La méthode Ikigaï

Intéressée par les techniques de développement personnel, parce que j’aime bien parcourir les travers de l’âme humaine et surtout les miens, j’avais déjà entendu parler de cette méthode qui nous venait du Japon : la méthode Ikigaï. Sur le coup, je n’avais pas trop compris en quoi cela consistait et j’avais passé mon chemin.
Récemment, un ami m’en a reparlé et comme je suis, depuis quelque temps déjà, sur un chemin de reconversion, de transformation, de questionnements, j’ai décidé de lire ce petit ouvrage qui est proposé en partenariat sur NetGalley.

Le livre a été écrit par deux auteurs espagnols qui vivent au Japon depuis longtemps : Francesc Mirallès et Héctor Garcia. Ils nous proposent un voyage en train, le Shinkansen, le train à grande vitesse japonais, passant de ville en ville pour faire le tour des techniques qui permettent de trouver notre Ikigaï, c’est-à-dire notre passion dans la vie, ce qui nous fait nous lever le matin.
C’est notre raison d’être, ce qui fait de nous des êtres épanouis et qui ont trouvé leur place dans le monde.

En japonais, Ikigaï vient du mot « iki » qui signifie « la vie ou être en vie », et de « gaï » qui veut dire « ce qui vaut la peine et a de la valeur ». C’est donc ce pour quoi notre vie vaut la peine d’être vécue.
J’avoue que même si je suis plutôt familière des concepts orientaux, celui-ci me pose problème. En effet, je ne suis absolument pas certaine que tout le monde possède un tel bien en lui. Je ne crois pas que nous avons tous, tout le temps, cette sorte de motivation intrinsèque, ce sens qui pourrait nous permettre de vivre en pleine harmonie. C’est sans doute mon fond pessimiste voire sceptique qui remonte. Je ne crois pas que la vie et le monde aient un sens et qu’il existe une direction précise par laquelle nous allons forcément passer et surtout être heureux. Je trouve, pour ma part, que même s’il peut exister un fil directeur dans mon existence, que je pourrais traduire par le concept de liberté absolue, je n’appellerais pas cela mon Ikigaï, car ce n’est pas ce qui me fait vivre dans le sens de passion ou de métier. C’est davantage un « Dasein », un être-au-monde, une posture qui préside à mes choix et à mes actes, mais qui n’est pas quelque chose de tangible.
Et je pense que nous sommes beaucoup dans ce cas : pour la plupart, nos vies balancent entre souffrance et ennui comme dit Schopenhauer, et très peu d’entre nous ont un pilier, une colonne vertébrale suffisamment solide pour les accompagner toute leur vie.

La méthode Ikigaï est connue dans les magazines et autres sites internet par ce fameux schéma qui rassemble en quatre cercles des composantes de notre vie et qui se rejoignent pour former l’Ikigaï.

 

Ce qui me gène encore dans ce discours c’est l’utilitarisme qui sous-tend la méthode. Les idées de mission, de besoin, d’être payé, me font dire que c’est une énième façon de faire entrer les gens dans des cases qui permettent au système (capitaliste) de continuer à fonctionner sans trop de débordement. Nous vivons dans un monde où la plupart des salariés font ce qu’ils appellent des « jobs à la con » et sont animés par l’envie de trouver un sens à leur travail. Encore cette idée de sens. Mais du sens pour quoi ? Est-ce pour faire sens uniquement ? Sens pour soi. Ou bien est-ce pour permettre à l’individu-salarié d’être encore plus soumis aux lois du marché du travail : je trouve un sens à mon job pour que le temps que j’y passe pour gagner de l’argent ne me semble pas être du temps perdu sur les réelles missions de ma vie en tant qu’humaine.
Et puis, pour continuer dans la critique, j’ai beaucoup de mal à me projeter de façon très personnelle sur ces items. Qu’est-ce que cela veut dire «  ce dont le monde a besoin » ? Je n’en sait rien ! Et je n’ai pas à le savoir. Le monde n’a pas de besoin, le monde est monde et nous dedans. Je n’arrive pas du tout à faire cet exercice d’autant plus que dans mon cas, dans ma situation professionnelle un peu compliquée, il est justement difficile de me défaire des représentations que j’ai sur moi-même et sur ce que je fais. Comment pouvoir prendre du recul sur soi-même par exemple pour faire l’examen de tous les domaines dans lesquels on est bon.

C’est ce que propose le livre de la Méthode Ikigaï. Mais finalement, ce bouquin parle peu de ce schéma, même s’il le place au tout début du livre et à la toute fin. Le reste n’est qu’une succession de méthode et d’exercices pratiques pour essayer de combler ces cases-là. Les auteurs font alors le tour de tout ce que le monde exubérant du développement personnel a déjà pu inventer pour nous faire travailler d’étape en étape sur nous-mêmes. Cela va des techniques d’organisation occidentales, comme le Pomodoro (tomate) qui divise notre temps de travail en 25 minutes avec 5 minutes de pause entre chaque session, à des pratiques plus spirituelles et orientales comme l’écriture de haïku, le dessin d’un cercle enso ou l’usage de koan. Ces techniques sont censées vous permettre, à la fin, de remplir les 4 quadrants de votre Ikigaï, sans que l’on sache vraiment comment cela fonctionne ! On remplit les quadrants, les cercles du schéma, mais jamais on ne nous explique comment on passe de ces thèmes aux sous-thèmes comme la vocation ou la profession ! C’est très frustrant et un peu gênant quand on pense lire un livre qui nous explique enfin comment construire son Ikigaï !

 


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2 commentaires sur “La méthode Ikigaï

  1. Je me suis fait un ikigaï il y a quelques mois et c’est vrai qu’on ne peut remplir les cercles d’un coup d’un seul, ça demande de la réflexion. Tout comme la réflexion sur une reconversion professionnelle.

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    1. Le souci c’est qu’on ne nous donne pas la méthode pour réfléchir… c’est un peu difficile parfois de prendre du recul sur soi et ses choix professionnels comme personnels.

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