N’espérez vous débarrasser des livres

ecoJe suis tombée par hasard sur ce livre. Je suis une fan absolue (!) d’Umberto Eco depuis que j’ai lu et relu le Pendule de Foucault. J’aime ses livres érudits et ironiques. J’apprécie également beaucoup Jean-Claude Carrière, que je continue a confondre avec Emmanuel Carrère ! Je ne sais jamais qui a écrit quoi. La Moustache ? L’adversaire ? La Controverse de Valladolid ? C’est cette dernière œuvre qui m’a ouvert le monde de Jean-Claude Carrière et que j’ai connu d’abord par le magnifique film de Jean-Daniel Verhaeghe avec Carmet en légat du Pape, Marielle en Las Casas défendant les Indiens d’Amérique et Trintignant en aristotélicien sûr de lui, Sépulvéda. Ce film, je l’ai beaucoup utilisé quand j’étais professeur d’histoire pour expliquer et illustrer non seulement la découverte du Nouveau Monde mais aussi les ravages de la colonisation et de l’esclavage. J’ai ainsi découvert cet artiste éclectique, touche-à-tout de génie, scénariste, écrivain, voyageur, érudit.

Ces deux auteurs sont pour moi des figures contemporaines de l’humaniste tel qu’il pouvait être défini au XVIe siècle. Des honnêtes hommes, pour qui la culture, la tolérance, sont les fondamentaux d’une éthique personnelle qui se vit au quotidien et surtout qui se partage par des écrits universels. Et c’est ce qui se retrouve dans ce livre d’entretien, entre eux deux, et mené par Jean-Philippe de Tonnac. Le fil rouge est le livre, sous toutes ses formes, qu’il soit numérique que papier. Mais il va de soi, que pour les deux protagonistes, le livre papier a bien plus d’avantages que le livre numérique ou que toute notre informatique. Le premier est qu’il se conserve longtemps, du moins pour les incunables dont les deux compères sont de farouches collectionneurs. Les incunables sont les livres imprimés au tout début de l’invention de l’imprimerie, à la fin du XVe siècle. Umberto Eco est connu pour sa fabuleuse collection de livres anciens liés à l’ésotérisme, à l’occultisme. Il fait un peu penser, dans ce rôle, au collectionneur fou du Club Dumas d’Arturo Perez-Reverte. Je ne savais pas que jean-Claude Carrière possédait lui aussi cette immense culture classique qui le pousse également à la collection et à la connaissance des livres.
Le second avantage du livre sur notre fatras de O et de 1 c’est qu’il est échangeable facilement, qu’il peut passer sans verrou, sans mots de passe entre les mains de lecteurs avides.

N’espérez pas vous débarrasser des livres se lit d’une traite, facilement, du moins pour ceux qui aiment ces questionnements. Il est le reflet exacte de là où se trouve notre société : à un point charnière. Nous sommes en train de changer de civilisation, les deux auteurs le sentent bien, mais ils ne peuvent se départir de leurs attachements aux signes de l’ancienne civilisation. Pourtant les livres ne sont pas morts et même quand on voit ces documents qui se déroulent sur nos écrans, on se dirait revenu au temps antique des Volumen, ces rouleaux de papyrus ou de parchemins qui ont brûlés par milliers dans l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie.

Pourtant la phrase qui pourrait servir de synopsis à ce livre, prononcée plusieurs fois par Eco et qui dit que l’invention du livre est comme l’invention de la roue, on ne peut rien inventer de plus parfait et c’est pour cela que ces inventions sont éternelles, dénonce une réalité, une vérité. Nous sommes toujours dans une société de l’écrit, et même de plus en plus. C’est surtout cela que défend le livre : le fait que l’écriture est au cœur de notre civilisation. Et c’est encore une vérité, sinon que faites vous là à me lire ?

Alors c’est sûr, il y a des transformations. La plus importante à mon sens est l’endurance. Ecrire un article, tenir un blog, faire des billets ce n’est rien comparé au développement ardu d’un ouvrage complet, d’un livre. C’est bien pour cela que je ne serai jamais un écrivain, comme pourtant je l’ai rêvé dans ma jeunesse. Il faut tenir la distance, c’est un marathon que d’écrire un livre. Nous autres, les internautes, qui pourtant produisons un peu d’écrit, nous sommes des adeptes du sprint, de la petit course rapide le long de la plage.

Il n’empêche, nous sommes encore et toujours plus liés à l’écrit, à la lecture, aux mots. Le monde qui est en train de s’écrire, même s’il laisse une large place parfois abêtissante il faut l’avouer, aux images, ce monde à travers la planète est un monde d’être alphabétisés. On ne se débarrassera sans doute pas de sitôt des livres, même si leurs formes évolue et leurs usages aussi.

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