Pourquoi le bouddhisme est une religion

En 2008 j’écrivais cela : Pourquoi le bouddhisme n’est pas une religion.

Aujourd’hui, cinq ans plus tard (!!! ohlala… mais je gloserai plus tard sur la permanence des écrits d’un blog), j’écris cela :

Pourquoi le bouddhisme est une religion ?

Parce qu’il faut faire acte de foi.

Le bouddhisme est une religion non pas tant en raison de ses rituels, de ses dogmes ou de ses divinités (même s’il n’y a pas de dieu créateur). Mais parce qu’il faut faire confiance, du moins à l’origine de la voie, aux textes et à l’exemple donné par le Bouddha et les Bodhisattva. Par contre, contrairement à d’autres religions, et en particulier aux religions monothéistes, cet acte de foi n’est qu’un prologue, un préambule d’entrée dans le Dharma, dans la voie. La foi ne suffit pas, elle n’est qu’une pierre, sans doute l’une des premières, mais elle ne constitue pas toute l’armature de la spiritualité, comme elle peut l’être par exemple dans le christianisme.

Dans un monothéisme, la foi est centrale, puisqu’il faut croire et adorer un Être au-delà de l’Humain. Un absolu qui n’existe pas ici bas pour nous et avec nous. Comment, dès lors, continuer à vivre sa religion si la confiance, la foi (fides) ne fait pas partie intégrante de sa quête. L’Absolu n’est pas de notre ressort. Le Dieu unique ne peut être atteint ni par l’esprit ni par le corps, à moins d’être en extase, de partir sur la voie si unique de la mystique. Dans le bouddhisme il n’y a pas d’absolu, surtout pas. Il n’y qu’une réalité relative et une réalité ultime, deux faces d’une même vérité. Cette vérité est nôtre, puisque nous sommes tous des Bouddha en puissance. La Bodhi (l’Éveil) est au fond de nous, non pas dans notre ego, notre moi, mais dans notre capacité à nous défaire de nos illusions. Ceci dépend de nous… c’est de notre ressort comme dirait Épictète, c’est notre affaire, notre responsabilité. La grâce ne vient pas de Dieu, c’est nous-même qui fabriquons l’Éveil.

De ce fait, la foi existe, car comment entrer dans le courant sans mettre le radeau à l’eau et sans faire confiance au radeau (métaphore du Dharma). Je pourrais rester sur la rive, et regarder indéfiniment l’eau du fleuve s’écouler vers l’océan. Mais si je décide de traverser le courant, alors il faut me lancer, me jeter à l’eau, commencer à mettre mon pied sur l’embarcation. J’ai foi dans ce que d’autres me disent. Je crois que ce qu’à vécu le Bouddha et d’autres avant lui et après lui, est une réalité non pas d’un autre monde, d’un arrière-monde, mais de ce monde-ci. Peut-être puis-je l’entre-voir dans les sourires des éveillés que je peux encore rencontrer sur cette Terre. Car la différence avec les religions monothéistes qui se calfeutrent dans leurs savoirs asséchés et passés, c’est que le bouddhisme est une spiritualité vivante, qui se vit aujourd’hui et dans le cœur et le corps d’êtres humains contemporains. Nul besoin de se référer à des saints morts depuis des millénaires. Il suffit d’aller se balader sur les montagnes de l’Himalaya pour rencontrer des êtres, pas forcément de grands sages cachés au fond d’une grotte de méditation, pour se rendre compte qu’il existe bel et bien un moyen d’échapper au cycle infernal de la souffrance. La foi du départ est un levier mais qui suppose, pour le bouddhiste, une mise en acte immédiate de ce qu’il croit, et apprend dans l’enseignement des maîtres du passé comme du présent. Il ne suffit pas de savoir, encore faut-il agir selon ce savoir. La foi qui se pose comme finalité n’est pas de mise ici. On ne s’enorgueillit pas de sa dévotion, puisqu’il n’y a rien qui vaille de s’enorgueillir.

Ensuite, d’ailleurs, viennent les expériences mêmes. Le Bouddha l’a bien précisé : ne rien croire ou penser du Dharma que l’on ai expressément expérimenté soi-même. En cela la méditation est action : c’est par elle que l’on peut, par petites touches et modestement, entrer dans le courant et peut-être voir la Claire Lumière de la pleine conscience. L’Éveil est la porté de tous, ce n’est pas un Paradis perdu ou inachevé. Il n’est pas réservé aux plus aptes, aux plus saints, aux plus nobles. Il suffit juste de poser son séant et de se tenir droit, de respirer et d’être attentif. Tout le monde peut faire cela, rien n’est impossible. Mais l’on croit, ici comme ailleurs, que ce chemin est réservé et balisé. Faut-il être moine ? Faut-il être asiatique ? Faut-il être riche, cultivé, souple… il faut juste essayer, persévérer et espérer. Le bouddhisme est bien une religion, mais c’est aussi une philosophie dans le sens antique du terme, car c’est avant tout un pari sur la vie.

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