La mort cela doit être comme un profond sommeil. J’aime dormir. Je vais donc aimer être morte.
Dormir, enfin. Ne pouvoir faire que cela. N’être rien d’autre qu’un profond sommeil, un néant sans rêve et sans réveil.
La mort c’est la non-existence. Mais qu’est-ce que c’est ? C’est le même néant qu’avant la naissance. La mort c’est le retour à ce rien, cette in-conscience d’avant la conscience.
La vie n’est qu’une petite émergence de conscience, qui apparaît comme les tiges des semis de printemps et qui disparaît un beau jour d’automne.
La vie est bordée par ce même néant qui menace tout l’univers. Elle s’est arrachée au vide, pour pousser, s’épanouir, mais sans jamais être autre chose qu’un éclair.
Est-ce qu’il existe une vie avant la naissance ? Cette question est tout aussi dénuée de sens qu’existe-t-il une vie après la mort ! La vie n’est que ce qui surgit entre deux obscurités.
Tous les soirs, après avoir posé ma tête sur l’oreiller de mon lit, je fais cette petite prière, celle de mourir cette nuit, doucement, dans mon sommeil. Vouloir le néant parce qu’il est épuisant de vouloir autre chose. Je pourrais ne plus rien vouloir, mais comment être sage à ce point ? Il faudrait renoncer, ce qui n’est pas facile dans cet espace-temps de furie, où la vie n’est qu’une fuite en avant, une échappée vers une mort justement, vers le rien qui n’est pas le néant.
Ainsi le monde pourrait poursuivre sa course. Je ne serai plus là pour voir et vivre les jours qui se succèdent.
Comment imaginer ces ténèbres ? Je suis aspirée par l’incompréhensible dès que mon esprit médiocrement humain tente de s’imaginer ce qui se trouve de l’autre côté du voile. Nous ne devrions pas même tenter l’expérience, car le gouffre qui s’ouvre alors n’est pas fait pour nos si petites capacités. C’est comme tenter d’imaginer ce qu’il y avait avant le début du Temps. Avant la naissance de l’Univers. C’est comme essayer de penser l’infini et l’éternité du monde.
Alors je cesse de réfléchir et j’essaye de vivre. La mort est une expérience. L’ultime. La peur qu’elle créée en nous est celle de cette première fois qui sera aussi la dernière. Elle est effrayante car on l’attend, qu’on l’espère ou la redoute suivant son caractère. Nos vies sont remplies de premières fois, mais nous ne savons pas lesquelles, et nous pouvons toujours imaginer notre premier baiser ou le premier saut en parachute. Celle-ci peut être celle qui emplie toute notre vie sans jamais savoir ni où ni quand, ni avec qui, ni comment. Juste une respiration qui s’interrompt, un cœur qui lâche. J’ai bien plus peur du mourir que de la mort elle-même. Je crains la noyade par dessus tout. Mais je ne voudrais pas non plus mourir sur le coup. C’est trop bête. Une vie qui est stoppée nette, dans on élan, sans que l’on puisse regretter, pleurer sur soi. Se voir partir, dire au revoir aux soleils et aux planètes. Sentir peut-être au fond de son corps la vie qui n’est plus aussi forte. Agoniser mais pas trop longtemps. Autant de souhaits d’un être bien vivant, pour qui la mort n’est rien, comme le dit Epicure, puisque justement il est vivant.
La mort est une expérience, pas si sûr, puisqu’on ne peut la « vivre ».
En effet à l’instant précis où l’on meurt, on cesse de penser.
En d’autres termes la mort n’est pas pensable même pour celui qui meurt, en ce sens qu’elle n’est pas « vivable » !
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La réalité n’a pas besoin de moi.
Je sens une joie énorme
A la pensée que ma mort n’a aucune importance.
Alberto Caeiro (alias F. Pessoa)
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