L’écologie peut-elle devenir une nouvelle utopie ?

Depuis très longtemps je suis persuadée que les idées créent le monde. Les idées deviennent des actes, les idées deviennent des murs, des bâtiments, des objets, les idées deviennent des institutions, les idées deviennent des coutumes. Bref, le monde que nous pensons réel autour de nous-mêmes n’est en fait qu’une illusion créée par les idées… notion très platonicienne je l’avoue !
Aujourd’hui, notre monde manque d’idées justement, et comme assoiffé par cette sécheresse, beaucoup d’entre nous, et surtout les plus jeunes, se jettent sur tout ce qui passe. Et malheureusement les idées qui passent en ce moment ne sont pas très belles, ni très joyeuses, ni très chatoyantes. Les pires d’entre elles sont celles qui poussent des jeunes filles et jeunes garçons à aller tuer et se tuer pour des croyances d’un autre âge sur les berges antiques des plaines du Moyen-Orient.
On peut être en colère contre cela, on peut détester ces gens, on peut les traiter de barbares ou de sauvages, il n’empêche que la réalité est bien là : des êtres humains se tuent et tuent en masse pour des idées.
Cette idée me fait toujours penser à la chanson de Brassens, avec laquelle je suis particulièrement d’accord :

Pour combattre, non pas ces humains, mais leurs idées nihilistes et délétères, il faudrait pouvoir opposer d’autres idées, qui créent la joie, l’amour, la motivation, l’action. Des idées qui créent un autre monde… nous en sommes là. Nous avons mis à bas les idéologies, mais finalement pas tant que cela, puisque la pire de toutes, la religieuse, maintient la tête au-dessus des flots. Nous avons cru que c’était la mort de Dieu, mais Nietzsche ne nous a pas dit de faire attention à ceux et celles qui prêchent le martyr. Et par lassitude ou par ignorance, nous avons créé un monde si pauvre en idées que ce qui le fait fonctionner aujourd’hui c’est l’argent, la consommation, le narcissisme et l’égoïsme. Comment faire le poids face même à des idées mortifères ? Mieux vaut mourir pour Dieu que pour un sac Chanel ? C’est de toute façon de l’illusion, mais l’un est tout de même plus esthétique que l’autre…

Que mettre en face alors ? Point de centres commerciaux, de « jobs à la con », de comptes en banque bien garnis, mais du rêve, de l’enchantement, de la Joie. Certes, mais où trouver tout cela quand les idées d’autrefois ne sont plus à la mode ?
Je me dis que l’idéal de l’écologie pourrait être cette nouvelle utopie. Oui, bonne idée : se battre pour les arbres, pour les animaux… c’est chevaleresque et en même temps assez concret pour trouver un écho dans les esprits contemporains. De toute façon, plus qu’une utopie, cette bataille-là est en fait une nécessité… pour autant pas vraiment comprise ainsi par la majorité. Et c’est bien là que cela coince : une utopie pour être virale et entraîner les foules doit être domestiquée et démocratisée. Mourir pour les baleines bleues plutôt que pour Dieu ? D’autant plus que l’écologie (je mets beaucoup de choses derrière ce terme, bien plus que la protection pure de la biodiversité… pour moi l’écologie est politique, et embrasse aussi tous les comportements humains, en partie dans une vision de décroissance) ne demandera jamais à ses adeptes de donner leurs vies pour sauver celles des autres êtres vivants…

Dans la pratique quotidienne de professeure de philosophie, je constate que les jeunes personnes que j’ai en face de moi sont très sensibles à ces questions. Bien plus que je ne l’étais à leur époque ! Bien plus en fait que ne le sont d’autres jeunes : je pense que je m’adresse à une minorité de la population la plus jeune. Mais je pense que cette question, celle du réenchantement de nos vies et de nos espoirs par autre chose que par nous-mêmes, peut devenir celle de notre rapport à la nature, au vivant. Cela demande de réécrire nos idées, nos idéologies, nos philosophies prises dans des représentations ancestrales, religieuses justement. Il y a peut-être là une ouverture, une lumière qui peut faire coïncider à la fois l’urgence écologique et le malaise de notre civilisation.

