Que faire ? Encore ?

J’aime beaucoup cette question. Car elle pose la seule et vraie question qui nous intéresse aujourd’hui. Beaucoup pensent qu’ils font, alors qu’ils ne brassent que du vent. Qu’est-ce que cela veut dire « faire » ? Et pourquoi est-ce si important à notre époque. Déjà, parce qu’on a laissé depuis trop longtemps ce privilège à des professionnels, à ceux qui « avaient fait des études » ou bien qui avaient le courage, la force, la volonté pour se lancer dans la conquête du pouvoir. Mais faire, c’est aussi ce que l’on devrait être capable d’expérimenter à tous les instants de nos vies. Une vie humaine se construit, se fabrique, se transforme, s’améliore. Car dans le verbe faire il n’y a pas que le but, que l’objet ni son intention première, il y a surtout tout le chemin qui va de l’une à l’autre. Et ce chemin est vaste, étale comme un jour de calme. Une vie prend toute une vie à faire. On ajoute petit à petit des morceaux, des extensions, des surélévations, mais aussi des souterrains, des grottes secrètes. Et c’est un travail manuel, de longue haleine et de peine perdue. Bisogna Morire.

Alors, que faire ? Du moins, être capable de faire quelque chose. De ne pas être un spectateur attentiste, devant un écran, un critique de plus dans ce vaste univers médiatique, réseauté, relationnel, humain. Faire, c’est le contraire d’assister, verbe que j’emploie ici dans les deux sens, celui de regarder et celui d’être assisté. Faire, c’est se bouger le cul, c’est oser, prendre des risques, bouger, voyager. C’est un peu tout le contraire de ce qui se passe dans notre société, dans notre pays, dans notre monde.
Faire, c’est un peu ce que je suis en train d’être là ici et maintenant : j’écris ces lignes. Je fais quelque chose, qui déjà pour moi-même ajoute cette petite extension à ma petite vie.
Que faire ? Si déjà on a réussit à faire, à se lever de son canapé, à écouter, à respirer, à manger, à travailler, à construire son monde, alors on peut sans doute se poser la question du but. Que faire ? C’est toute la question DU politique… pas de LA politique. Ceux qui, autour de nous, font, sont dans ce geste oublié du politique : ils arrangent le monde, ils créent le monde, ils imaginent, ils fabriquent le vivre ensemble. On voit bien là la totale contradiction avec le faire de LA politique qui est, de nos jours, d’une totale impuissance, d’un vide complet, d’un néant qui se nourrit de mots et d’images. Faire, c’est alors avoir prise sur le monde, sur le présent et l’avenir. C’est là vraie puissance, le vrai pouvoir, et rien à voir avec la gloriole qu’on nous charrie par le câble et internet.

Rien ne sert de courir, il faut partir à point. Rien de sert de rêver devant son miroir de châteaux élyséens ou des splendeurs du fric. Faire est une chance à notre petite échelle. C’est bien là que le tragique de notre esclavage se fait sentir : on nous a fait croire que nous étions incapables, juste bon à voter quand il le faut, et surtout bons à acheter, à ripailler, à mourir, oui surtout, quand on a été bien pressurisé. Mais ce faire, celui qu’il faut retrouver, c’est celui qui est possible à notre échelle, dans notre monde, dans notre territoire, dans notre vie. Ici et maintenant, pas de paradis plus tard, pas de Loto de la vie, de gloire à rechercher. Rien que du concret, de la vie, de la réalité. C’est sur ces bases là que l’on peut agir. Nous ne pouvons rien pour le vaste monde. Sauver les pauvres, sauver les baleines, sauver la Terre, tout cela n’est envisageable que si l’on a réussit à se construire une vie, une vraie vie faite de rencontres, d’échanges et de partages, et pas cette vie de carton pâte que chacun d’entre nous entend vivre quand tout ira mieux, quand les enfants seront couchés ou quand la télé sera éteinte. Nos rêves nous appartiennent, mais nous ne sommes que des humains. Ne faudrait-il pas retrouver le chemin de notre liberté en taillant davantage la haie de notre jardin ?

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