Crimes en Loire Atlantique : pauvre jeunesse.

La Loire Atlantique, département où je réside, deviendrait-il un département où les affaires criminelles extraordinaires seraient plus nombreuses qu’ailleurs ? L’affaire Laeticia à Pornic, Dupont de Ligonnès à Nantes, Jonathan Coulom à Saint Brévin les Pins… et depuis quelques jours l’affaire Troadec à Orvault. Quand cette énigme est apparue dans les médias il y a plus de 10 jours déjà, on pouvait entendre cette remarque dans les cafés… et comme tout le monde j’ai suivi les aléas de l’enquête mais surtout la couverture médiatique. Il faut dire que l’histoire n’est pas à la Une, car les affaires politiques de la présidentielle sont largement en pole position ! Par contre, il y a quelque chose qui m’a profondément choqué, et c’est peut-être là ma prise de conscience de la pression des médias et de l’emballement que peut créer une telle affaire.
Ce qui me gène dans cette histoire c’est que depuis hier on connaît le coupable : le beau-frère qui a massacré la famille pour peut-être quelques pièces d’or ! Pourtant, cette nouvelle va vite être oubliée d’autant plus que durant de nombreux jours qui ont précédé cette résolution, c’est surtout sur le fils de la famille, Sébastien Troadec, que le soupçon s’est posé. En effet, pendant plus d’une semaine le mystère le plus épais a plané sur ce qui s’était passé dans la maison d’Orvault (c’est la banlieue nord de Nantes, plutôt classe moyenne). On découvre un jean et une carte vitale en Bretagne puis la voiture de Sébastien Troadec à Saint Nazaire. C’était d’ailleurs ce jour là un peu l’effervescence dans la ville, on a entendu de nombreuses sirènes de police qui parcourait la ville à grande vitesse !
Pendant ce temps, les médias fouillent la vie des disparus et je trouve qu’ils ont vite commencé à s’acharner sur la figure de Sébastien Troadec qui est présenté comme ayant un profil psychologique fragile, qui serait en conflit avec son père. On ressort même de vieux statuts de réseaux sociaux, de Facebook, des tweets qui sont sortis de leurs contextes, qui ne sont pas datés. Les journalistes vont  jusqu’à interroger des camarades du jeune homme qui d’ailleurs répondaient qu’il n’avait rien de particulier et était très gentil avec tout le monde. Pourtant, il devient le suspect numéro 1, des médias et de l’opinion, sans que jamais la justice ne démente ou n’infirme quoi que ce soir, puisque plongée dans l’enquête et que toutes les pistes sont explorées. Alors, j’ai vu là sortir des clichés qui m’ont choqués car tout était sous-entendu et que jamais personne n’a osé affirmer qu’il pouvait être le coupable : le conflit de génération entre un père et son fils, une famille discrète donc suspecte, un jeune homme introverti qui écrit sur les réseaux sociaux…
Comme si un adolescent devenu jeune adulte ne pouvait pas avoir des raisons de s’opposer à son père… c’est sûr, cela n’arrive jamais ce genre de chose ! Comme si ce qu’on écrit sur les réseaux sociaux était forcément l’essence même de ce que l’on est, de son être même ! Comme si des gens qui ne font pas parler d’eux ont certainement des tares, des vices qu’ils cachent. On est même allé jusqu’à dire que le père, Pascal Troadec était alcoolique. Mais quoi ? Jamais je n’ai entendu juste dire qu’ils avaient disparus et que leur destin tragique était bien plus puissant que ces élucubrations. On les a réduit à ces bribes d’éléments, faux, tronqués, interprétés, pour en faire une pâte à mâcher pour les journalistes et pour l’opinion.
Je pense aussi que ce que je dénonce là, cet emballement que j’ai senti de faire du jeune Sébastien un coupable non seulement possible mais évident puisqu’il en voulait à son père (cherchez bien la logique là-dedans ?) est le signe d’un fossé qui se creuse entre les générations, entre les parents et les enfants. Les jeunes font peur, je le sais, je travaille tous les jours avec de jeunes personnes qui se construisent dans un monde où on leur envie leur jeunesse, ou on copie leur monde, leur enthousiasme mais où on ne veut surtout pas de leurs idées ou de leurs modes de fonctionnement. Je trouve que ce qui s’est passé là est le signe que beaucoup d’adultes-parents ont peut être peur de leurs enfants… j’assume le mot peur, car il est aussi très à la mode. Peur car a priori, pour beaucoup, on ne peut pas faire confiance à ces jeunes-là… voyez donc ce qui s’est passé également autour de l’affaire Théo…Ils sont coupable a priori et surtout on ne cherche même pas à savoir qui sont ces personnes. Leur identité se résume à leur âge, celui que nous autres n’avons plus, et tout est dit.
Pourtant, ici comme ailleurs, ce sont plus souvent les jeunes les victimes : les affaires criminelles que j’ai cité au début de ce billet sont avant tout des jeunes femmes et jeunes hommes. On leur prend leur vie et en même temps la société se permet de juger de ce qu’ils sont en fonction de leur jeunesse. C’est à mon sens aussi pour cela que ce monde occidental est en décadence.

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