C’est marrant mais l’un des thèmes de l’agrégation interne de philo est l’expérience ! Pour sûr, c’est un truc qui me connaît… l’expérience. Je peux même dire que c’est mon cheval de bataille, le fil rouge de mon existence 😉 J’aime faire des expériences, découvrir des mondes… certains « font » la Zambie, le Zambèze, l’Afrique du Sud ou la Nouvelle-Zélande… moi je suis une touriste de l’expérience ! J’ai expérimenté des tas de trucs bizarres et je continue parce que, franchement, on s’ennuie vraiment ici bas… vous ne trouvez pas ?
Hier après midi, le soleil étant généreux, j’ai pris mon vélo et je suis allée me balader sur le remblais… c’est ainsi que le nomme par chez moi le front de mer. C’est tout plat, une large piste cyclable… la mer d’azur d’un côté, les constructions hideuses de la baie de la Baule des années 70 de l’autre côté… le soleil au-dessus de l’horizon. Je suis allée jusqu’aux « Champs Elysées » baulois : l’avenue du Général de Gaulle, perpendiculaire à la mer… le haut lieu du bling-bling ! Je laisse mon vélo sur l’un des nombreux parkings à vélo du coin et je pars, comme une ethnologue, déambuler entre la foule, les voitures de luxe et les magasins. J’aime bien aussi me poser sur la terrasse du Rouge ou de la Croisette, les deux bars, l’un très branché, l’autre très bourgeois, de la grande place juste au bout de l’avenue. On peut admirer la faune et la flore de la Baule, qui se divise en deux catégories : le Baulois par conviction et héritage, celui qui possède à la fois la grosse voiture allemande, la villa de famille et sans doute un autre bien immobilier quelque part entre le 78, le 92 et le 75 ! La seconde catégorie est le touriste de passage… on le remarque aisément parce qu’il a le nez en l’air… ou dans sa gaufre/glace. C’est dur à dire, mais la distinction se fait essentiellement sur le paraître : pas de polo Lacoste, de lunettes de soleil de marque, de Rolex, de pantalon en velours… vous vous baladez avec la poussette de votre dernier et deux braillards derrière vous ? vous portez un jean ou pire un short- t-shirt-basket ? passez votre chemin, l’ami, vous n’êtes certainement pas du cru !
Mais hier après midi, en déambulant ainsi, j’ai eu un flash… comme une sorte de déjà vu mais ailleurs et autrefois. C’est venu comme un boomerang : qu’est-ce que cette rue surpeuplée de la Baule me rappelait ? ………… mais oui ! Le Bazar de Peshawar ! Et là je rigole intérieurement et j’analyse un tantinet ce raccourci que mon inconscient me propose. La foule d’abord… beaucoup de monde. L’ambiance joyeuse. A Peshawar, au Khissa Khwani Bazar, le Bazar des conteurs où j’habitais, il y avait les couleurs éclatantes des étals : tissus pour les femmes, épices de toutes sortes. La nourriture aussi est omniprésente, ici et là-bas : khebab dans une main ou gaufre dans l’autre ? Tout le monde va-et-vient, mais que fait-on ? On se montre bien plus que l’on achète ou rencontre. Ici comme là-bas, la foule qui arpente le « bazar » du monde est bien plus préoccupée par ceux qui la voient que par le fait de voir les autres. Parfois, je me sens observatrice, ne faisant pas vraiment partie de ce carrousel. Mais comme dis le prix Noble de Physique Werner Heisenberg, dans son livre Physique et philosophie à propos de la révolution que fut la mécanique quantique :
« L’observation elle-même change de façon discontinue la fonction de probabilité ; elle choisit entre tous les phénomènes possibles celui qui a lieu en fait. Etant donné que, par notre observation, notre connaissance du système a changé de façon discontinue, sa représentation mathématique a également subi un changement discontinu, et nous parlons de « saut quantiques ». […] Par conséquent, la transition du « possible » au « réel » a lieu pendant l’acte d’observer. Si nous voulons décrire ce qui se passe au cours d’un phénomène atomique, il faut nous rendre compte que le terme « se passe » ne s’applique qu’à l’observation et non à l’état des choses entre deux observations ; il s’applique à l’acte physique d’observer et non à l’acte psychologique et nous pouvons dire que la transition du « possible » au « réel » se produit dès que l’interaction de l’objet avec la jauge de mesure (donc avec le reste du monde, est entrée en jeu. »
Hier, j’ai donc fait une expérience de physique quantique : l’observatrice et l’objet observé se faisait qu’un ! Quand j’ai repris mon vélo, le vent de face m’a obligé a doubler mon effort… ouf…mais quel bol d’air et d’absurdité 😀 Et dire qu’aujourd’hui c’est le jour des morts……