De nombreuses vies

Hier soir tard (je suis toujours en vacances!) je regardais une émission très émouvante sur France 3 sur les parents « désenfantés », c’est-à-dire qui ont perdu un enfant. Je ne dirais rien sur le sujet lui-même, mais le procédé était, comme toujours de nos jours, dégoulinant de pathos auquel, bien sûr, j’ai adhéré (sinon ce ne serait plus du pathos!) Mais mon propos n’est pas là. En fait, à un moment, lors d’une interview d’une sœur ayant perdu son frère, j’ai eu comme un flash de vérité… si, si, ça m’arrive plus souvent qu’à mon tour. Et j’ai compris pourquoi les renaissances sont un fait indéniables. En effet, la douleur, physique ou morale, est la chose la mieux partagée par les humains : qui a jamais vécu un vraie douleur (je ne parle pas de l’énième râteau ou même du divorce… ça c’est juste un aléas de la vie quotidienne), un traumatisme, sent au fond de sa souffrance, dans un spasme de lucidité, que ce qu’il vit est le fondement même de toute humanité. Pourtant la douleur ne saurait se partager : elle fait de nous des humains mais nous ne pouvons la communiquer, la partager, la transmettre. Voilà pourquoi nous renaissons sans cesse : il nous faut des dizaines, des centaines de vies pour vivre toutes les gammes de souffrances qu’un être humain peut et doit ressentir pour com-prendre que la vie n’a aucun sens ! Je n’ai pas perdu d’enfant ou de frère, mais j’ai vécu dans cette vie-ci d’autres traumatismes que ces personnes, dans le reportage, n’avaient aucune idée. Nos souffrances sont différentes mais pourtant identiques dans la puissance d’irrationnel qu’elle produisent et dans les comportements que tous nous mettons en place. Un exemple : un des parents expliquait, ce moment fatal que je connais bien, du réveil, du quart de seconde où la conscience s’éveille au monde, quittant l’innocente béatitude du sommeil-mort, cet instant infernal où tout ce qui fait notre douleur arrive, comme un coup de massue, dans notre intellect : oui, c’est vrai, je suis entrain de vivre cela ! C’est un infime instant, mais que cet instant contient d’horreur. Tous les humains de cette terre ne le connaissent pas, même si je suppute que nous sommes nombreux finalement à le vivre ou s’en souvenir. Nous ne serions ici que pour souffrir, apprendre ce qu’est la souffrance dans toute sa splendeur ? Ou bien à apprendre, par ces épreuves, à chercher, comme un enterré vivant, la sortie… mais pour cela il faut accumuler les vies-expériences pour êtres certains de vouloir sortir.

 

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Fleurs d’automne (septembre 2008)

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