Méditation(s)

Non, la pleine conscience n’est pas de la méditation !
Non, il n’existe pas de méditation laïque !

Avant de commencer, je précise d’où je parle : je suis bouddhiste depuis 2003, j’ai fait de nombreux séjours dans l’Himalaya bouddhiste et je pratique le bouddhisme en suivant la voie ancestrale des Kagyupa.

La méditation est un exercice spirituel, que l’on retrouve dans plusieurs traditions religieuses. Méditer, c’est prendre un sujet, un thème, et l’approfondir, y penser, l’observer sous toutes les coutures, pour le faire sien. Dans la philosophie classique et ensuite le christianisme, on parle également de contemplation. La vie contemplative ou vita contemplativa d’Aristote est la vie du sage qui observe et vit le monde dans sa plus grande intériorité. Au Moyen Âge, les moines et les moniales étaient les représentants de cette vie contemplative, où la prière n’était qu’un élément du quotidien. On sait que la règle de Saint Benoît prévoyait de nombreuses heures de travail, autre forme de contempler le monde en agissant, en faisant.
Ainsi, la méditation est une activité. Ce n’est absolument pas se laisser aller, se détendre, lâcher prise.

La pleine conscience est un objet marketing

Ce que le marketing furieux de notre société en mal de repère appelle la « pleine conscience », on l’appelle le calme mental dans le bouddhisme tibétain. C’est le fait de calmer son esprit pour ensuite méditer. Ce sont les 10-15 premières minutes de la séance, et on peut y revenir au cours d’une séance de méditation de plusieurs dizaines de minutes, pour garder la concentration nécessaire à la méditation. On respire, on pose son attention sur la respiration ou sur une partie de son corps, et on essaye d’atteindre un degré plus important de concentration, où l’esprit est moins agité, où il va s’ouvrir à la méditation en elle-même.

Méditer pour comprendre le fonctionnement de son mental

Méditer c’est s’entraîner. C’est la traduction du terme sanscrit de « bhavana », c’est un effort, un exercice donc. En aucun cas la méditation n’est une absence de pensée ou un laisser-aller. Au contraire, on doit être toujours très attentif, non seulement à son corps qui doit maintenir la posture pour être le plus libre dans sa respiration, mais aussi attentif à l’esprit. Le but de la méditation n’est pas du tout un bien-être ! Le but de la méditation est de comprendre comment fonctionne son esprit. C’est un travail d’analyse, qui n’intervient qu’après avoir atteint un degré de calme mental. Il est vrai que l’on laisse les pensées aller, vagabonder, mais l’entraînement consiste à ne pas les suivre et à les observer s’évanouir. C’est dans cet exercice précis que l’on comprend, parfois lors d’une sorte de flash, que l’esprit n’est qu’agitation. Voilà pourquoi le bouddhisme appelle notre mental, l’esprit-singe, celui de l’ego qui prend tout pour lui, qui s’approprie les pensées, les objets, les sentiments. La pleine conscience ne travaille jamais sur cet ego, et même contribue à le renforcer. La méditation vise à comprendre comment il fonctionne, pour l’empêcher de saisir. Car le fameux lâcher-prise, dont on nous rebat les oreilles, est si mal compris que personne ne vous explique, dans ces séances très à la mode de « méditation », que pour lâcher prise il faut avant tout ne pas avoir saisi !! Le jeu est d’atteindre cette conscience qui, en un quart de seconde, ne saisira pas la pensée, l’émotion, alors qu’auparavant on la faisait nôtre, et que souvent on ne la lâchait pas et même on se faisait de superbes films tout autour.

Lors d’une pratique méditative, il se passe beaucoup de choses. Quand on suit les enseignements d’un maître, il vous concocte un programme de ce que vous devez faire durant vos méditations assises ou marchées. Dans le bouddhiste tibétain tantrique, il y a une place centrale laissée aux visualisations. On se sert de l’imagination pour travailler sur son esprit ; on couple souvent cela avec le souffle. Et la méditation n’est qu’une l’une des activités du pratiquant. Elle fait partie d’un ensemble plus complexe, fait de rituels, de gestes, de postures du corps où l’entraînement de l’esprit est toujours le cœur de l’expérience. Il est donc totalement vain et inutile de vouloir séparer la méditation de tous ces exercices et d’en fait la seule voie du cheminement spirituel.

Méditer pour atteindre l’Éveil et pas juste « être bien »

Enfin, la méditation bouddhiste est une première et toute petite étape dans un cheminement plus vaste. Être assis sur un coussin en tenant une posture corporelle droite est essentiel, mais ce n’est pas suffisant. Méditer c’est voir comment se comporte notre esprit, mais le vrai exercice commence quand la méditation s’arrête et que l’on quitte le coussin ! C’est là alors, dans la vie de tous les jours, dans nos actions les plus banales, dans nos rencontres avec les autres, que se joue véritablement le travail sur soi. Parce qu’être bien sûr un coussin de méditation pendant 10 minutes tous les matins c’est chouette… mais ce n’est pas transformer sa vie et être soi. Pour cela, il faut pratiquer la méditation tout le temps, assis, debout, couché, au travail, avec sa famille, seul avoir soi, l’été, l’hiver, jeune ou vieux. La méditation assise nous permet de voir un fonctionnement, mais pour le transformer il faut le mettre à l’épreuve du quotidien et garder tout le temps en tête cette conscience ouverte que l’on a pu, parfois, expérimenter sur le coussin.

Je ne conteste pas les bienfaits de la pleine conscience, mais s’il vous plaît, ne dites pas que vous méditez ! Ces petits exercices n’ont pour but qu’un bien-être fugace et très superficiel. La méditation vise l’Éveil, sans doute pas dans cette vie d’ailleurs… La méditation a pour objectif la compréhension fine de son mental et du rôle de l’esprit-singe qui est la seule et unique source de nos souffrances.

Pour faire court : la méditation est un exercice spirituel, et pour enfoncer encore plus le coin, c’est un exercice qui entre dans une démarche religieuse, c’est-à-dire qui vise à un dépassement du Moi. Cette tendance à vouloir expurger la méditation de cet aspect est maladroite et encore une fois le signe d’une société très malade et cynique. D’autant plus que les applications, les cours, les livres sur la méditation sont des objets payants ! Quand vous suivez les enseignements d’un maître spirituel, vous ne payez rien. Vous payez de votre personne, vous faites une transaction avec vous-mêmes et vous êtes de toute façon gagnant !

Si vous voulez en savoir plus, voici un conférence de Dominique Trotignon, enseignant et bouddhiste de la tradition théravada, que j’ai eu la chance de suivre à l’Institut Bouddhique Européen de Paris.

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2 commentaires sur “Méditation(s)

  1. Je pense que la méditation, dans la tête de ma psy, c’est un mélange de la méditation comme tu l’expliques et de celle de la fameuse pleine conscience. Moi, c’était pire, je n’avais rien compris, je pensais que c’était un peu comme la relaxation, donc quand j’ai commencé à faire de la méditation à l’aide d’une application (Petit Bambou), j’ai vite déchanté ! Du coup, j’ai laissé tomber la méditation car je passais mon temps à m’énerver, mais après avoir lu un livre, ça m’a remis les points sur les i. Je pense donc que je recommencerai un jour la méditation… quand il n’y aura plus de fond sonore comme mes parents et la télé !

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