Un an de lectures

confiteor J’ai mis un an ! Un an à lire les 800 pages de Confiteor de Jaumé Cabré. Ce livre-monde, où les voix se mêlent, où les histoires s’entrechoquent, où les personnages se heurtent, est un chef-d’œuvre de la littérature. Un livre que l’on doit lire et relire, même s’il faut des années pour cela.
Pourquoi autant de temps ? Parce que j’aime savourer les bons livres. Parce qu’il faut du temps pour laisser infuser les mots, les pages, les lignes. Parce que la littérature doit parfois, quand elle est bonne, se savourer, comme la vie elle-même. Le risque bien sûr est de perdre le fil de la lecture, d’oublier ce qui s’est passé. Car c’est un livre que je ne lis pas tous les jours. Il y a des moments de fièvre, où je lis plusieurs chapitres à la suite. Puis de longues semaines où je suis prise par autre chose, d’autres soucis, d’autres lectures un peu moins importantes, mais qui me tiennent éloignées du livre.
Pourtant il reste toujours là, à porté de main. Je le déplace dans mes différents cocons de lectures : dans le salon, au pied de mon grand fauteuil. Dans ma chambre, au pied de mon lit. Dans mon petit coin sous le toit de la maison, sur le canapé que je partage avec mon chat. Il bouge, il va et vient dans la maison. Je sais qu’il est là. Toujours dans un petit coin de mon esprit. Parfois je culpabilise de ne pas l’ouvrir. Parfois j’en ai assez de ne pas le terminer, pour tourner enfin la dernière page, et passer à autre chose, à un autre livre.
Il y en a un autre d’ailleurs, de livre, que je savoure depuis encore plus longtemps : c’est le Livre de l’Intranquillité de Pessoa.  Mais celui là, c’est bien plus qu’un chef-d’œuvre. C’est une œuvre majeure, de celle qui change la vie. Mais oui. La littérature peut changer la vie. La mienne a été transformée, entre autre, par La Guerre et La Paix de Tolstoï. Pessoa prend quelque peu la poussière dans une étagère de ma bibliothèque. Mais sa couverture bleue, avec le visage de l’auteur (c’est l’édition Belfond), est toujours visible dans mon salon, quand je tourne et que je vire autour de la fenêtre ou de la chaîne stéréo en me demandant ce que je vais bien écouter aujourd’hui.

storioniConfiteor est surtout l’histoire d’un violon, un Storioni, appelé le Vial, dont le destin tragique est lié à celui de la Shoah. Confiteor est l’histoire de la vie d’un érudit, qui passe son temps dans les livres, avec les livres. Confiteor c’est surtout une magistrale innovation littéraire ou comment démultiplier les points de vue, les voix, les narrations tout en les entremêlant et en essayant de perdre le lecteur. Ce procédé, que je n’avais jamais lu autre part, peut, au début, rebuter le lecteur habitué à la linéarité des textes. Puis on se laisse entraîner par le tourbillon des voix, on est comme happé par le défilement des narrateurs, qui se chevauchent. On se retrouve dans la tête de l’écrivain, comme s’il avait réussi à nous transmettre la fièvre qui doit le saisir quand il créé, et que la technique classique de l’écriture oblige à ordonner, à mettre au pas.
C’est aussi pour cela que j’ai mis du temps à lire ce livre, car il fatigue. Il faut avoir l’esprit libre pour passer de façon impromptue d’une histoire à une autre, d’un personnage qui dit « je » à un autre qui dit « tu » tout cela dans la même phrase.

Je lis également, comme beaucoup de lecteurs passionnés, plusieurs livres en même temps. Souvent il s’agit de deux ou trois romans accompagnés d’un ou deux essais. Je vais et je viens entre les livres, selon le moment de la journée, le jour de la semaine, mon état d’humeur, le lieu où je me trouve dans la maison. Il y a des livres de nuit comme il y a des livres d’après midi. Mais mettre un an ou plus pour terminer un roman, c’est rare. Cela m’est déjà arrivé pour d’autres ouvrages « imposants » comme « Les Bienveillantes » de Littell ou « Même le silence à une fin » d’Ingrid Betancourt.

La morale de cette histoire c’est bien entendu qu’il faut lire, car ce sont les livres qui empêchent la barbarie d’entrer dans nos esprits.

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Un commentaire sur “Un an de lectures

  1. « démultiplier les points de vue, les voix, les narrations tout en les entremêlant »
    Il me semble que Lowry s’y était essayé dans Au-dessous du volcan, belle réussite littéraire à mon avis (prévoir au moins deux lectures d’affilée pour démêler l’essentiel).

    J’aime

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