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5 commentaires sur “L’écologie peut-elle devenir une nouvelle utopie ?

  1. Je suis d’accord avec toi, mais j’ai un certain pessimisme sur le sujet. Tu te dis que les personnes qui devraient se préoccuper le plus de l’écologie, c’est ceux qui ont des enfants… Et c’est ceux-là que je trouve les plus égoïstes (dans leur grande majorité, il y a toujours des exceptions) : ils s’en foutent dans le fond, ils veulent juste leur vie de famille, avec voiture, maison et piscine, tous les objets possibles et imaginables, comme papa-maman avant eux. Ce sont les plus traditionnels, j’ai vraiment eu beaucoup de mal à discuter de ce sujet avec eux sérieusement… Tu pourras dire que je généralise, mais dans mon entourage, et même en-dehors, c’est malheureusement mon constat… Les seules familles que j’ai vu se préoccuper de ce sujet pour de vrai, c’est sur Internet… Difficile de ne pas se mettre en colère et de balancer la bombe qui est celle-ci : « En fait, vous vous en cognez bien de vos gosses ! C’est juste votre vie idéalisée que vous voulez ! » Et au regard d’une réponse que j’ai eu un jour (et après laquelle j’ai failli lancer la bombe), je me dis que c’est ça en fait : « Chaque génération a ses problèmes, à eux de régler les leurs ». Mais on parle de la destruction de la planète créée par les générations précédentes, dont la nôtre…

    En fait, je me dis que la religion de la consommation a encore de beaux jours devant elle… Les gens veulent juste avoir une superbe vie car on en a qu’une, et il faut la vivre à fond, quelles que soient les conséquences. Y en a même un qui m’a dit que, de toute façon, la planète allait quand même mourir, alors autant en profiter maintenant… Difficile de ne pas être découragée et frustrée. Ca ne m’empêche pas d’essayer de faire quelque chose : je suis végétarienne (pour des raisons éthiques à la base, c’est vrai), et on aura beau dire, l’élevage intensif est une très grosse source de pollution. On a eu une conférence à ma formation sur le sujet du développement durable, le gars a abordé tous les sujets, sauf celui-ci… Et puis ça restait en surface, il nous félicitait de faire le tri, mais non, c’est pas suffisant, il fallait nous rentrer dans le lard ! Moi, franchement, je ne sais plus quoi faire…

    Pour l’instant, j’habite chez mes parents, je ne peux pas faire grand-chose en plus… Bref, ce fut le commentaire d’une sceptique frustrée. 😥

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    1. L’important je pense c’est que chacun fasse sa part ! Alors c’est vrai que c’est encore une minorité qui prend conscience de tout cela et qui a le temps et surtout les moyens (!) de faire autrement. Par contre je pense aussi que c’est en faisant et en pensant différemment que les choses peuvent prendre une tournure plus globale. Alors la question qui tue reste : est-ce que les changements globaux arriveront assez vite pour que l’humanité survive ? rien n’est moins sûr…

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      1. Oui, je suis tout à fait d’accord. (désolée pour le pavé, j’avais visiblement un truc sur le coeur)

        Il me semble qu’il nous reste peu de temps pour inverser la situation, non ? 3 ou 5 ans, je ne sais plus… Ca va être un peu court vu la lenteur du changement de mentalité :/

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      2. ton commentaire montre effectivement que tu as quelque chose à dire : peut-être un thème pour un de tes articles aussi 😉
        Pour le temps, en fait cela dépend du problème que l’on envisage : réchauffement climatique, perte de la biodiversité, érosion des sols… de mon côté je me dis qu’il faut faire ce qu’il y a à faire… et après… InshAllah 🙂 on ne peut pas faire à la place des autres c’est sûr mais on peut montrer l’exemple. De toute façon tu as raison : le coeur du problème ce n’est pas tant l’écologie en elle-même que le modèle économique néo-libéral !! Et peut-être que là il y a des choses à changer aussi 😉

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      3. Oui, c’est surtout ce système qu’il faut changer, et là, je pense que les gens seraient beaucoup plus enclins à prendre des initiatives 🙂

        (pour un article, on verra, je ne suis pas vraiment écolo, dans le sens où je me sens coincée pour agir)

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