Je suis en train de lire l’ouvrage (imposant) de Naomi Klein sur « La stratégie du Choc ». C’est un livre qui est pire qu’un thriller de Maxime Chattam ou de Sire Cédric ! J’ai parfois du mal à le lire, je le mets souvent de côté car ce qu’il décrit est digne des films d’horreur les plus réussit et pourtant il ne raconte que la triste histoire de notre monde contemporain, donné en pâture aux Chicago Boys et aux chantres du néolibéralisme.
La théorie de Klein est très simple : depuis une soixantaine d’année, le secteur économique néolibéral, emmené par la figure satanique (!) de Milton Friedman, grignote peu à peu les avancées sociales, en grande partie portées par l’Etat-Providence. Pour imposer ses vues, ses privatisations, ses dogmes du FMI, ce lobby puissant utilise les chocs, qu’ils soient politiques ou les catastrophes naturelles, pour profiter d’un état de traumatisme collectif. Ainsi, des populations choquées par un coup d’Etat, un changement de régime, un tsunami ou une tempête comme Katrina aux Etats Unis, sont plus à même d’accepter l’élimination systématique et programmée de leurs acquis sociaux au profit d’une petite poignée d’hommes politiques et de capitalistes.
Elle raconte alors l’histoire contemporaine pour proposer cet angle de vue aux grands événements contemporains, que cela soit la dictature de Pinochet au Chili, la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, la fin du Mur de Berlin en Pologne ou en Russie, le 11 septembre aux Etats-Unis.
Je ne voudrais pas faire ici le résumé de ce livre dense et complexe. Je voudrais juste faire part d’une intuition que j’ai par rapport à notre présent. Déjà, que ce que décrit Naomi Klein coïncide parfaitement avec ce qui vit la Grèce depuis quelques années. Mais plus encore, que nous-mêmes, en Europe et en France, nous sommes en train de vivre des chocs traumatisants : tout d’abord les attaques terroristes mais aussi la crise des migrants si mal gérée par l’Europe.
Je contaste que le gouvernement français, que jamais je ne qualifierai de « gauche » a bien appris sa leçon néolibérale et qu’il est bien en train de profiter du choc des attentats de 2015 pour nous faire avaler la couleuvre. Déjà l’état d’urgence prolongé, les mises en résidence surveillées injustifiées, les arrestations de manifestants un peu partout quand ils s’élevaient contre l’ « ordre » représenté par un premier ministre imbus de lui-même, sont des premières pierres à l’édifice.
Il me semble, bien que je n’y ai pas encore mis le nez dedans prise par la rédaction de mes dossiers universitaires, que la nouvelle loi sur le travail ressemble à s’y méprendre à ces tentatives de profiter d’un état passablement traumatique d’une population pour faire passer en force des lois scélérates qui détruiraient les acquis sociaux arrachés depuis plus de 100 ans par ceux qui sont devenus les esclaves du salariat.
La particularité de la stratégie du choc est qu’elle mêle avec malice le politique et l’économique : elle fait faire par le politique les sales besognes que l’économie voudrait voir mise en œuvre pour gagner une liberté destinée à une petite minorité. Le politique n’a plus de pouvoir, sauf celui de défaire ce qui a été construit depuis des décennies. L’Etat, par la volonté même de ceux qui le dirigent mais trop contrôlés par leurs intérêts personnels, est devenu une coquille vide qui se défait à petits pas de ses devoirs envers les citoyens au profit d’un secteur financier de plus en plus puissant.
En France, ce démantèlement est plus difficile qu’ailleurs, car la population française à une longue tradition de contestation. Mais on voit bien que le choc des attentats a bien, comme partout ailleurs, les mêmes conséquences de peur, de repli sur soi, d’attentisme. Je ne sais pas si ce gouvernement aurait eu l’audace de présenter ce projet de loi sans les événements sanglants qui ont frappé le pays ?
Si vous n’avez pas le temps de lire le livre de Naomi Klein, vous pouvez toujours visionner le film qui en a été tiré, c’est ICI.
Un commentaire sur “Le projet de loi sur le travail fait-il partie d’une stratégie du choc ?”