Histoire du projet de Notre Dame des Landes-3

3- Depuis 2008, une montée en puissance des résistances, des contestations, des conflits qui signent l’incompréhension entre l’Etat/ le secteur privé et le territoire lui-même.
En mars 2008, une première manifestation (ce ne sera pas la dernière) se tient à Nantes pour dénoncer la DUP. Déjà en 2006, une manifestation avait eu lieu sur le site même du futur aéroport. Pendant que l’Etat, maître d’ouvrage du projet, lance des appels d’offre pour les futurs concessionnaires, les opposants locaux organisent l’opération Citoyens Vigilants. Plusieurs recours administratifs sont déposés contre la DUP que le Conseil d’Etat invalide à chaque fois. Le plus symbolique de ces recours fut celui du Conseil de la Communauté de Communes d’Erdre et Gesvres, territoire où devrait s’implanter le futur aéroport, qui bien que partie prenante jusqu’à présent du projet et ayant participé aux débats et enquêtes publiques, dépose un recours en annulation de la DUP. La contestation non seulement se radicale mais surtout elle quitte le cadre feutré des salons en même temps que les préoccupations locales d’agriculteurs et de riverains. L’ « affaire Notre Dame des Landes » va devenir une question de politique nationale, une question d’opinion nationale, en faisant régulièrement la Une des journaux nationaux. C’est peut-être à ce moment que les élus locaux et les collectivités, plus ou moins en accord avec le projet mais obéissant à la volonté souveraine de l’Etat, commencent à être débordés non seulement par les citoyens mais aussi par certains élus eux-mêmes qui veulent sans doute retrouver leurs libertés de parole. C’est ainsi qu’en novembre 2009 est crée un Collectif d’élus contre l’aéroport, baptisé avec a propos CéDpa, Collectif d’élus Doutant de la pertinence de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Dans la profession de foi de l’association il est noté : « Les élus sont de plus en plus nombreux à douter de la cohérence d’un projet vieux de 40 ans avec les aspirations de notre monde actuel. Et les questions restées sans réponse demeurent nombreuses. »[1] Les deux questions principales sont celle liée à l’incohérence écologique du projet, dans le contexte du Grenelle de l’environnement et des préoccupations internationales concernant le réchauffement climatique ; et celle des incertitudes du financement : ces élus estiment que le budget prévu pour la réalisation de l’aéroport a été largement sous-estimé et ils craignent (à juste titre ?) que ce soient les collectivités locales, département, région, Nantes métropole, qui à terme soient les principaux financeurs d’un projet dont la réussite commerciale est également mise en doute. En particulier les interrogations sont grandes autour du financement de toutes les infrastructures de liaison entre le site et les pôles urbains de la région. L’appel initial des élus signataires en 2009 concerne les élus locaux qui doutent eux aussi de l’intérêt général de ce projet :

« En votre qualité d’élu-e-s ayant le souci d’un aménagement raisonné de notre territoire, nous vous proposons donc de créer un collectif d’élu-e-s doutant de la pertinence de l’aéroport de Notre Dame des Landes pour demander aux porteurs du projet de le réétudier dans une logique de développement durable, de maîtrise de l’étalement urbain et de maîtrise des coûts. »

Les élus se placent ici donc comme des acteurs de l’aménagement de leur territoire : cette compétence n’est plus réservée à l’Etat et ils veulent à présent se placer en intermédiaires légitimes et experts entre les citoyens et les volontés de l’Etat. Est-ce à dire que les élus ont trouvé là une nouvelle place dans le mouvement de la décentralisation ?

Le Collectif CéDpa devient une association en 2011 et elle comprend aujourd’hui plusieurs centaines de membres, de tous les partis politiques et de toute la France.

Après les appel d’offre, en décembre 2010, l’Etat choisi comme concessionnaire du futur aéroport l’entreprise Vinci pour 85%. Les 15% restant de la concession sont détenus par la CCI de Nantes Saint Nazaire et par l’entreprise de BTP ETPO installée à Nantes. Une société Aéroport du Grand Ouest (AGO) est alors créée, filiale de Vinci, qui sera en charge de la construction du futur aéroport, qui possède la gestion des deux aéroports actuels de Nantes Atlantique et de Montoir et qui aura en charge pour 55 ans la gestion du futur aéroport du Grand Ouest. En mai 2011, le syndicat mixte d’études pour le futur aéroport créé en 2002 est transformé en syndicat mixte aéroportuaire (SMA) pour participer à la phase opérationnelle du projet. Un calendrier prévisionnel est d’ailleurs proposé dans les statuts :

  • 2011 – 2014 : finalisation des études de projet, engagement et mise en œuvre des procédures, obtention des autorisations, début de mise en œuvre des mesures environnementales,
  • mi-2014 : engagement des travaux,
  • 2014 – 2017 : construction de la plateforme aéroportuaire et de la route d’accès,
  • octobre 2017 : mise en service de l’aéroport.

