Charles Pépin est avant tout un professeur de philosophie, qui, dans ses livres à destination du grand public, fait à la fois œuvre professorale en présentant la pensée des auteurs du passé sur le thème qu’il a choisit, mais également tisse sa propre voix.
Après s’être penché sur « les vertus de l’échec » en 2017, il publie cette année un autre petit ouvrage, toujours aux éditions Allary : la Confiance en soi. Encore un sujet psychologique diriez vous. Et vous n’auriez pas tort ! En ce moment, la philosophie revient en force dans nos vies malmenées et elle « sert », comme autrefois la religion qui l’a supplantée malheureusement, à nous demander ce que peut être une « vie bonne ». Nous avons trop longtemps laissé ce domaine aux psychologues, aux coachs et autres consultants de tout poil, et cela fait du bien de se dire qu’ici, en Occident, nous sommes également les héritiers d’une tradition de pensée qui peut nous donner des éléments pour mener nos vies vers des ports plus cléments. La philosophie n’est pas qu’un discours théorique, c’est avant tout une pratique de vie. Il n’y a pas non plus qu’en Orient que la philosophie peut être un moyen de vivre bien et heureux. Nous retrouvons enfin les rivages plus sûrs de l’Antiquité, bien avant que les affres des monothéismes nous aient ravagé le cerveau.
C’est le sujet même du petit livre de Charles Pépin. Quand on lit le titre : « la confiance en soi, une philosophie », on se dit qu’il a dû se tromper, et que la question de la confiance en soi est un problème psy, de coach et qu’il faut juste avoir la volonté, être audacieux et hop, tout ira mieux. Mais justement, Charles Pépin refuse de laisser ces « choses-là » aux mains de ces charlatans et nous redonne, avec légèreté, mais non moins de profondeur métaphysique, les clés pour comprendre ce que nous faisons ici-bas.
De la philosophie et pas du buzz, s’il vous plaît !
Quand le livre est sorti au printemps dernier, j’ai écouté avec attention les quelques critiques radio que j’ai pu glaner, pour essayer de me faire un avis sur le livre, avant de lire moi-même. J’ai été déçue, car les « journalistes » ne se sont arrêtés qu’aux premiers chapitres du livre (à croire qu’ils ne lisent que ceux-là avant de recevoir leurs invités pour faire une interview express sans avoir l’air de ne rien y comprendre) et aux quelques exemples que l’auteur cite pour éclairer son sujet. La confiance en soi : et bien, prenez exemple sur Serena Williams ou sur George Sand. Et puis c’est tout. Mais en fait, le livre est bien plus que cela, bien plus que des exemples qui permettraient aux lecteurs de s’identifier et donc… d’échouer à avoir confiance en soi, puisque ces personnalités ne sont pas nous.
Charles Pépin parle davantage, dans son livre, d’auteurs comme Ralph Waldo Emerson, Nietzsche, Marc-Aurèle, Bergson ou Lacan, pour nous rappeler ce qui, dans leurs écrits, que nous ne sommes pas obligés de lire en entier à moins d’être professeur de philosophie (!), nous donne un éclairage nouveau, intéressant, inédit sur la question de la confiance en soi.
« Il est facile, étant dans le monde, de vivre selon l’opinion du monde ; il est facile, dans la solitude, de vivre selon la nôtre, mais il a de la grandeur dans celui qui au milieu de la foule garde avec une suavité parfaite l’indépendance de la solitude. » Emerson, La Confiance en soi, 1841.
De même, l’auteur nous rappelle ou nous apprend, ce que les stoïciens, les épicuriens, Spinoza ou Aristote ont dit et qui pourra nourrir notre propre réflexion sur le sujet. C’est un peu un petit manuel de compilation des idées philosophiques occidentales sur la confiance en soi.
La Confiance en Soi c’est confiance en la Vie
Mais ce livre n’est pas que cela. Ce n’est pas une suite de recettes qu’il suffirait d’appliquer pour, quand on est un peu timide ou pas bien dans sa peau, retrouver la vitalité qui court, visiblement, dans les veines des autres, nos concurrents. En fait, les chapitres plutôt courts, sont autant de rappels (de bon sens pourrait-on dire) de ce qui est nécessaire dans une vie bonne, c’est-à-dire dans une vie où on a trouvé sa place dans le monde. Ainsi, il faut faire confiance à son intuition, s’émerveiller du monde qui nous entoure, décider et non pas seulement choisir, agir, faire et fabriquer, admirer des êtres exceptionnels et pas seulement se comparer à ceux qui font le buzz. Cela peut paraître des banalités, mais comme souvent, cela va mieux quand on le dit.
