Tout le monde cherche le pouvoir. Quête étrange et ridicule : le pouvoir c’est ce sentiment de domination qui, comme l’amour ou le désir, s’efface, s’amenuise au fil du temps, est contrarié, doit résister, lutter contre des pouvoirs plus forts. Il semble vraiment que ce goût du pouvoir se retrouve partout, puisque je l’entre-aperçois même dans des endroits où il ne devrait pas être ! J’en arrive donc à me dire qu’il se sert à rien de courir après lui… puisque tout le monde le veut. Le pouvoir peut bien être du faire, il est comme les grains de sable qui filent entre les doigts de l’assoiffé. Je préfère la puissance. Est-celle celle que décrit Nietzsche ? Je suis en train de relire la Volonté de puissance, ce non-livre, trituré bien mal après la mort du philosophe, mais tout de même composé de fragments bien réels. Je suis en train de me faire une idée de cette volonté de puissance. Parfois il me semble que puissance et pouvoir, domination sont la même chose pour Nietzsche : « Violence et insolence des puissants à l’égard de ceux qui leur sont soumis ; le développement de l’intelligence et le progrès en “humanité” tendent à spiritualiser de plus en plus cette violence et cette insolence. Mais comment la puissance renoncerait-elle à jouir d’elle-même ! » La volonté de puissance nietzschéenne est expliquée sous l’angle, scientifique, de la théorie de l’évolution des espèces de Darwin. C’est ce qui a permit aux espèces leur conservation, l’accroissement de leur puissance permet la survie. Pour cela, seule la connaissance est indispensable : « La connaissance travaille comme l’instrument de la puissance. […] la volonté de connaître croît en proportion de la croissance de la volonté de puissance dans l’espèce ; une espèce saisit la quantité de réalité qu’elle peut dominer, qu’elle peut prendre à son service. » La connaissance du monde, par la science par exemple pour les humain, est ce qui accroît notre puissance sur la Nature et nous permet de la maîtriser et de s’en servir pour notre survie, toujours plus d’autonomie. Mais plus tard, Nietzsche disserte sur l’idée que la connaissance est avant tout une interprétation du monde, d’où il serait totalement farfelu de vouloir éliminer toute erreur. Les erreurs sont d’ailleurs ce qui permet l’accroissement de la connaissance… donc de la puissance ! « L’erreur a-t-elle été produite comme une qualité de l’être ? Errer serait donc une façon de devenir et de changer perpétuellement ? » Cette puissance est un ensemble de forces, la force motrice de nos actions, la volition, mais aussi la force de notre plaisir. C’est une force car elle se trouve toujours à lutter, batailler contre de multiples obstacles. Le plaisir naît justement de ces résistances : « le plaisir n’est qu’un symptôme de la sensation de puissance acquise, la conscience d’une différence (le vivant ne recherche pas la plaisir, mais le plaisir se produit quand il a atteint le but de sont effort ; le plaisir accompagne l’acte, ne le déclenche pas.) » La puissance comme devenir, comme mouvement davantage qu’un pouvoir dominateur qui lui fixe, fige et pose les dualités paralysantes. La puissance est une force intérieure, un don individuel bien plus qu’un acte collectif comme le pouvoir. Elle émane de l’être ou bien n’est pas. Le lien entre la puissance et la connaissance est fascinant : c’est par la connaissance de soi que l’on connaît l’univers (injonction socratique ) et c’est par cette connaissance que l’on atteint la puissance, la sensation de puissance. « L’homme connaît l’univers dans la mesure où il se connaît ; c’est-à-dire que les profondeurs s’en révèlent à lui dans la mesure où il s’étonne de lui-même et de sa propre complexité. » « Le but n’est pas le bonheur, c’est la sensation de puissance. »