidence des opposées, coïncidencia oppositorum, définie au XVe siècle par Nicolas de Cues). Les mythes traduisent ce fait par l’épopée des dieux Marduk et Tiamat et le Filet de Marduk serait alors l’image de cette coïncidence. Le pessimisme d’une telle vision du monde est que la création de cette polarité, qui ne se contente pas d’être l’opposition bien/mal mais qui est présente partout dans la nature, empêche le monde et l’homme d’espérer et de tendre seulement vers le Souverain Bien, car ils sont à jamais entachés, leurs actions sont éternellement alourdies par le mal de la création-chute-mise en ordre. La connaissance de cette dualité est en outre, par le jeu de la théologie négative, la connaissance de la non-unité du monde et de l’homme, de la non-union avec le transcendant. Tant que le monde et l’homme sont et restent doubles, multiples, individualisés, séparés, brouillés en eux-mêmes avec eux-mêmes, ils ne pourront atteindre l’harmonie seule divine. Le mal n’est pas le néant, comme le bien n’est pas l’être, car néant et être sont la même chose au sein dun principe de l’Un qui préside seul et simplement. Bien et mal, la polarité de toutes choses, sont des concepts de ce monde-ci crée et donc inaptes à designer la réalité des choses en soi. Être pessimiste, c’est donc de savoir, d’avoir compris par l’expérience que le monde et l’homme sont autant bons que mauvais. D’où l’impossibilité, selon Cioran mais aussi Schopenhauer, de se raccrocher à toute religion et surtout au christianisme qui « toute sa carrière durant, [s’est évertué ] à imposer l’inévidence d’un créateur miséricordieux […] »45 . L’angoisse du pessimiste est celle de l’incertitude « de cet univers manqué » qui par contre coup devient l’agent « de nos carences », de notre finitude. Il est alors nécessaire de trouver dans le démiurge créateur mauvais le responsable de notre condition. « Le mauvais dieu est le dieu le plus utile qui fut jamais » car nous retrouvons en lui nos vices, nos défauts, nos misères, nos lacunes. Selon Cioran, l’idée d’un dieu créateur est ici une justification de nos existences humaines et un remède pour nos culpabilités, et comme l’évidence du mal ne saurait être écartée, la logique, celle des gnostiques et autres manichéens, veut que le divin soit lui-même mauvais. « Depuis qu’au commencement, ô Sage, tu façonnas pour nous par ta pensée, les vivants, les consciences, et les forces mentales, depuis que tu douas d’un corps l’âme de vie, depuis que tu créas les actes et les sentences pour que librement on prenne ses décisions, depuis lors, l’homme aux paroles fausses élève la voix autant que l’homme aux paroles justes, l’initié autant que le non-initié, chacun selon son cœur et sa pensée. […]»46 Il y a comme une exigence d’hygiène mentale, propre à Cioran, de chercher coûte que coûte à l’intérieur, comme à l’extérieur de soi, un fondement qui ne soit pas du sable. Mais, et c’est toute l’énergie de son œuvre et la force vitale de son pessimisme, une fois que l’on a regardé le monde en face et vu de façon juste toute son illusion, il est à jamais impossible de retrouver une certitude dans ce monde, tel qu’il était au temps de l’ignorance, de l’innocence. La création (ou le monde) est la chute elle-même et toute la philosophie de Cioran et de Schopenhauer, sera de tenter de construire un garde-fou improbable contre cette constatation lourde du pire. D’où vient « l’iniquité aussi générale » que seuls les imbéciles ne peuvent voir ? Elle n’est pas « le fait de l’homme seul » ; « elle doit remonter plus haut et se confondre avec quelque manigance ancienne, avec l’acte même de la création ». Ne serait-ce pas là une manière peut élégante de dédouaner l’homme de sa faute ? Au contraire, c’est encore et toujours une façon pour l’auteur de rappeler toute la petitesse de l’âme humaine car « rien ne nous flatte et ne nous soutient autant que de pouvoir placer la source de notre indignité le plus loin de nous possible ». Cioran n’adhère pas réellement à ces croyances en des dieux bon ou mauvais car elles ont, comme toujours en religion, trop tendance à renvoyer vers l’extérieur de l’humain une causalité que lui-même ne peut percevoir que comme interne à l’homme. Le désespoir du pessimiste est d’être capable d’affronter ce mal en et par l’homme tout en sachant ironiquement qu’aucun salut n’est envisageable : « le créateur est l’absolu de l’homme extérieur ; l’homme intérieur en revanche considère la création comme un détail gênant. » L’homme crée par le démiurge s’oppose à l’homme secret à l’intérieur duquel se trouve non pas dieu, qui n’est qu’un mot, mais le divin que l’on atteint par le renoncement à tout ce que le mauvais démiurge a crée, le monde et ce pénible ego.

 

NOTES

1. Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation, p. 507.

2.  SCHOPENHAUER, Sur la religion, Paris, G.F-Flammarion, 1996, paragraphe 174, pp. 51-101.

3.  Idem, p. 52.

4.  Paul Ricœur, « Penser la Création », in Penser la Bible, pp. 56-104.

5.  Schopenhauer, Le Monde…, p. 174.

6.  Idem, p. 174.

7.  Voir la Métaphysique de l’Amour.

8.  Schopenhauer, Le Monde… p. 1288.

9.  Idem. p. 1289.

10.  Genèse, 3, 16.

11.  Aphorismes, pp. 1271, 1272, 1276, 1283.

12.  Cioran, De l’inconvénient d’être né, in Œuvres, Quarto-Gallimard, 2001, p. 1276.

13.  idem, p. 1279.

14.  idem. p. 1282.

15.  idem. p. 1281.

16.  idem. p. 1275.

17.  idem. p. 1284.

18.  idem. P. 1283.

19.  Schopenhauer, Le Monde, p. 508.

20.  Schopenhauer, op. cit., p. 415.

21.  Hymne homérique à Déméter.

22.  Schopenhauer, Le Monde…, p. 1400.

23.  Schopenhauer, Sur la religion, p. 52.

24.  Idem, p. 52.

25.  Idem, p. 84.

26.  Schopenhauer, Le Monde…, p. 882.

27.  Idem. p. 872.

28.  Sur la religion, p. 108.

29.  Idem. p. 107

30.  Idem. p. 123.

31.  Idem. p. 107.

32.  Idem. p. 108.

33. Idem.

34.  Idem. p. 134.

35.  Idem. p. 135.

36.  Idem. p. 109.

37.  Œuvres, Quarto-Gallimard, pp. 1071-1158 et pp. 1169-1259.

38.  Toutes les citations seront tirées des pages 1169 à 1172.

39.  Bottéro, Jean, La plus vieille religion, En Mésopotamie. Folio-histoire, 1998, p. 182.

40.  Eliade, Mircéa, op. cit., p. 82-83.

41.  Bottéro, Jean, op. cit., p. 165, IV : 137, V : 62.

42.  Bottéro, Jean, op. cit., p. 183.

43.  Schopenhauer, Arthur, Le monde comme volonté et comme représentation, Paris, P.U.F., 1998, p. 195

44.  Schopenhauer, Arthur, op. cit., p. 191.

45.  Cioran, op. cit., p. 1170.

46.  Jean Varenne, Zoroastre, le Prophète de l’Iran, Paris, éd. Dervy, p. 190 “Paroles de Zoroastre”.

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