La Mer qui prend l’homme de Christian Blanchard

« C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme ». Ces paroles de Renaud nous rappellent que les éléments naturels, l’océan, la montagne, le désert sont et seront toujours plus puissants que l’Homme, et c’est tant mieux. Quand on les fréquente, ils nous changent à jamais et nous sommes marqués par leurs présences.
J’ai lu il y a quelques mois l’excellent roman de Christian Blanchard, Iboga, que j’avais chroniqué ici. Quand j’ai vu son nouveau polar sur NetGalley, j’ai sauté sur l’occasion et je remercie les éditions Belfond pour cette lecture.
J’avais beaucoup aimé Iboga, j’ai adoré La mer qui prend l’homme. Un roman noir, violent, poisseux où il n’y a pas de bons d’un côté et des méchants de l’autre et où le sang de la vengeance coule à flots.
Difficile pourtant de résumer ce livre sans en dévoiler toute l’intrigue.

Synopsis

Entre la guerre d’Afghanistan et l’atlantique nord, un page-turner qui vous plonge dans la tempête des âmes et une mer rouge sang. Au large des côtes du Finistère, un chalutier à la dérive est localisé. Lors de l’opération de sauvetage, une femme est retrouvée dans une remise, prostrée, terrorisée et amnésique. Le reste de l’équipage a disparu. Parmi eux se trouvaient trois anciens militaires français.
Xavier Kerlic, Franck Lecostumer et Paul Brive avaient embarqué sur le Doux Frimaire à Concarneau, encadrés par le lieutenant Emily Garcia, des services sociaux de la Défense. Celle-ci devait expérimenter avec eux une méthode de lutte contre le stress post-traumatique en les insérant dans un groupe d’hommes soudés par de rudes conditions de travail – les marins du Doux Frimaire.  » Je ne le sens pas, ce coup.
Qu’est-ce qu’on vient faire dans cette galère ?  » avait lancé Franck en montant à bord, avant que le chalutier ne lève l’ancre en direction de la mer d’Irlande et ne disparaisse des radars…

Bretagne – île de Batz au large du Finistère.
Afghanistan – Kaboul la capitale.
Des marins, rudes et sobres, sur un chalutier de pêche au large de l’Atlantique du Nord-Ouest.
Des soldats français, choqués et traumatisés par une guerre dans un autre pays, au bout du monde.
Un lourd secret, sans doute puisé dans une affaire très réelle par l’auteur, qui lie tout ce petit monde et les amène aux portes de l’Enfer. Cet enfer c’est l’océan, la culpabilité, la folie surtout.
Les soldats sont atteints de SPT, stress post-traumatique. Ils ont chassé les talibans, ils ont été chassés par eux, blessés, ils sont morts dans le désert afghan. Quand ils rentrent au pays, c’est la folie qui les guette, qui est en eux. Peut-on les guérir et leur rendre une vie normale ?
C’est ce que tente le lieutenant Emily Garcia dans un programme secret de l’armée française, avec comme cobaye un quatuor de soldats liés à la vie à la mort depuis Kaboul.
Mais rien ne va se passer comme prévu, et tout va déraper, dans le sang, les larmes et la colère.

La vengeance est toujours amère

La vengeance comme cadeau empoisonné et comme évidence pour survivre. Faut-il se punir ou pardonner ? Même Paul Brive, l’aumônier de l’armée française ne sait plus trop à quel saint se vouer, d’autant plus que Dieu est muet dans la nuit afghane. Le roman est un essai sur cette loi du Talion qui fait depuis des lustres le fond de commerce des relations humaines. Un livre sur ces conséquences non seulement sur celui ou celle qui doit être puni mais aussi et surtout sur ceux qui se vengent. On ne sort pas indemne de cette spirale et même si on croit aller mieux après, la vie n’est jamais la même… si on garde la vie.

Ce roman est très prenant. L’auteur maîtrise parfaitement les enchaînements de situations. Il alterne les scènes du présent en Bretagne ou sur le chalutier Doux Frimaire, avec les souvenirs du passé en Afghanistan. Les lieux et les personnages s’emboîtent petit à petit et on comprend alors l’étendue de la tragédie.
J’ai beaucoup aimé le contraste entre les deux espaces : la Bretagne venteuse et humide, l’île de Batz où chacun se connaît et la rudesse sèche et montagneuse de l’Afghanistan. On est plongé dans les tempêtes de l’Atlantique à nord du navire de pêche et dans la tête des combattants qui rentrent au pays.
J’ai aussi beaucoup aimé les personnages, dont aucun n’est innocent, même celle(s) que l’on croit les plus tendres et les plus fragiles. Les fous ne sont pas ceux que l’on pense. Les insensés sont ceux qui paraissent les plus logiques. La morale n’a rien à faire dans cette histoire, qui n’est pourtant pas loin du cynisme. Mais ne vivons-nous pas dans un monde où la mort frappe à la sortie d’un concert comme au fond d’une vallée de l’Hindou Kouch ?

Christian Blanchard n’en est pas à son premier roman, mais depuis Iboga qui l’a fait connaître au grand public, il affirme une plume et un style noir qui laisse peu de place aux bons sentiments et aux repentirs. C’est un style différent des maîtres du polar français, qui sont plus sanglants et plus pervers. Blanchard nous propose des plongées hyper réalistes dans le monde d’aujourd’hui et dans la psychologie quelque peu malade de nos contemporains.


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3 commentaires sur “La Mer qui prend l’homme de Christian Blanchard

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