Jeudi soir, jeudi 14 septembre 2017, en rentrant d’une réunion houleuse, je me suis assise devant mon écran de télévision et j’ai regardé l’émission Envoyé Spécial sur France 2. Le reportage s’intitulait : « Une pilule pour oublier » et il racontait une expérience médicale un peu hors norme. C’est celle que mène depuis des années un médecin québécois qui propose à des patients victimes de stress post-traumatique un protocole composé par l’ingurgitation d’un pilule d’un médicament bien connu et par l’écriture puis la lecture semaines après semaines du souvenir traumatisant. Son but n’est pas du tout d’effacer le souvenir, mais d’utiliser le moment éphémère où le souvenir est réactivé, avec souvent son corrélât d’émotions, de stress physique et psychique, pour briser ces réactions, ces symptômes qui peuvent être handicapants pour les patients. Ce protocole a été utilisé sur quelques dizaines de personnes au Canada avec un taux de mieux être au bout de 6 semaines des 2/3 des patients traités. Le médecin psychiatre Alain Brunet, a décidé de proposer son expérimentation aux hôpitaux parisiens et niçois qui ont dû soulager les personnes victimes des attentats de 2015 et de 2016.
Le reportage suit donc 3 personnes, présentes au mauvais endroit au mauvais moment, au Bataclan, sur une terrasse parisienne ou sur la Promenade des Anglais… on les suit dans leur traitement et surtout on les écoute quand il et elles racontent leurs souvenirs traumatisants. Et là… on se rend compte que ces personnes ordinaires se sont réellement trouvées confrontées à des scènes de guerres !
Ce qui m’a frappé et touché dans ce reportage c’est que ces trois personnes, qui avant le traitement n’allaient pas bien du tout à cause du cauchemar qu’elles avaient vécu, étaient en grande souffrance non pas tant parce qu’elles avaient vu leurs morts de près… non, elles souffraient le martyre parce qu’elles avaient vu la souffrance et la mort chez d’autres, de parfaits inconnus dont elles avaient croisé les regards terrorisés, les corps démantelés, vu leur sang couler et leur vie s’enfuir. Ce qui m’a profondément touché et interrogé c’est que ces trois individus étaient, des mois après les attentats, incapables de reprendre une vie normale parce qu’ils avaient été empathiques !!
Je dois avouer que ce reportage, très lourd et très émouvant, m’a redonné du baume au cœur, non pas parce que je me serais réjouie du malheur d’autrui, mais parce que le malheur d’autrui était la conséquence d’un sentiment de compassion et d’empathie qu’autrui a eu pour autrui. Je me suis dit qu’en fait, dans les actes bruts et brutaux de l’existence humaine, ce qui ressortait finalement n’était pas la violence, la cruauté, la barbarie qui pourtant étaient et sont toujours présentes dans ces vies, mais le sentiment que l’autre est réellement un autre moi-même. Se rendre malade parce qu’on n’a pas pu prendre soin d’une personne mortellement blessée, se rendre malade parce qu’on s’est enfui pour sauver sa vie et celle de ses proches est certes très triste, mais aussi le signe d’une profonde connexion de l’humain à son Humanité.