« Trop souvent, les psychologies, enseignants ou coachs qui valorisent l’action comme moyen de développer la confiance en soi ne mettent pas assez l’accent sur cette définition de l’action comme rencontre du monde, des autres, du réel. L’action est présentée sous un jour trop volontariste : comme un simple moyen de prendre la mesure de ses capacités, de développer son savoir-faire. Elle est parfois réduite à un terrain d’entraînement pour la volonté. Mais agir, c’est plus que s’entraîner ; c’est rencontrer le monde. Rien ne nous dit que le monde ne sera pas avec nous plus tendre que prévu. Agir, c’est se donner une chance d’avoir de bonnes surprises : c’est se donner une chance d’expérimenter la tendresse du monde. »
Mais derrière ces « évidences » se cache la vraie thèse de l’auteur, pour le moins existentialiste. Avoir confiance en soi, c’est avant tout accepter l’incertitude du monde et c’est en cela que l’on est vraiment libre. De plus, avoir confiance en soi, ce n’est pas avoir confiance en un ego qui serait hyperpuissant et exempt de toutes failles. Bien au contraire, le soi dont il est question ici est bien plutôt un soi qui s’abandonne au mystère du monde. Avoir confiance en soi, c’est avoir confiance dans la vie, dans ces évidences que les choses ne se passeront de toute façon pas comme on le souhaite ou comme on l’a prévu ; qu’il existe une force bien plus puissante que notre petit ego qui fait que tout arrive pour le mieux et que nous devons juste apprendre à surfer sur ces vagues de l’océan du monde, qu’elles soient tempête ou calme olympien.
« Faire confiance à la vie, c’est miser sur l’avenir, croire en la puissance créatrice de l’action, chérir l’incertain au lieu d’en avoir peur… »
Pour tenter une définition philosophique d’une intuition métaphysique, l’auteur, dans son ultime chapitre, fait la liste des courants philosophiques qui ont partagé cette intuition et l’ont conceptualisée. Pour les stoïciens c’est faire confiance dans l’harmonie du Cosmos ; pour les épicuriens c’est faire confiance au hasard des atomes qui nous ont créés ; pour les chrétiens comme Christian Bobin c’est faire confiance au mystère ; pour Bergson c’est faire confiance à l’élan vital de la Vie à laquelle Nietzsche nous obligeait de dire Oui.
J’ai déjà confiance en moi
J’ai lu ce livre d’une traite, bien qu’il soit dans ma PAL depuis quelques semaines, mais comme toujours, les livres doivent être lus au bon moment et pas avant ou après. Il m’a touché parce que je l’ai acheté en me disant, je pense, comme beaucoup, que je n’avais pas confiance en moi, pour finalement sortir de cette lecture revigorée, car en fait, au contraire, j’ai déjà terriblement confiance en moi. Tout simplement parce que ce que défend Charles Pépin fait déjà partie de ma vie depuis longtemps et que je suis en train de vivre la plus belle expérience dangereuse et très incertaine de confiance dans le monde. J’ai décidé de quitter un monde professionnel qui ne me convenait plus et j’ai pris le risque de me retrouver sans ressource très vite. J’ai mis en mouvement, par des actions larges, plein de choses qui sont en train de m’apporter ce que j’attendais de cette décision : des rencontres humaines, des hasards heureux, une vraie connexion à mon désir profond d’indépendance et de liberté. Ce que préconise Charles Pépin je le mets en œuvre depuis longtemps déjà, car de toute façon j’ai les mêmes lectures et les mêmes admirations philosophiques que lui. J’ai déjà confiance en moi, car je sais, par expérience déjà vécue, que c’est en agissant, en bougeant, en mettant en mouvement que la vie vous donne exactement ce que vous souhaitez.
« Avoir confiance en soi, ce n’est pas être sûr de soi. C’est trouver le courage d’affronter l’incertain au lieu de le fuir. Trouver dans le doute, tout contre lui, la force de s’élancer. »
j’aime me promener sur votre blog. un bel univers agréable. Blog intéressant et bien construit. Vous pouvez visiter mon blog. à bientôt.
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Mais du coup, j’ai une question : ça ne sert à rien d’aller voir des psys ? La mienne est bien…
Sinon, super article, tu me donnes envie d’explorer ce sujet qui est justement mon principal problème…
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Tu peux faire comme moi : utiliser les deux méthodes pour mieux te connaître !
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C’est vrai…
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