Que faire ? Trouver une troisième voie ?

pmfr20141009quefairep1couvQue faire ?

Quand on lit l’entretien entre Badiou et Gauchet recueilli et mis en forme par le magasin Philosophie, on est d’abord étonné, en 2015 (!) de lire des mots comme communisme, Etats-nation ou révolutions. On a d’abord l’impression de s’être perdu dans un livre d’histoire, qui ressasse ce que l’on sait depuis longtemps : à savoir que le communisme mis en pratique (du moins les essais de cette mise en pratique) durant le XXe siècle, ont été des catastrophes humaines, culturelles, politiques, pour faire court, des catastrophes totalitaires. Alain Badiou semble s’accrocher à son Idée communiste comme à cette Religion du tout Autre que décrit très bien depuis plusieurs décennies déjà, Marcel Gauchet. En fait, je me suis demandé si ces idées, quelques peu anciennes déjà, allaient pouvoir décrire et surtout proposer une analyse pertinente de la situation déplorable que nous vivons actuellement. C’est bien plutôt par un jeu de miroirs, par négatifs, que ces deux illustres penseurs, un peu âgés il faut bien le dire, nous permettent de déciller notre vue floutée depuis longtemps par le manque total de sens critique de notre époque.

Les deux philosophes assurent qu’il faut en finir avec le capitalisme. Sur ce point, je pense être d’accord avec eux. Pour Badiou, la seule solution est le retour (c’est le retour de l’Empire qui Contre-Attaque) de l’Idée communiste. Là, pour ma part, je ne suis pas du tout d’accord. Pour les raisons historiques que tout le monde connaît, et que Badiou évacue bien naïvement, si ce n’est cyniquement. Par exemple en affirmant que la Révolution culturelle a été une tentative politique alternative maoïste mal comprise… sauf sans doute par les millions de morts qu’elle a provoqué. Je ne suis pas d’accord non plus avec ce retour de l’Idée communiste pour l’argument qui sous-tend toute la pensée de Gauchet : l’Idée (platonicienne par essence) n’est qu’une manifestation laïque, politique on dirait de nos jours, du transcendant, du tout Autre Absolu qui n’est pas ici et maintenant, mais ailleurs et jamais là pour les Hommes. Le communisme, comme le fascisme autrefois, comme le néo-libéralisme ou le capitalisme aujourd’hui, sont nos nouveaux mythes, nos cultes, nos Paradis non pas perdus mais pas encore obtenus. Travaille plus et tu gagneras plus… prie Dieu et tu iras au Paradis : pour moi, c’est exactement la même chose, de la bouillie pour les ignorants.
Marcel Gauchet quant à lui, propose de se défaire du capitalisme dévorant par un retour véritable au Politique. D’après lui, ce serait par la volonté politique, mis en place au cœur des démocraties parlementaires et sociaux-démocrates, que l’on va pouvoir réguler, faire marcher droit ce foutu marché qui n’en fait qu’à la tête des traders, des patrons et des hommes politiques actuels. Et là, également, je rejoins la critique de Badiou sur cette idée : elle est naïve, et pleine d’illusion. Non pas tant parce que le politique n’existe plus, mais surtout parce que les citoyens des grandes démocraties pensent ainsi. C’est le slogan des « tous pourris » qui, même s’il n’est pas forcément vrai (?), détruit toute action possible de la politique telle qu’elle est faite aujourd’hui. De plus, Gauchet, sans le dire expressément, attend surtout un Sauveur, un être ou une institution qui pourrait prendre ce pouvoir, et avoir cette Volonté. Je ne crois pas du tout que cela puisse encore exister, d’autant plus que je pense que ce sont les évènements qui font les Hommes et moins l’inverse. Son postulat repose bien trop sur cette volonté de réforme, cette puissance que certains pourraient enfin prendre à leur compte pour changer le monde. Ils sont où ces êtres providentiels ? En tout cas par dans les rangs des politiques européens ou américains, encore moins dans les classes des grandes écoles ou des universités.

Enfin, ce qui me gêne le plus dans le propos combiné de Badiou et Gauchet c’est leur attachement, renouvelé et répété à l’idée d’Etat-nation. Pour eux, face à la mondialisation qui est à la fois une chance mais aussi un défi, il ne faut compter que sur la force de l’Etat. Je ne suis plus certaine, pour ma part, que cette échelle politique soit encore nécessaire dans l’avenir. On voit bien que nos concitoyens, français comme européens, ont trouvé une parade au vaste inconnu du Monde globalisé : la communauté, le territoire, le groupe. On peut très bien déplorer ce fait, car il entraîne toute sorte d’écueils, dont le moins radical est un repli sur soi identitaire et le plus terrible une crispation agressive sur un Soi collectif qui n’existe pourtant pas. Mais la réalité est celle-ci. Le vaste processus de mondialisation, qui n’a jamais été pensé, réfléchi, suivit, qui n’est que subi par la grande majorité des êtres humains de cette planète, a engendré, comme un contre-poison immédiat, le retour à soi, au même, au local, au proche, au familial. Dans ce conflit d’échelles et de valeurs, je pense que l’Etat n’a plus sa place. On pourrait me dire qu’il faudrait, au contraire, tout faire pour le faire survivre, pour éviter justement le grand désarroi qui se profile. Il y a encore quelques années, c’est ce que je pensais, l’Etat comme seul remède, comme réconfort, comme régulateur. Certes, mais avec des hommes d’Etat à la hauteur et qui avaient en eux une vraie valeur du politique comme organisation de la vie ensemble. Mais aujourd’hui, l’homme politique est surtout le garant de la puissance économique du capitalisme. L’Etat devient à son tour un faire-valoir de économies qu’il faut faire : il n’y a plus d’argent alors il faut agir autrement. Mais tout ceci n’est pas réfléchi en termes politiques mais uniquement en termes comptables. L’Etat est devenu notre expert-comptable. Je n’ai pas du tout envie de vivre sous le regard frigide d’individus qui veulent mesurer ma vie en contenus économiques. Il faut donc se débarrasser de l’Etat, ou du moins réinventer un état qui nous permettent de vivre ensembles.

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