Après la phase d’études, les collectivités parties prenantes décident de continuer la coopération, en particulier pour le financement, le suivi de la gestion de la futur plateforme aéroportuaire et aussi pour l’accompagnement de l’aménagement du territoire et pour le respect des règles autour de l’environnement. Le financement est réparti de la façon suivante :

  • Région des Pays de la Loire : 35 %,
  • Région Bretagne : 25 %,
  • Département de Loire-Atlantique : 20 %,
  • Nantes Métropole Communauté urbaine: 15,5 %,
  • Communauté d’agglomération de la région nazairienne et de l’estuaire (CARENE) : 2,5 %,
  • Communauté d’agglomération de la Presqu’île de Guérande – Atlantique : 2%.

En outre, le SMA a pour compétences générales les études sur les dessertes en transports collectifs de la plateforme aéroportuaire ; et les « études sur l’aménagement spatial de la nouvelle plateforme aéroportuaire et de son environnement proche, en complément des études menées dans le cadre des schémas à valeur prescriptive. » Les membres du SMA se divisent en deux groupes : les collectivités territoriales qui participent au financement et qui ont signé la convention Etat-collectivités et d’autres collectivités qui ont voulu adhérer seulement pour les compétences générales :

  • Le Département d’Ille et Vilaine,
  • Le Département du Maine et Loire,
  • Le Département de Mayenne,
  • Le Département du Morbihan,
  • Le Département de Vendée,
  • La Communauté d’agglomération Rennes Métropole, ci dénommée après Rennes Métropole,
  • La Communauté de Communes d’Erdre-et-Gesvres
  • La Communauté de Communes de la Région de Blain
  • La Communauté de Communes Loire et Sillon
  • La communauté de Communes Cœur d’Estuaire

Le SMA est présidé par Jacques Auxiette, président de la région des Pays de la Loire.

Toujours en 2011, l’association des élus CéDpa demande une expertise indépendante à la société d’audit CE Delft. Le rapport rendu donne un avis défavorable au projet en rappelant que les capacités de l’aéroport actuel de Nantes Atlantique n’étaient pas totalement exploitées et qu’elles pouvaient surtout être augmentées si c’était nécessaire, par exemple en créant une autre piste de direction est-ouest. Il présente par ailleurs plusieurs scénarios possibles entre laisser la situation aérienne de la région telle qu’elle est actuellement, transformer plus ou moins l’aéroport Nantes Atlantique et transférer l’activité aérienne sur le nouveau site. Il s’avère, d’après cette étude, que les gains économiques d’un transfert ne sont pas si évidents que cela, et qu’économiquement, une transformation de l’aéroport actuel serait plus avantageuse. Le rapport prend en compte pour cela des critères autres que les simples profits économiques, mais aussi des critères plus externes comme les gains de temps ou de bien être des populations.

C’est à partir de 2012 que la situation sur le terrain se crispe et que l’opposition au projet devient plus virulente. La grande manifestation du 17 mars contre l’aéroport de Notre Dame des Landes à Nantes dégénère dans les rues de la ville. Sur place, l’occupation des fermes qui doivent être expropriées prend de l’ampleur et la Zone d’aménagement différée devient la Zone à défendre. Des milliers de personnes venues de toute l’Europe viennent sur place durant l’été pour participer à des conférences-débats par exemple sur la question des Grands projets inutiles imposés européens. Une nouvelle enquête publique est lancée au titre de la « loi sur l’Eau » autour des questions environnementales qui concernent la future plateforme aéroportuaire et aussi les dessertes routières de liaison du site avec les grands pôles régionaux .

En octobre, l’opération César des forces de l’ordre évacue des habitations et des squats sur le site. En novembre, l’ancien maire de Nantes devenu Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, crée une commission de dialogue et une commission agricole pour tenter de calmer les fortes tensions et pour tenter d’accompagner le projet qu’il a toujours soutenu en tentant d’écouter toutes les parties prenantes.

Depuis 3 ans, la situation est bloquée entre plusieurs acteurs. Nous n’entrerons pas ici dans le détail des affrontements et des recours en justice qui font encore la une des journaux.

[1] http://aeroportnddl.fr/file/creation-collectif-2009.htm

 

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